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Qu’en est-il des baux nés avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le bail à ferme au 1er janvier 2020?

De nombreux preneurs s’interrogent quant au devenir de leurs divers baux à partir du 1er janvier 2020, date d’entrée en vigueur de la loi du 30 avril 2019 – qui réforme la loi du 7 novembre 1988 – sur les baux à ferme. En bref, que se passe-t-il concrètement pour les baux nés avant le 1er janvier 2020, à partir du 1er janvier 2020 ?

Temps de lecture : 7 min

Il paraît utile de procéder à une première analyse des règles de la nouvelle loi, au regard des dispositions transitoires prévues. Les dispositions transitoires d’une loi sont celles qui précisent si une nouvelle loi s’applique aussi aux situations nées avant son entrée en vigueur.

Il s’impose d’abord de rappeler quelques principes essentiels :

– entrée en vigueur de la nouvelle loi au 1er janvier 2020;

– application de la nouvelle loi aux nouveaux baux créés à partir du 1er janvier 2020 ;

– pour ce qui concerne les congés donnés avant le 1er janvier 2020 pour les baux nés avant le 1er janvier 2020: application de la loi ancienne ;

– il n’y a renouvellement qu’à défaut de congé valable donné endéans les délais légaux ;

– en ce qui concerne la durée des baux nés avant la nouvelle loi: application de la nouvelle loi (voir ci-après). Il convient ici de faire la distinction entre les baux verbaux, les baux écrits de moins de 27 ans et les baux écrits de 27 ans au moins.

Le cas des baux verbaux

La durée des baux verbaux nés avant la nouvelle loi est à examiner suivant deux cas de figure.

Hypothèse 1 : impossibilité de vérifier la date de prise de cours du bail ou bail ayant pris cours plus de 18 ans avant le 1er janvier 2020 (donc avant 2002).

Règle  : on considère automatiquement que le preneur rentre dans sa 3e période d’occupation de 9 ans au 1er janvier 2020 et qu’il lui reste un seul renouvellement de 9 ans. Donc, le bail se poursuit jusqu’à la fin de l’année 2037 et meurt de plein droit en fin d’année 2037 (sauf au propriétaire à concéder un nouveau bail, ce qui semble assez peu probable).

Exemple 1  : le preneur ne sait pas quand son bail verbal a pris cours. Automatiquement, la fin de son bail est fixée à la fin de l’année 2037.

Exemple 2  : le bail verbal a pris cours en 2000. Automatiquement, le preneur entrera dans une troisième période d’occupation de 9 ans au 1er janvier 2020 et pourra se renouveler une fois pour 9 ans, ce qui amène le bail à prendre fin de plein droit à la fin de l’année 2037.

Hypothèse 2 : bail verbal ayant pris cours moins de 18 ans avant le 1er janvier 2020 (donc après 2002)

Pour bien apprécier chaque cas, il est conseillé de réfléchir par étapes :

1ère étape: déterminer la date de prise de cours du bail, par exemple, en se référant au premier fermage ;

2e étape: ajouter 36 ans (4 périodes de 9 ans) à la date de prise de cours du bail ainsi déterminée ;

3e étape: vérifier la date à laquelle on arrive suite à cette addition.

Exemple  : le premier fermage est payé en 2011. On considérera que le bail a pris cours à ce moment-là (ou l’année d’avant, la loi étant muette à ce sujet: référence à l’article 3 de la loi de 1988). On ajoute donc 36 ans à l’an 2011, ce qui nous amène à une fin de bail en 2047.

La durée des baux nés avant la nouvelle loi du 1
er
 janvier 2020 est à envisager différemment selon qu’il s’agit de baux verbaux, de baux écrits de moins de 27 ans ou de baux écrits de 27 ans au moins!
La durée des baux nés avant la nouvelle loi du 1 er janvier 2020 est à envisager différemment selon qu’il s’agit de baux verbaux, de baux écrits de moins de 27 ans ou de baux écrits de 27 ans au moins! - M. de N.

Baux écrits de moins de 27 ans

La durée des baux écrits de moins de 27 ans nés avant la nouvelle loi nécessite également, pour bien apprécier chaque cas, de réfléchir par étapes :

1ère étape: vérifier la date de prise de cours du bail sur le contrat écrit ;

2e étape: vérifier la durée de la première période d’occupation (par exemple 9 ans ou 18 ans ou 21 ans ou 26 ans) ;

3e étape: ajouter trois renouvellements de neuf ans à la durée de la période d’occupation initiale ;

4e étape: vérifier si les 4 périodes additionnées ont pour effet d’arriver à une date antérieure au 1er janvier 2020 ou égale ou postérieure au 1er  janvier 2020 ;

et 5e étape: tirer les conclusions suivantes selon la réponse fournie à la 4e étape:

– si la durée additionnée des 4 pé riodes depuis le début du bail jusqu’à la fin de la 4e période amène le preneur à une date antérieure au 1er janvier 2020, le bail continue à vivre jusqu’au 1er janvier 2020 mais est considéré comme terminé au 1er janvier 2020. Si le preneur est maintenu dans les lieux, le bail se poursuit «an pour an, sans possibilité de notifier une cession privilégiée pendant ce renouvellement «an pour an».

Exemple 1  : bail écrit de 9 ans prenant cours en 1980. Le preneur a droit à 4 périodes d’occupation, la première de 9 ans + 3 renouvellements de 9 ans. Le total de la durée d’occupation auquel a droit le fermier est de 36 ans à partir de 1980, soit jusqu’en 2016. Comme la loi nouvelle ne peut être appliquée qu’au 1er janvier 2020, le bail reste «vivant» de 2016 au 1er janvier 2020 mais meurt par échéance du terme à partir du 1er janvier 2020. Si le fermier est maintenu dans les lieux, le bail se poursuit an pour an, sans possibilité de notifier une cession privilégiée pendant cette période.

– dans le cas contraire (si la durée additionnée des 4 périodes depuis le début du bail jusqu’à la fin de la 4e période amène le preneur à une date égale ou postérieure au 1er janvier 2020), le bail prendra fin à l’issue de la 4e période.

Exemple 2  : bail écrit de 21 ans prenant cours en 1980. Le preneur a droit à 4 périodes d’occupation, la première de 21 ans + 3 renouvellements de 9 ans. Le total de la durée d’occupation auquel a droit le fermier est de 48 ans à partir de 1980, soit jusqu’en 2028. Le bail va donc mourir par échéance du terme en 2028. Si le fermier est maintenu dans les lieux après le 1er octobre 2028, le bail se poursuit an pour an, sans possibilité de notifier une cession privilégiée pendant cette période.

Baux écrits d’au moins 27 ans, dits de longue durée 

La durée des baux écrits de longue durée nés avant la nouvelle loi est à examiner en envisageant deux cas de figure.

Hypothèse 1 : bail né avant la loi du 7 novembre 1988.

La règle est qu’il se poursuit pour la durée de la première période d’occupation. Il faut y ajouter 3 périodes de 9 ans.

Exemple  : bail de 27 ans né en 1986. La première période d’occupation se termine en 2013. On y ajoute 3 renouvellements de 9 ans, ce qui amène le bail à mourir en 2040, après 54 ans de vie.

Hypothèse 2 : bail né après la loi du 7 novembre 1988.

La règle est qu’il se poursuit pour la durée de la première période d’occupation. Sauf congé valable, à l’issue de celle-ci, on ne peut plus y ajouter qu’une seule période de 9 ans. Il n’y a donc qu’un seul renouvellement.

Exemple  : bail de 27 ans né en 1989. La première période d’occupation se termine en 2016. On y ajoute 1 renouvellement de 9 ans, ce qui amène le bail à mourir en 2025, après 36 ans d’existence.

La nouvelle loi dit que le «bail de carrière», toujours conclu pour une durée d’au moins 27 ans, prendra fin lorsque le preneur aura atteint l’âge légal de la pension (et pas l’âge de 65 ans, comme le disait l’ancienne législation).
La nouvelle loi dit que le «bail de carrière», toujours conclu pour une durée d’au moins 27 ans, prendra fin lorsque le preneur aura atteint l’âge légal de la pension (et pas l’âge de 65 ans, comme le disait l’ancienne législation). - M. de N.

Baux de carrière conclus nécessairement après la loi du 7 novembre 1988

La règle est que ce bail de carrière, toujours conclu pour une durée d’au moins 27 ans, prendra fin lorsque le preneur aura atteint, d’après la nouvelle loi, l’âge légal de la pension.

Dans l’ancienne législation, le bail prenait fin lorsque le preneur atteignait l’âge de 65 ans.

D’après la nouvelle loi, la nouvelle loi ne fixe pas le terme du bail à l’âge de 65 , mais le terme du bail à l’âge légal de la pension.

Mais encore...

Nonobstant les règles ci-avant écrites, le preneur peut toujours bien évidemment envisager une rencontre avec le bailleur pour conclure un nouveau bail.

Il faut faire confiance au bon sens du bailleur et du preneur pour arriver à conclure un nouveau bail respectueux des intérêts de chacun.

L’examen faisant l’objet du présent article est fait sous les plus expresses réserves compte tenu de la complexité des textes et n’engage pas la responsabilité de son auteur.

D’après Henry Van Malleghem

, avocat au Barreau de Tournai

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