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Nouvelle loi sur le bail à ferme: des changements aussi en matière de congé!

Passé inaperçu à côté de la fin du caractère perpétuel du bail à ferme, le nouveau régime en matière d’initiative procédurale suite à un congé a pourtant une importance non négligeable: d’abord parce que la nouvelle procédure bouleverse les anciens réflexes des preneurs à qui un congé était envoyé, ensuite parce que le délai pour agir est réduit à trois mois !

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Il faut en effet savoir que, désormais, lorsqu’un locataire-preneur reçoit de son bailleur un congé (ou renon), il lui appartient d’agir devant le Juge de Paix s’il conteste le congé qui lui a été adressé.

Anciennement, l’article 12.4 de la loi sur les baux à ferme imposait au bailleur de saisir le Juge de Paix si, après envoi du congé, le preneur y avait formellement marqué opposition ou si, plus simplement, ce dernier n’avait pas donné signe de vie, l’absence de réaction étant alors considérée comme une opposition au congé.

C’est ainsi que l’article 12.4 était libellé comme suit : «  Est caduc le congé auquel le preneur n’a pas acquiescé par écrit, si, dans les trois mois à dater du congé, celui-ci n’a pas fait l’objet de la part du bailleur d’une demande en validation.  »

Une inversion significative...

La donne a changé depuis le 1er janvier 2020, date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle. En effet, l’article 12 §4 est maintenant libellé comme suit : «  Le congé donné par le bailleur dans les formes et délais prévus à la présente section et qui n’a pas été contesté par le preneur est valable. Le preneur peut contester le congé en ce compris les motifs invoqués en saisissant le juge de paix dans les trois mois de la notification du congé.  »

Ainsi, un congé envoyé par un bailleur qui ne fait pas l’objet d’une contestation par le preneur devant le Juge de Paix est considéré comme définitivement valable.

Tous les motifs de congé sont concernés : le congé pour motif d’exploitation personnelle, le congé pour motif de bâtisse, le congé pour motif de construction industrielle, le congé pour motif d’usage familial, le «nouveau» congé pour vendre, etc. etc.

Pour s’opposer valablement au congé, le preneur doit saisir le Juge de Paix compétent territorialement en lui adressant une requête en conciliation, et ce dans un délai de trois mois à dater de l’envoi du congé.

Il est entendu qu’en cas de procès-verbal de non-conciliation, il revient alors au preneur d’introduire dans le mois dudit procès-verbal la procédure judiciaire par voie de citation à comparaître devant le même Juge de Paix.

Désormais, un congé envoyé par un bailleur qui ne fait pas l’objet d’une contestation par le preneur devant le Juge de Paix est considéré comme «définitivement» valable.
Désormais, un congé envoyé par un bailleur qui ne fait pas l’objet d’une contestation par le preneur devant le Juge de Paix est considéré comme «définitivement» valable. - M. de N.

... posant des difficultés nouvelles

Cette inversion de l’initiative procédurale posera inévitablement des difficultés.

En effet, la loi nouvelle n’est pas complète en ce sens qu’elle ne prévoit pas quelle serait la marge de manœuvre d’un Juge de Paix saisi au-delà du délai de trois mois.

L’exemple qui suit donnera à cette dernière interrogation tout son sens.

Un bailleur A envoie à un preneur B un congé pour motif d’exploitation personnelle à son propre profit. L’objectif d’un tel congé est de permettre au bailleur A de récupérer la libre disposition de sa parcelle pour l’exploiter lui-même. Il s’ensuit que A doit être exploitant agricole, à défaut de quoi il ne sait pas exploiter.

La question se pose de savoir ce qu’il se passera s’il s’avère que A n’est pas exploitant agricole et que, par ailleurs, le preneur B néglige de faire valoir sa contestation dans les formes et délais légaux ?

À suivre le texte de l’article 12 §4, le congé serait définitivement validé : autrement dit, le congé pour motif d’exploitation personnelle sera validé au profit du bailleur A alors que ce dernier n’est pas exploitant agricole.

Il faut cependant signaler que le §4 est suivi d’un §5, libellé comme suit : « S’il appert, en cours de durée du préavis, que le motif consistant en l’exploitation personnelle ne pourra être réalisé, par suite de motif grave, le preneur peut poursuivre l’annulation du congé devant le juge de paix. Dans ce cas, le bail se poursuivra comme si le congé n’avait pas été notifié ».

Il ne paraît pas que cette disposition pourra être invoquée par le preneur B dans la mesure où le défaut de qualité d’exploitant agricole dans le chef du bailleur A existe déjà au moment de l’envoi du congé, et ne constitue donc pas la survenance d’un «motif grave» durant le délai de préavis comme l’exigent les termes du §5.

Le même raisonnement vaut pour tous les autres motifs de congé.

Que se passe-t-il si un congé pour motif de bâtisse (reprise d’un terrain à bâtir pour construire) n’est pas contesté dans les délais légaux alors que la parcelle faisant l’objectif du congé n’est pas à bâtir ? Le Juge peut-il encore invalider le congé même s’il est saisi plus de trois mois après l’envoi du congé ? En principe, non. La loi est muette, et le §5 évoqué ci-avant ne concerne que les congés pour motif d’exploitation personnelle.

Manifestement, sur ce point comme sur d’autres, la loi nouvelle peut être comparée au prototype d’une nouvelle voiture qui doit encore faire ses nombreuses maladies. Le problème est qu’il sera impossible de réparer le mal une fois qu’il aura été fait et que le bailleur aura récupéré ses terres dans des conditions contraires à l’égalité des droits des parties au contrat.

D’après Henry Van Malleghem

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