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Après la pluie…

Au risque de vous paraître banal, j’aimerais vous parler de la pluie et du bon temps, car j’ai eu grand plaisir, -vous aussi sans doute ! –, à retrouver ces jours-ci un coin de ciel bleu où luit un soleil rieur, après des semaines et des semaines de météo grise et humide ! Depuis la Toussaint, la pluie s’est incrustée chez nous. Omniprésente au-devant de la scène, elle s’est déclinée sous toutes ses formes : tantôt droite et battante, un autre jour venteuse et cinglante, puis fine et vaporeuse, quelquefois torrentielle et tourbillonnante… Nous avons eu droit à tout un catalogue d’averses intermittentes ou de précipitations continues, de quoi renflouer quelque peu les nappes phréatiques au niveau zéro, et rendre vie à nos sources et ruisseaux en panne sèche depuis l’été. Depuis la mi-janvier, -ouf ! –, les hautes pressions ont repris du poil de la bête. Les nuages se déchirent en lambeaux emportés par les vents, et personne n’est fâché de retrouver enfin un ciel plus dégagé.

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La météo, il est vrai, joue avec les humeurs des uns et des autres. Novembre et décembre ont très peu d’heures de clarté à nous proposer chaque jour ; le soleil reste bas à l’horizon, et si d’épais brouillards et nuages bas jettent de surcroît un écran où passent très peu de rayons lumineux, il ne nous reste qu’à vivre dans une semi-obscurité permanente, pas très réjouissante, à nous contenter des lumières artificielles, froides et douloureuses aux yeux. Cela ne rend pas les gens particulièrement joyeux, regards baissés et sourires en berne. On se fait plus facilement klaxonner si on roule trop lentement, réprimander chez soi si on rentre avec des chaussures sales, engueuler comme du pus si on écrit innocemment dans le Sillon des petites vérités évidentes qui dérangent. C’est ainsi : chez certains, l’humeur sombre rend maussade, susceptible, voire irascible ; chez d’autres, on peut parler de tristesse, même de déprime. Le troisième lundi de janvier est d’ailleurs décrété « blue monday », jour le plus triste de l’année. Pourquoi ? Le premier jour de la semaine est par essence le moins gai, paraît-il ; si on ajoute les festivités de Nouvel An qui s’éloignent, et une météo hivernale avec très peu d’ensoleillement, le compte est bon. Cette année, il vient d’avoir lieu ce 20 janvier, mais heureusement, un franc soleil est venu réveiller les gais lurons qui sommeillent en nous !

Blue monday ou pas, chez les agriculteurs, tous les jours de la semaine se ressemblent, du lundi au dimanche, puisqu’il faut travailler 7 sur 7. Mardi, mercredi, jeudi, etc, sont « blue » ou roses, ou les deux à la fois, selon les bonnes ou les mauvaises surprises du quotidien. La pluie des derniers mois nous a confinés dans les étables et les ateliers : pas question d’aller travailler dans les champs, sauf pour y marcher à pied ! Heureusement, ô joie, il est facile d’enfoncer les piquets de clôture à la masse dans les sols gorgés d’eau. Quelle différence avec les mois de l’été passé ! La terre était aussi dure que du macadam ; il fallait creuser un trou à la barre à mine, y placer son poteau, et taper comme un sourd pour le faire rentrer à bonne hauteur. Les pluies ont ramolli les terres et détrempé les prés.

Tout est humide, et comme disait mon grand-père, « La pluie du matin n’empêche pas le pèlerin, mais il lui mouille les reins. ». Il est facile en effet de choper une saleté de rhume, yeux larmoyants et nez bouché, pharynx et gorge lacérés par une toux grasse peu élégante, tempes et sinus pris dans un étau impitoyable. Vécu récent… Pas question pour nous d’aller chez le médecin demander une dizaine de jours de congé ! Chacun s’équipe d’une bonne provision de mouchoirs, y va de sa petite recette personnelle, de son cocktail paracétamol-aspirine-ibuprofène-vitamine C-lysomusil-pastilles à la menthe-sirop à la carotte-etc. Tant qu’ils ne dégénèrent pas en bronchites ou pneumonies, il paraît que les rhumes stimulent notre immunité, et les petits coups de fièvre seraient « bons » pour la santé !

Les gros coups de fièvre climatique, quant à eux, n’ont par contre rien d’anodin ! S’il pleut chez nous, de l’autre côté de la Terre, l’été austral bat tous les records de chaleur. Le soleil darde son chalumeau sur l’hémisphère sud, comme il l’a fait sur nos régions durant notre été à nous. Aïe aïe ! Je ne voudrais pas être mouton ou kangourou en Australie, et encore moins koala dans une forêt d’eucalyptus en feu. Une superficie équivalente à trois fois la Wallonie est partie en fumée ! Imaginez les milliards de tonnes de CO2 déversées dans l’atmosphère, sans compter les écosystèmes bousillés et les millions d’animaux brûlés vifs ! Pour réparer tous ces dégâts, il faudra replanter des milliards d’arbres. Avec nos 4.000 km de haies vives à planter dans les cinq ans, on a l’air malin… Les incendies monstrueux, en Australie ou en Californie, annulent mille fois le bénéfice d’une telle opération. C’est à pleurer d’impuissance…

« Après la pluie, le beau temps ! », affirme le proverbe. Mais en 2020, quel temps peut-on qualifier de « bon » ? Celui qui ne dure pas trop longtemps, pluie ou soleil, et qui n’exagère pas dans ses excès. Le dérèglement climatique nous propose aujourd’hui toutes sortes de surprises pas très agréables. Je suis curieux de voir ce que l’année à venir nous réserve…

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