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Valoriser les surplus de pomme de terre en les incorporant à l’alimentation des bovins

La crise de la Covid-19, en freinant les débouchés historiques comme la vente en frites dans les fast-foods, et une surproduction sur la campagne 2020/2021 ont engendré un surplus de pomme de terre. Parmi les voies de valorisation, l’alimentation des animaux d’élevage, notamment les bovins, permettrait de bien valoriser ces volumes disponibles. Cette brève fait le point sur les valeurs nutritives et les recommandation s d’utilisation de la pomme de terre entière.

Temps de lecture : 5 min

Avant d’incorporer un coproduit dans l’alimentation des animaux, l’éleveur doit définir la place qu’il souhaite lui donner dans son plan de rationnement : une solution de dépannage (sécheresse, stocks insuffisants) ou, une réaction face à une très bonne opportunité (prix attractif), ou une utilisation régulière. Des pommes de terre entières constituent la voie la plus simple à mettre en place dans l’alimentation des ruminants. Les excédents de récolte sont donc une source intéressante à valoriser dans les rations, à condition de maîtriser la chaîne d’utilisation : stockage, conservation, reprise, distribution.

Une bonne valeur énergétique

Les pommes de terre ont une valeur énergétique de 1,26 UFL/kg MS & de 1,31 UFV/kg MS, validant l’intérêt d’un point de vue de la valeur énergétique. Les valeurs azotées sont plus faibles. Il est toujours important de bien caractériser les aliments achetés avant de les utiliser dans le rationnement. C’est donc valable pour la pomme de terre bien que ses valeurs nutritives soient très stables. Ce conseil reste bien entendu vrai pour tous les éléments qui entrent dans le calcul d’une ration.

COPRODUITS (2)

Un stockage maîtrisé

La maîtrise du stockage en ferme est primordiale afin d’assurer de bonnes performances zootechniques par la suite. Pour la pomme de terre entière, la conservation peut se faire en silo couloir ou taupinière, voir en silo sandwich. Il est cependant difficile de bien tasser les silos à cause de la faible teneur en matière sèche. Il est donc recommandé de lisser la surface avec une bâche plastique de bonne qualité.

La durée de stockage ne doit pas excéder quatre à cinq mois et reste variable en fonction de la météo. De fortes chaleurs peuvent notamment entraîner une forte dégradation des pommes de terre stockées sur des plateformes non couvertes.

Des seuils d’incorporation à respecter

Les pommes de terre entières peuvent être utilisées dans la ration des bovins et permettent de bonnes performances zootechniques, aussi bien en production laitière que chez les bovins viande ou les jeunes animaux.

De nombreux essais conduits dans les années 90 ont démontré scientifiquement un maintien de la production laitière, un taux butyreux qui peut augmenter légèrement et un maintien du taux protéique. Les matières utiles sont donc relativement stables.

Pour des vaches laitières, la proportion maximale ne doit pas dépasser 20-25 % de la matière sèche totale en pomme de terre. En pratique, et pour sécuriser la ration, il est recommandé de ne pas dépasser 10 kg brut de pomme de terre par vache et par jour, et en proposant une ration bien mélangée. On pourra aller au-delà si la ration contient moins de 25 % d’amidon et est suffisamment fibreuse. Il faudra aussi surveiller les performances laitières pour trouver le seuil à ne pas dépasser.

Exemple de ration pour vaches laitières (kg brut) :

– 37 kg ensilage de maïs ;

– 5 kg ensilage herbe ;

– 10 kg pomme de terre ;

– 5 kg correcteur azoté type tourteau de colza ;

– 1,5 kg de concentré énergétique ;

– 250 g minéral.

Pour des animaux à l’engraissement, la proportion peut se situer respectivement autour de 30-35 %. Ils sont très souvent utilisés en remplacement d’autres sources énergétiques provenant des concentrés. Les mêmes précautions doivent être prises pour la transition et les quantités apportées.

Exemple de ration pour engraissement (g brut) :

– 10 kg pomme de terre ;

– 21 kg pulpe de betteraves surpressée ;

– 1,5 kg correcteur azoté type tourteau de colza ;

– 100 g urée alimentaire ;

– 100 g minéral ;

– 40 g sel.

Une transition alimentaire à assurer

Une transition alimentaire doit être assurée pour incorporer la pomme de terre dans une ration de ruminants. Pour utiliser de façon optimale cette source alimentaire, il convient d’augmenter progressivement les quantités distribuées afin d’éviter des troubles digestifs. Pour assurer une transition adaptée, l’éleveur doit donc prévoir les stocks nécessaires pour assurer un apport continu, sans rupture des apports et sans oublier de toujours vérifier les performances zootechniques. La transition se fait idéalement sur 3 semaines en augmentant la quantité par palier tous les 3 à 4 jours.

De 25€/t en bovins lait à 35€/t en bovins viande

L’intérêt zootechnique étant précisé, reste à discuter l’intérêt économique de la pomme de terre. À l’aide de l’outil Optim’Al (développé par l’Institut de l’Elevage) permet de calculer les prix d’intérêt des aliments (fourrages, concentrés & coproduits) dans la ration des bovins lait et viande. Ainsi, en fonction du type d’animal et des rations considérées, le prix d’intérêt « sensus stricto » rendu élevage varie entre 30 et 45 € par tonne brute. À ces tarifs, la question d’un achat de pomme de terre se pose. Toutefois, il est important de proposer un prix d’intérêt pratique, c’est-à-dire qui va permettre à l’éleveur de décider d’un achat par rapport à l’utilisation qu’il souhaite en faire ( voir Graphique 1 ) :

– pour en utiliser 10 kg dans une ration pour vaches laitières, le prix de la pomme de terre doit se situer autour de 25€/t rendu élevage ;

– pour en utiliser 10 kg dans une ration pour jeunes bovins, le prix de la pomme de terre doit se situer autour de 35€/t rendu élevage.

P-Y PS (2)

À ces tarifs, il est donc possible d’utiliser la pomme de terre en substitution d’une céréale ou d’un aliment composé riche en énergie. Cela reste fortement lié aux volumes disponibles et aux prix des principales céréales. Le coût du transport doit aussi être inclus pour établir un intérêt économique. Les élevages éloignés des sites de production doivent être particulièrement sensibles à ce facteur.

La pomme de terre est donc une excellente solution pour l’alimentation des ruminants, notamment pour pallier un éventuel déficit fourrager ou pour saisir une opportunité ponctuelle. Elle est utilisée préférentiellement dans les zones d’élevage proches des sites de production mais le prix d’intérêt « transport inclus » doit être étudié pour juger la pertinence économique de ce type d’achat.

D’après Benoît Rouillé,

Institut de l’Élevage

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