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Vente d’une parcelle et preneur bénéficiant d’une pension de retraite:droit de préemption et congé

Je suis propriétaire d’une parcelle agricole louée à un agriculteur depuis de nombreuses années. Je souhaiterais vendre ma parcelle. J’ai donc pris contact avec mon preneur afin de préparer cette vente. Bien qu’étant âgé de 68 ans, celui-ci refuse toute collaboration et prétend que son exploitation agricole n’est pas viable sans ma parcelle de 56 ares. Que faire ?

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Notons tout d’abord que si vous désirez vendre cette parcelle, le bail à ferme ne vous en empêche pas. Toutefois, vous devez respecter quelques dispositions de la loi sur le bail à ferme, plus spécifiquement les règles concernant le droit de préemption. En général, tout preneur jouit du droit de préemption, comme prévu à l’article 47 de la Loi sur le bail à ferme.

Exception au droit de préemption

L’article 52 de la loi sur le bail à ferme énumère plusieurs exceptions sur ce droit de préemption. L’une d’entre elle peut être d’application en ce qui vous concerne. La quatrième exception prévoit en effet que si le preneur a atteint l’âge légal de la pension, bénéficie d’une pension de retraite ou de survie et ne peut indiquer aucune des personnes mentionnées à l’article 34 comme pouvant poursuivre son exploitation, le preneur ne jouit pas du droit de préemption.

Vue l’âge de votre preneur, cette exception est peut-être applicable. Mentionnons également le nouvel article 57 bis de la Loi sur le bail à ferme dans lequel est prévu qu’à partir du moment où le preneur a atteint l’âge légal de la pension, le bailleur ou l’officier instrumentant peut interroger celui-ci afin de déterminer s’il bénéficie d’une pension de retraite ou de survie, par lettre recommandée. Si le preneur n’apporte pas, dans les deux mois de la demande, la preuve qu’il est toujours en activité et qu’il ne perçoit pas de pension de retraite ou de survie ou s’il ne précise pas, le cas échéant, une personne mentionnée à l’article 34 comme pouvant poursuivre son exploitation, celui-ci est alors réputé bénéficier d’une pension de retraite ou de survie. Il est donc conseillé de se renseigner auprès du notaire pour voir si le droit de préemption du preneur est applicable.

Notification du congé :une nouvelle possibilité

Si vous voulez vendre votre terrain libre d’occupation, il faut d’abord donner congé au preneur. La loi prévoit deux types de congé.

Vue l’âge du preneur, vous pouvez envisager la possibilité de donner congé sur base de l’article 8 bis de la Loi sur le bail à ferme : il s’agit du congé au preneur pensionné.

Une autre toute nouvelle possibilité est prévue par l’art. 6, 3º du Décr. Parl. w. du 2 mai 2019 (M.B., 8 novembre 2019) entré en vigueur au 1er janvier 2020 et dans lequel un quatrième paragraphe a été inséré. Ainsi, le bailleur peut notifier un congé dès qu’il souhaite mettre en vente le bien loué, et ce, quelle que soit la situation du locataire. Ce congé est subordonné au respect des trois conditions cumulatives : la parcelle qui fait l’objet de la vente doit être identifiée préalablement dans le contrat de bail ; la parcelle doit présenter une superficie maximum de deux hectares ou ne pas représenter plus de 10 % d’un ensemble de parcelles d’un seul tenant faisant partie d’un même bail entre le même bailleur et le même preneur ; le locataire a bénéficié du bail portant sur la parcelle durant au moins trois ans préalablement au congé donné par le bailleur.

Le législateur a néanmoins veillé à préciser que le droit de préemption du locataire était maintenu. Le congé doit être notifié au moins six mois avant la vente. Il doit en outre contenir l’identification de la parcelle visée par la vente et n’est valable que deux ans à dater de sa notification dater de sa notification. Si la vente n’est pas intervenue dans ce délai, le congé est considéré comme caduc. Un nouveau congé ne pourra être donné pour quelque motif que ce soit avant un an au moins (art. 12.8).

Le bail est résilié au jour de la transcription de l’acte authentique de vente et ce délai est prorogé pour permettre le complet enlèvement de la récolte croissante.

En instaurant ce nouveau congé, le législateur tient compte des soucis des bailleurs lorsqu’ils souhaitent vendre des biens loués et qu’ils doivent faire face à l’incidence plus ou moins forte, selon les circonstances, du bail à ferme sur la valeur vénale du bien. De prime abord, le législateur a tenté de ménager les intérêts opposés des parties en permettant au bailleur de vendre son bien libre tout en préservant les intérêts du locataire en limitant les surfaces. (A. GREGOIRE, La réforme de la loi sur le bail à ferme, Le Pli Juridique 2019, afl. 49, 21)

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