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Pomme de terre: des alternatives à la plantation «traditionnelle» existent

« La pomme de terre en agriculture de conservation : l’équation impossible ? », tel était le thème de la conférence organisée le 1er  mars dernier à Namur par Greenotec. Un choix que l’asbl a fait en partant du constat suivant : supprimer le travail du sol en culture de pomme de terre est plus critique vu la difficulté à maintenir une bonne aération et une bonne structure du sol après récolte. Des pistes de réflexion ont donc été apportées.

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À l’heure actuelle, plusieurs facteurs incitent certains agriculteurs à modifier leurs pratiques : entre autres, la nécessité de diminuer l’usage des produits phytosanitaires, les problèmes d’érosion, de coulées de boue et de tassements du sol. Le but de la séance d’information organisée par Greenotec était de lancer une réflexion concrète sur les moyens à mettre en œuvre pour limiter ces problèmes. Trois orateurs sont venus développer des pistes de réflexion.

Avec ou sans labour ?

En premier lieu, Maxime Merchier, coordinateur de Greenotec, a présenté les résultats des essais menés durant 4 ans par l’asbl et la Fiwap. Plusieurs modalités de travail du sol ont été testées, d’un travail du sol superficiel, comme un déchaumage, jusqu’au labour. « Les rendements obtenus et les pourcentages de tare et tare-terre ont permis de tirer comme conclusion qu’il était tout à fait possible, dans le contexte pédoclimatiques wallon, de cultiver des pommes de terre sans labour », avance-t-il.

Ce dernier a ensuite présenté des techniques, qualifiées d’innovantes, développées à l’étranger et testées, pour certaines, par l’asbl : réalisation des buttes à l’automne et plantation d’un couvert hivernal, plantation de pommes de terre en association (légumineuses entre les buttes) et semis direct.

Vue d’une culture associée de pommes de terre et plantes compagnes.
Vue d’une culture associée de pommes de terre et plantes compagnes.
Semis direct  en pommes  de terre.
Semis direct en pommes de terre.

Réaliser les buttes à l’automne

C’est ensuite Thomas Ducamps, agriculteur dans la Somme (France) qui est venu exposer une technique personnelle qu’il développe pour la deuxième année consécutive sur son exploitation. Il cultive, en non-labour, ses champs de pommes de terre pour le secteur du frais. Pour limiter les problèmes de ressuyage et faciliter la reprise des terres au printemps, la réalisation de billons à l’automne lui a paru intéressante. Il a, grâce à cette technique, diminué le nombre de passages d’outils ; le sol étant plus facile à travailler et à affiner.

De plus, des mesures de rendement réalisées en 2016 le confortent dans cette technique. « Nous avons observé un gain de rendement de 19 % », précise-t-il. Néanmoins, cette expérience devra être renouvelée afin de comparer les rendements sur plusieurs années.

Se passer des produits en « -cide »

Enfin, c’est Brendon Rockey, agriculteur originaire du Colorado (USA), a expliqué sa méthode de gestion holistique : « un système intensif où le sol et la biodiversité ont une place centrale. ».

Dans sa région, le climat est très différent de celui que l’on connaît Belgique. Ils sont situés à 2.300 m d’altitude. Le long hiver propre à cette altitude engendre une saison culturale relativement courte. Il travaille en condition quasi désertique (moins de 150 mm d’eau de pluie par an). La rotation classique dans cette région est une rotation biennale « pommes de terre/ orge ». Après avoir réalisé plusieurs années cette rotation, il l’a remplacée par « pommes de terre/couvert Biomax ».

Brendon explique que notre problème actuel réside dans une vision linéaire de nos pratiques. « L’ensemble des solutions actuelles est basé sur l’utilisation des produits en « -cide » », dit-il. Dans cette vision linéaire, il estime que l’utilisation de ces produits a des répercussions qui ne sont généralement pas prises en compte. « Par exemple, si on utilise un insecticide, nous ne tuerons pas seulement les pucerons, mais également les insectes utiles », cite-t-il. Par ailleurs, après l’utilisation d’un insecticide, les premiers insectes qui réapparaissent sont, selon lui, les ravageurs et non les insectes bénéfiques. « On se retrouve donc dans une spirale néfaste et l’on doit utiliser de plus en plus d’insecticides contre ces ravageurs. »

Il tire les mêmes conclusions pour les fongicides : « On détruit des champignons dont certains sont bénéfiques ». En effet, ceux-ci ont un rôle dans la défense des végétaux contre les maladies et/ou les ravageurs.

D’après ses constatations, plus on cherche à tuer un problème, plus on augmente la sensibilité de la culture. Dès lors, l’emploi de ces produits est augmenté pour obtenir des résultats équivalents.

« J’ai développé un système intensif dans lequel le sol et la biodiversité ont une place centrale. »

Sa réflexion ne se limite pas aux pesticides mais intègre aussi les fertilisants minéraux. Brendon explique que ces derniers ont un impact négatif sur certains organismes du sol. Ils inhiberaient ou détruiraient les bactéries fixatrices d’azote et les champignons mycorhiziens. Ceux-ci constituent pourtant de très bons alliés naturels : ils permettent de rendre le phosphore du sol et l’azote de l’atmosphère disponible pour les cultures.

Beaucoup d’insectes sont granivores et mangent les graines des adventices. « En utilisant les insecticides, on tue également ces insectes qui pourtant limitent la propagation des adventices », ajoute-t-il.

Il a estimé qu’il ne s’en sortirait pas de cette manière car, à chaque fois qu’il essayait de régler un problème avec un « – cide », il jugeait qu’il en créait un nouveau.

«
La production de pommes de terre commence par un sol en bonne santé
», estime Brendon Rockey.
« La production de pommes de terre commence par un sol en bonne santé », estime Brendon Rockey.

Brendon n’est pas en bio mais a développé une approche personnelle qu’il nomme « agriculture biotique ». On peut la définir comme étant une approche agro-écologique qui soigne, nourrit et supporte les relations entre toutes les composantes, vivantes ou non, du système dans son ensemble.

Son frère et lui ont donc recréé un système résilient en amenant un maximum de vie dans le sol.

Associer pommes de terre et couverts

Pour la gestion des nématodes, Bendron n’utilise pas de pesticides mais des plantes de couvertures spécifiques, comme le millet.

Pour empêcher la propagation des adventices, il évite qu’elles montent en graine et vient faucher l’ensemble de ses plantes de couverture, également avant la montée en graine.

Pour la gestion des ravageurs, il a créé un système où les insectes bénéfiques vont venir réguler la population des insectes ravageurs.

Il alterne sa production de pomme de terre avec un couvert Biomax, regroupant un mélange de plantes permettant d’obtenir une biomasse aérienne et racinaire maximale. Actuellement, il utilise 16 espèces différentes (radis, moutarde, lentille, lin, tournesol…). Chaque année, il change les espèces utilisées. De cette manière, il profiterait de l’ensemble des bénéfices des plantes.

« La base de ce système résilient est la diversité des plantes. »

Il amène encore de la diversité sur son exploitation en laissant du bétail pâturer sur ses terrains pour brouter les couverts, en cultivant des plantes compagnes au sein même de la culture de pommes de terre et en implantant des bandes fleuries multi-espèces pour fournir un habitat aux insectes bénéfiques.

Dans ses parcelles de pommes de terre, Brendon Rockey implante des bandes  fleuries multi-espèces pour fournir un habitat aux insectes  bénéfiques.
Dans ses parcelles de pommes de terre, Brendon Rockey implante des bandes fleuries multi-espèces pour fournir un habitat aux insectes bénéfiques.

Si l’agriculteur mélange les espèces, c’est pour une raison bien précise. Au niveau des racines, chaque plante va dégager des exsudats différents mais aussi occuper des espaces distincts et donc avoir des fonctions différentes. En surface, le développement foliaire est différent et la couverture du sol plus importante.

Brendon a donc développé une approche globale pour améliorer la fertilité de ses sols tout en diminuant les intrants. « Ce système est bénéfique pour le sol, pour l’agriculteur, pour le consommateur mais aussi d’un point de vue économique », ajoute-t-il.

En comparant son utilisation de fertilisants, de pesticides et d’utilisation d’eau, il en arrive à déterminer que les coûts de production sont diminués d’environs 1.000 €/ha par rapport à ses voisins.

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