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Soutenir l’ingestion au tarissement pour maximaliser la consommation de la ration après le vêlage

Dans le cadre du projet de recherche « Les acides gras et autres métabolites du sang et du lait comme aides au management de l’alimentation et de la reproduction chez la vache laitière haute productrice », une journée d’études était organisée à Huy, par le service de Nutrition de la faculté de médecine vétérinaire (ULg), le CTA de Strée, le Spw et Élevéo, sur le thème du métabolisme énergétique de la vache laitière autour du vêlage. Emilie Knapp, vétérinaire ayant précédemment collaboré à ce projet, s’est exprimée sur les conséquences d’une alimentation excédentaire au tarissement.

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Les 30 premiers jours en lactation chez la vache laitière sont généralement fortement liés aux 30 derniers jours de gestation, de tarissement, explique Emilie Knapp, vétérinaire. « C’est à ce moment que tout se prépare : la mamelle, le colostrum… tout le métabolisme de la haute productrice se met alors en route ! »

Entre la fin de tarissement et le vêlage, une laitière doit pouvoir gérer conjointement trois problèmes : la gestion de la balance énergétique négative et de la balance protéique ; la gestion de la calcémie – besoin d’un apport important de calcium après le vêlage ; et le stress oxydatif (inflammation cellulaire et stress).

En pratique, nombreux sont les liens entre ces trois problématiques de transition puisqu’une vache qui est en balance énergétique et/ou protéique négative va être plus à risque d’hypocalcémie. En outre, un animal gras voit son inflammation augmenter. « Et, on le sait, une vache grasse mange mal, ce qui augmente les risques de balance énergétique négative (BEN). Notons qu’un individu en hypocalcémie sécrète 20 fois plus de cortisol qu’un individu « normal », ce qui se traduit par un stress beaucoup plus important.

« Comme ces trois problématiques sont liées, une ration de fin de gestation doit permettre à la vache de les gérer afin de vêler dans de bonnes conditions, produire son lait et rester le plus longtemps dans l’exploitation. »

La clé du démarrage, c’est l’ingestion !

Pour Emilie Knapp, la clé du démarrage n’est pas forcément la production laitière mais plutôt l’ingestion ! « Quand on calcule une balance énergétique, en fonction des besoins de production, il n’y a pas énormément de corrélation. On peut donc avoir des animaux qui produisent très bien en début de lactation sans être en BEN ou l’inverse. »

Par contre, ladite balance est corrélée positivement avec l’ingestion de l’énergie par la vache. « La problématique de la BEN arrive souvent une semaine avant le vêlage, période durant laquelle l’animal diminue son ingestion (à cause des hormones, de la place prise par le veau…). Une fois le veau mis bas, la mère devra très rapidement augmenter son ingestion afin d’être rapidement en balance énergétique positive.

En outre, cette ingestion avant vêlage est corrélée à celle d’après vêlage. Le challenge est donc de garder une consommation de la ration maximalisée en fin de gestation afin que la laitière reprenne le plus vite possible son rythme normal après la naissance.

… aussi liée à l’embonpoint

Le problème ? La capacité de l’animal à ingérer l’aliment est également liée à son état d’embonpoint. Un individu qui a une note d’embonpoint supérieure à 4 diminue davantage son ingestion par rapport à un autre à l’état corporel normal. La raison ? Ses besoins sont relativement faibles et des rétrocontrôles sur la satiété au niveau du cerveau poussent l’animal à moins s’alimenter. En découle une faible production laitière !

Autre cause : le taux d’amidon des rations en tarissement. S’il est supérieur à 20 %, l’animal en consommera moins car il aura vite une sensation de satiété.

Et de prendre un exemple : « Pour une fraîche vêlée qui produit 30 l/ jour de lait et qui est à 15 jours de lactation. Si elle n’ingère que 15,5kg MS/jour (parce qu’elle est grasse ou n’a pas bien mangé en fin de gesta tion), il lui faudra, si on veut soutenir sa production, une ration de 1.240 VEM/kg MS (soit 2,3 % de son poids vif). Ce qui est très compliqué ! Automatiquement cette vache sera en BEN très rapidement puisqu’on ne sait pas couvrir ses besoins alimentaires. »

« Si cet individu a mieux mangé pendant la gestation, ou est moins gras, son ingestion pourrait être 17,5 kg MS/jour (autour de 3 % du poids vif), l’apport d’énergie par la ration devrait alors être de 1.100 VEM/kg MS. Un objectif toujours difficile mais qui permet à l’animal d’être moins déficitaire en énergie que dans le premier cas ».

C’est là tout le problème des vaches grasses ! Comme elles ont tendance à moins manger, il est difficile par la suite de couvrir leurs besoins énergétiques.

Par ailleurs, pour une vache qui a un état d’embonpoint normal, la baisse d’appétit en début de lactation sera moindre, elle couvrira mieux ses besoins et maigrira moins. En fait, dans ce cas, l’organisme sollicite moins la mobilisation graisseuse. Cette mobilisation se traduit par une augmentation des acides gras non estérifiés (AGNE) dans le sang.

Chez une vache grasse, l’amaigrissement sera plus prononcé et rapide. La libération d’AGNE sera plus importante ce qui peut conduire à un engorgement de foie et à une lipidose hépatique. Cette dernière réduit le fonctionnement du foie. Dans certains cas, le fonctionnement de cet organe ne permet plus la production de corps cétonique. Ces derniers constituent un des produits terminaux issus des AGNE. Ils sont produits quand les AGNE ne sont plus utilisés pour produire de l’énergie ; cette situation est amplifiée quand il y a un manque de précurseur de la synthèse de glucose, la demande en glucose étant très élevée chez la vache en début de lactation, notamment pour la production de lait. Les corps cétoniques peuvent être déterminés au niveau du sang.

Et ce n’est pas tout ! Cette mobilisation de graisse va davantage bloquer l’ingestion car au vu du taux dans le sang, le cerveau ne va pas augmenter la satiété de l’animal. C’est donc un cercle vicieux qui se met en route avec la lipidose hépatique. En découle une hypocalcémie secondaire !

Les conséquences ? Un tel individu a 3,3 fois plus de risques de faire une fièvre de lait et 2,8 fois plus de risques de faire une rétention d’arrière-faix ou une métrite. Il est en outre moins à même de gérer sa calcémie.

Autre risque : le blocage de pompe Na/K qui peut mener la formation d’œdèmes chez l’animal.

L’amaigrissement excessif de la vache après le vêlage (à cause de la BEN) peut encore multiplier le risque de boiteries de l’animal par 7. Le coussinet de graisse à l’arrière du pied s’amincit lorsque la vache maigrit. Plutôt que d’avoir de bonnes « chaussures » pour fouler le béton de la stabulation, l’animal marche alors « pieds nus », induisant alors de nombreuses contusions au niveau de la sole, augmentant ainsi les boiteries en cas de BEN.

Des incidences sur l’immunité de l’animal

Un excès d’énergie dans les rations de tarissement peut aussi avoir des incidences sur l’immunité de l’animal. La vache qui mobilise beaucoup de graisse en début de lactation subit également un stress oxydatif. En effet, des molécules capables de provoquer de l’inflammation (cytokines,.) sont présentes dans les tissus graisseux et sont libérées dans le sang en cas de mobilisation graisseuse. Le fonctionnement du foie est alors perturbé et ce qui impacte négativement l’immunité.

« Une vache grasse qui ne gère pas bien son vêlage risque d’avoir une aggravation des maladies du post-partum : métrites, mammites, boiteries infectieuses. C’est un syndrome grave, à ne pas négliger, car le risque qu’un animal atteint ne termine pas sa lactation est élevé. La maladie est économique tant elle provoque un nombre important de réformes involontaires dans les exploitations. »

Et d’ajouter : « Le veau peut également en être impacté. En effet, le fœtus, du fait de cet afflux de graisse, va naître en hyperglycémie, ce qui peut se répercuter de manière importante sur le transfert d’immunité. Le jeune est alors plus à risque en termes de pneumonies et de diarrhées dans son premier mois de vie (surtout si vaches grasses en carences en protéines).

Les rations à base de maïs les plus à risque

Et d’évoquer les rations à risques : « Une laitière ne doit pas arriver trop grasse en tarissement. C’est donc sur la ration en lactation qu’il faut travailler. On ne fait jamais maigrir une vache en fin de gestation ! Si elle est grasse, l’éleveur va devoir préparer des rations assez hautes en énergie pour qu’elle reste sur un même niveau mais surtout qu’elle ne maigrisse pas. »

Le problème survient lorsqu’il y a trop de maïs, et surtout dans la ration des taries. Non seulement parce que le taux d’amidon peut être supérieur à 20 %, mais aussi parce que cet amidon est dit by-pass et qu’il peut induire un dépôt de graisse non pas en sous-cutané mais plutôt au niveau péritonéal (à l’intérieur du corps). Or la mesure d’un état d’embonpoint se fait par la mesure de la graisse sous cutanée, ce qui n’aide pas à détecter un éventuel problème.

Raison pour laquelle l’éleveur doit faire très attention à la qualité du produit quand il prépare ses rations. Le danger pour le ruminant ? D’ingérer un maïs trop mûr et très sec. Les grains contiendront davantage d’amidon vitreux (un type d’amidon très by-pass qui favorise l’engraissement). Notons que plus il reste en silo, plus le maïs sera fermentescible et meilleure sera sa digestibilité.

Emilie Knapp : « Il n’y a pas une seule et bonne ration pour une tarie. Différents menus peuvent être proposés pour autant que certains critères soient respectés :

– l’ingestion : les animaux doivent manger correctement. Les fourrages doivent être de bonne qualité, pour éviter une carence en protéines, et un excès d’amidon ;

– l’accessibilité à la ration qui est souvent problématique ;

– l’accessibilité à l’eau qui peut être liée au problème de rationnement et d’ingestion. Une vache adulte en tarissement doit boire quotidiennement e entre 40 et 50 l d’eau.

P-Y L.

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