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Pandémie de Covid-19: l’agriculture «d’après»,vue par quelques pays voisins

Le séisme qu’a provoqué – et continue de générer – l’irruption du coronavirus à l’échelle de la planète amène les États à tirer les leçons et à revoir leurs priorités dans des activités essentielles comme l’agriculture et l’approvisionnement alimentaire.

Temps de lecture : 7 min

Sollicitées par Agra Presse, avec le concours des conseillers agricoles à Paris, les ambassades de quelques pays voisins expliquent les conclusions politiques qu’ils entendent tirer de la crise du coronavirus pour le secteur agricole et alimentaire. De l’Ukraine à l’Allemagne, en passant par la Grèce, en voici la synthèse.

L’Allemagne met en garde contre « le nationalisme » dans la consommation

Dans sa contribution, l’ambassade d’Allemagne en France plaide pour que « l’esprit européen ne soit pas oublié. Pour le gouvernement allemand, « le nationalisme en matière de consommation n‘est pas une solution en Europe, et les acquis du marché intérieur ne doivent pas être mis en péril par des restrictions à l’importation ou à l’exportation ».

Plus largement, face à « des risques de production croissants à l’avenir », l’Allemagne plaide pour que « l’ensemble de la chaîne de valeur soit rendu plus durable et plus résistante, et ce, à la fois au niveau national, au sein de l’UE et à l‘échelle internationale ».

Au niveau national, elle veut se reposer à la fois sur sa production régionale et sur les échanges commerciaux. Au niveau européen, elle défend donc pour la libre circulation des marchandises. Et au niveau international, elle met « en garde contre toute restriction du commerce mondial des denrées alimentaires ». Pour Berlin, « le libre-échange et la stabilité des chaînes d’approvisionnement sont synonymes de sécurité alimentaire ».

Les Pays-Bas dans l’expectative face au scénario d’une relocalisation

De son côté, les Pays-Bas rappellent que le pays a « une économie tournée vers l’international et ne bénéficierait pas nécessairement d’une relocalisation ». « Quel est le rapport entre la production locale et l’externalisation internationale ? », s’interroge Amsterdam.

« Une chose est sûre : la coopération internationale, les objectifs de développement durable et la sécurité alimentaire doivent être explicitement pris en compte dans toutes les considérations stratégiques. » Le gouvernement rappelle que des études conduites en 2013 « montrent que l’agriculture néerlandaise est amplement capable de nourrir la population du pays en cas de crise dans laquelle l’importation et l’exportation ne sont plus possibles, moyennant toutefois des changements profonds ».

Face à la crise, Amsterdam confirme son objectif de « transition vers une agriculture circulaire », qui vise à « réduire au maximum les déchets, de limiter les émissions de substances nocives et d’utiliser les matières premières et les produits finis avec le moins de pertes possible ». Le pays travaille sur une stratégie nationale en matière de protéines, l’optimisation du fret aérien, la substitution du soja.

Dans le secteur agricole, précise l’ambassade ukrainienne, des mesures seront prises pour améliorer l’accès des producteurs aux financements et aux marchés.
Dans le secteur agricole, précise l’ambassade ukrainienne, des mesures seront prises pour améliorer l’accès des producteurs aux financements et aux marchés.

L’Ukraine veut lutter contre le «protectionnisme de certains partenaires»

De l’autre côté de la frontière de l’UE, l’Ukraine est plus offensive. Les priorités du gouvernement sont à la fois de lutter contre le « protectionnisme » de certains pays face aux exportations ukrainiennes, et d’enrayer l’augmentation des importations de produits qui peuvent être produits en Ukraine, dans un contexte de « stocks d’invendus » importants.

« Le gouvernement va prendre des mesures prioritaires pour améliorer la réglementation ; d’une part dans le domaine de la protection des intérêts nationaux de l’Ukraine dans un contexte de protectionnisme des autres pays, aussi de situations émergentes ; d’autre part dans le domaine de la défense commerciale dans le but d’accroître l’efficacité et la traçabilité des enquêtes sur le commerce.

Et dans le même temps, des mesures seront prises pour protéger les droits et les intérêts de l’Ukraine en utilisant les mécanismes de l’OMC et les accords internationaux en s’appuyant sur le pilotage du marché intérieur et des échanges de produits alimentaires ».

Pour l’Autriche, il faut concilier « manger local » et « commerce ouvert »

Pour l’ambassade d’Autriche en France la « priorité absolue est de maintenir la sécurité alimentaire, et que cela passe plus que jamais par une politique agricole commune réussie, y compris un développement rural fort ».

D’un point de vue commercial, l’Autriche ne se positionne pas exclusivement pour la relocalisation, même si « le chancelier fédéral autrichien Sebastian Kurz et la ministre de l’Agriculture, des régions et du tourisme, Elisabeth Köstinger, ont organisé en mai une réunion au sommet « L’Autriche mange local », lançant une campagne pour stimuler la consommation de produits locaux issus des régions. »

L’Autriche promeut la consommation de produits locaux, mais souligne en même temps l’importance d’un commerce ouvert et réglementé au sein de l’UE et dans le monde.
L’Autriche promeut la consommation de produits locaux, mais souligne en même temps l’importance d’un commerce ouvert et réglementé au sein de l’UE et dans le monde.

En fait, le gouvernement autrichien explique que « le renforcement des chaînes d’approvisionnement alimentaire courtes, des marchés locaux et de la commercialisation directe est aussi important que la garantie d’un commerce ouvert et réglementé au sein de l’UE et dans le monde. »

La Bulgarie réglemente l’e-commerce alimentaire

De son côté, la Bulgarie a adopté récemment une loi sur l’alimentation, qui « réglemente pour la première fois le commerce en ligne de produits alimentaires ». Adopté le 27 mai, ce nouveau règlement permet d’obtenir plus de transparence, d’efficacité et de contrôle tout au long de la chaîne, explique l’ambassade.

Face aux perturbations créées par la crise sanitaire, le gouvernement bulgare met en avant trois mesures de soutien : la lutte contre le risque d’infection, la stabilisation des revenus et l’accès à la nourriture, et enfin le maintien de la « continuité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire critique, y compris entre les zones rurales et urbaines.

La Bulgarie rappelle également que, malgré quelques retours à la faveur de la crise, elle rencontre des problèmes récurrents de main-d’œuvre saisonnière dans les cultures de fruits et légumes, dus à l’attrait de ses travailleurs pour les conditions salariales des pays d’Europe de l’ouest.

La Grèce veut moderniser et structurer

L’ambassade de Grèce en France identifie quant à elle trois sujets clés : la modernisation du secteur agroalimentaire, l’organisation collective des producteurs, et le renouvellement des générations.

La Grèce se fixe trois priorités pour l’«après» Covid-19: la modernisation du secteur agroalimentaire, l’organisation collective des producteurs et le renouvellement des générations.
La Grèce se fixe trois priorités pour l’«après» Covid-19: la modernisation du secteur agroalimentaire, l’organisation collective des producteurs et le renouvellement des générations.

A des fins de modernisation, le gouvernement veut « créer un environnement fiscal favorable et réduire la bureaucratie, afin d’attirer des investissements ».

Concernant l’organisation des producteurs, Athènes entend mobiliser les nouveaux instruments de la politique agricole commune pour « renforcer leur position de négociation vis-à-vis de l’industrie alimentaire et des réseaux de distribution et promouvoir une législation pour protéger les producteurs contre les pratiques commerciales abusives et déloyales ».

Enfin, concernant le renouvellement des générations, le gouvernement propose « des incitations pour les jeunes à entrer dans la profession, en combinaison avec des mesures pour leur formation, le renforcement de leurs plans d’affaires, leur participation à des régimes collectifs, l’accès aux services de consultation, etc. »

La Slovénie souhaite mieux organiser ses producteurs et développer le local

Ce pays juge que la crise a mis en avant le besoin de renforcer l’organisation des producteurs et l’importance des « aliments cultivés localement et des chaînes d’approvisionnement courtes et connexes ».

Concernant l’organisation, la Slovénie va « mettre l’accent sur les organisations de producteurs qui constituent un mécanisme important dans la pac pour améliorer la résilience et la compétitivité des revenus, en particulier dans le secteur des fruits et légumes. »

Concernant l’approvisionnement local, la Slovénie plaidera, dans le cadre de la prochaine pac, pour «des investissements, essentiels afin d’assurer un approvisionnement alimentaire en particulier dans les industries déficitaires ».

Par ailleurs, le pays plaidera pour une meilleure intégration et coopération entre les «participants de la chaîne agroalimentaire, pour la numérisation dans l’agriculture, l’économie circulaire et l’installation des jeunes.

L’Australie veut consolider les règles du commerce international

En Australie, la crise du Covid-19 a renforcé la volonté du gouvernement national de « protéger et consolider les règles du commerce international », explique son ambassade à Paris dans un communiqué du début juin.

Du côté de l’Australie, la crise de la Covid-19 renforce la volonté de consolider les règles du commerce international.
Du côté de l’Australie, la crise de la Covid-19 renforce la volonté de consolider les règles du commerce international.

Selon les Australiens, « un système commercial reposant sur des règles et des normes communes, y compris pour les produits agricoles, permettra de préserver les chaînes d’approvisionnement essentielles et de satisfaire les besoins de tous les pays en matière de sécurité alimentaire ».

L’ambassade rappelle d’ailleurs « progresser toujours de manière satisfaisante dans la négociation d’un accord de libre-échange complet et ambitieux entre l’Australie et l’UE ». Pour Camberra, cet accord permettra « de diversifier nos chaînes de valeur et de créer de nouvelles opportunités commerciales, contribuant ainsi à la reprise économique de nos deux territoires ».

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