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Aide d’urgence aux secteurs les plus affectés: les ministres de l’Agriculture de l’UE restent sur leur faim!

Les dispositions d’urgence adoptées par la Commission européenne pour aider les secteurs les plus touchés par la Covid-19 sont insuffisantes, estiment les ministres de l’Agriculture de l’UE qui demandent à l’institution de trouver les moyens de lancer un second paquet de mesures pour des secteurs tels que le veau, la viticulture ou la volaille.

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Les ministres de l’Agriculture de l’UE, réunis par visioconférence le 13 mai, ont globalement appelé la Commission européenne à trouver les moyens financiers de lancer un second volet de mesures d’urgence pour le secteur agricole. Si les ministres ont salué les dispositions déjà prises par l’institution (stockage privé, flexibilités administratives…) pour faire face aux conséquences de la crise du coronavirus, les Vingt-sept estiment que des mesures supplémentaires sont nécessaires, tant en ce qui concerne un nouvel assouplissement des règles actuelles de la politique agricole commune (contrôles sur place, augmentation de l’aide couplée volontaire) qu’en matière d’intervention sur les marchés pour des secteurs tels que la volaille, la viande de porc et de veau ou les pommes de terre qui n’en bénéficient pas pour l’instant. Plusieurs ministres ont également souhaité aller plus loin dans le soutien aux secteurs laitier et viticole.

Mais le commissaire européen Janusz Wojciechowski a rappelé que les fonds manquaient pour aller plus loin. Selon la Commission, avec les mesures d’urgence déjà mises en œuvre « les premiers signes montrent déjà que le marché se redresse en partie. La chute des prix de certains produits laitiers et bovins a été stoppée ». « Nous n’en sommes qu’au début de la mise en place des mesures de crise. Pour l’instant nous en évaluons l’impact et nous ne travaillons pas à en préparer de nouvelles, même si nous avons un œil attentif sur certains secteurs, notamment celui du veau », a-t-il précisé. En attendant, il a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre toutes ces mesures proposées dès que possible afin de rétablir la stabilité du marché et la confiance des agriculteurs dans les secteurs les plus touchés par la crise.

Demandes tous azimuts

Par la voix des ministres Willy Borsus et Hilde Crevits, notre pays a demandé notamment d’activer les mesures de soutien nécessaires, en particulier pour le lait (mesures exceptionnelles temporaires), la volaille (soutien pour le stockage de la viande de volaille congelée et retrait de certains produits du marché), le secteur porcin (aide pour le stockage de la viande de porc, notamment en raison de l’impact durable de la peste porcine africaine) et l’industrie de la pêche.

Plusieurs ministres (Italie, France, Pays-Bas) ont demandé d’étendre aux producteurs de veau l’aide au stockage privé accordée au secteur de la viande bovine. La France a également plaidé pour que la volaille soit incluse dans le dispositif. Pour le fromage, l’Italie a déploré le manque d’efficacité des mesures de stockage qui ne permettent pas de revoir les quantités non utilisées par les différents pays. La Slovaquie, avec le soutien de la Roumanie, a prôné, elle, un soutien financier direct en faveur des producteurs de lait, similaire à celui fourni pendant l’embargo russe, y compris une aide à la réduction de la production de lait pour les États membres ayant une surproduction après la perte de marchés à l’exportation.

D’autres pays (dont la France, l’Italie et l’Espagne) ont demandé des ressources financières supplémentaires pour le secteur du vin, notamment pour les programmes de promotion. Des demandes ont également été formulées pour augmenter les taux de cofinancement communautaires pour les fonds opérationnels pour le vin (Italie et Espagne) et pour étendre la dérogation accordée aux règles de concurrence en faveur du secteur de l’horticulture (France, Italie).

Non au recours à la réserve de crise

Mais la majorité des ministres est consciente que sans ressources financières supplémentaires, il sera impossible de prendre de telles mesures. Néanmoins, à quelques exceptions près, ils sont opposés à recourir à la réserve de crise agricole laquelle, dotée de 478 millions € en 2020, est constituée de fonds prélevés sur les paiements directs des agriculteurs.

Le commissaire européen à l’Agriculture qui s’était dit favorable à l’utilisation de cette réserve de crise lors d’une discussion avec les eurodéputés le 30 avril, s’est montré beaucoup plus réticent sur ce dossier lors de son échange de vues avec les ministres : « Certains demandent que la réserve de crise 2020 soit utilisée. Nous savons tous ce que cela signifierait : les agriculteurs ne seraient pas remboursés pour la réduction de leurs paiements directs de cette année ». Et d’ajouter que, de toute façon, « le calendrier est également extrêmement compliqué, tout le processus légal pour la débloquer rend l’utilisation de la réserve de crise 2020 quasiment impossible ».

Concernant le budget de 2021, les plafonds des paiements directs des États membres et les dépenses de marché sont déjà supérieurs au plafond du premier pilier, indique la Commission. Une réduction des paiements directs par le mécanisme de discipline financière est donc de toute façon déjà nécessaire en 2021.

« Il faut qu’à l’avenir cette réserve soit indépendante des paiements directs sans quoi cela restera toujours un sujet trop sensible », espère le commissaire. Pour Janusz Wojciechowski, « plus vite nous aurons des éclaircissements sur le futur cadre financier pluriannuel qui doit être renforcé, plus vite nous pourrons commencer à travailler ensemble sur les mesures nécessaires pour faire face à la crise ». La plupart des ministres (France, Irlande, Espagne, Italie…) ont réitéré leur demande d’un budget fort pour la pac avec, au minimum, un maintien à son niveau actuel, certains, dont la Pologne et la Roumanie, allant même jusqu’à plaider pour une hausse pour tenir compte des impératifs du Pacte vert européen.

Menaces sur le marché unique

Mais le commissaire européen à l’Agriculture a aussi prévenu les ministres de l’UE que la Commission se montrerait très vigilante sur le respect du marché unique alors que de nombreux États membres ont lancé des appels en faveur de la consommation de produits agroalimentaires locaux. « Ces appels ont été lancés alors qu’aucun problème d’approvisionnement durable, aucune pénurie ni aucune augmentation durable des prix des denrées alimentaires n’ont été observés en Europe depuis le début de la crise ».

La Commission européenne a d’ailleurs adressé le 14 mai une lettre de mise en demeure (première étape de la procédure d’infraction de l’UE) à la Bulgarie lui enjoignant de supprimer les mesures discriminatoires obligeant les détaillants à favoriser les produits alimentaires nationaux. La législation bulgare contraint ceux-ci à offrir un espace de vente distinct pour les produits alimentaires nationaux et à acheter 90 % du lait et des produits laitiers aux producteurs nationaux. Ces mesures entravent la libre circulation des marchandises, estime la Commission.

Autres risques pour le marché intérieur : les aides d’État que la Commission autorise à tour de bras depuis le début de la crise, faute de pouvoir intervenir elle-même. L’institution a déjà donné son feu vert à plus d’un milliard de ces aides au secteur agroalimentaire. « Cela représente un risque pour le marché intérieur », a admis Janusz Wojciechowski qui n’a pas manqué d’ajouter que « c’est aussi une raison pour laquelle il faut renforcer le budget de la pac dans le futur ».

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