Accueil Droit rural

Comment mettre fin au bail en cours... en faveur d’une tierce personne?

Je suis pensionné et fils d’agriculteurs mais je n’ai pas repris la ferme de mes parents. Les terres sont louées à un fermier de la région qui prendra très prochainement sa retraite sans bail écrit. Je voudrais savoir si le fermier peut remettre, sans mon consentement, mes terres à une de ses filles car si j’en ai la possibilité, je donnerai les terres en location au fils d’un copain qui est agriculteur.

Temps de lecture : 4 min

Un bail à ferme ne se finit jamais de plein droit. À défaut d’un congé valable ou d’une résiliation du bail par le Juge, le bail se poursuit, même à la fin de la période de bail. Si votre preneur prend sa retraite, cela ne remet pas en cause le bail en cours.

Cession aux enfants

Selon la loi sur le bail à ferme, le preneur a des droits et des obligations vis-à-vis du bailleur. Une des obligations du preneur est l’exploitation personnelle, comme la loi et la jurisprudence l’exigent. L’article 30 de la même loi interdit même de céder ou de sous-louer. Cependant, les enfants du preneur forment une catégorie spéciale. En effet, les articles 31 à 37 prévoient la possibilité pour le preneur de céder le bail à ses enfants, sans autorisation du bailleur. Votre preneur peut donc céder son bail à l’une de ses filles, sans votre consentement.

Le preneur ne doit pas nécessairement user de formalités afin d’avertir le bailleur de la cession intervenue. Toutefois, si le preneur suit la procédure décrite à l’article 35 de la loi sur le bail à ferme, son enfant jouit d’un renouvellement du bail. Pour profiter de ce renouvellement le preneur ou ses ayants droit notifient au bailleur la cession que le preneur a faite du bail à ses descendants dans les trois mois de l’entrée en jouissance du cessionnaire, en lui indiquant les noms, prénoms et adresses du ou des cessionnaires.

Opposition

Si votre preneur cède son exploitation à l’une de ses filles, et s’il le fait par une cession privilégiée, une nouvelle première période de bail prend cours. L’article 35 de la loi sur le bail à ferme prévoit que ce renouvellement se produit uniquement s’il n’y a pas opposition valable du bailleur. Les motifs d’opposition pouvant être invoqués par le bailleur sont énumérés limitativement dans la loi et ils ne sont presque jamais d’application, et c’est très certainement le cas si ni le bailleur ni l’un de ses descendants ne sont agriculteur.

L’article 37 de la loi sur le Bail à ferme ne se rapporte qu’au renouvellement du bail et n’autorise aucune expulsion immédiate.

Congé ?

Si vous désirez donner vos terres en location au fils d’un copain, vous pouvez peut-être faire application de l’article 8 bis de la loi sur le bail à ferme.

L’article 8 bis de la loi sur le bail à ferme dispose que le bailleur peut mettre fin à tout ou partie du bail en vue de louer ou d’aliéner les biens à des fins d’exploitation viable, si le preneur ayant atteint l’âge de la pension, bénéficie d’une pension de retraite ou de survie et ne peut indiquer aucune des personnes mentionnées à l’article 34 comme pouvant éventuellement poursuivre son exploitation.

Si votre preneur a l’âge de la pension, s’il bénéficie d’une pension de retraite ou de survie et ne peut indiquer aucun successeur pour sa ferme, vous pouvez donc donner congé pour donner vos terres en bail pour une exploitation viable du fils de votre copain.

La location au fils de votre ami doit être effectuée dans un délai de six mois après que le départ du preneur.

Attention que même si votre preneur n’a pas cédé son exploitation à une de ses filles, il peut encore indiquer l’une de ses filles comme son successeur après la réception du congé. Dans la doctrine plusieurs auteurs défendent la thèse que le preneur peut indiquer un successeur jusqu’au moment où il est convoqué en conciliation par le Juge de Paix. Selon ses auteurs, le preneur doit indiquer son successeur au plus tard dans le procès-verbal de l’audience en conciliation.

A lire aussi en Droit rural

La cession privilégiée en gelée…

Droit rural Qui veut bien se prêter à l’exercice de la comparaison entre l’ancienne version de la loi sur le bail à ferme et sa nouvelle version wallonne, en vigueur depuis le 1er janvier 2020, fera le constat que, ci-et-là, apparaissent parfois de nouvelles dispositions légales, autrement appelées de nouveaux articles, souvent affublés d’un « bis » ou d’un « ter » : 2bis, 2ter, 57bis…
Voir plus d'articles