Accueil Colza

Lutter contre l’altise d’hiver requiert un suivi minutieux du colza et de l’insecte

Durant leur développement, les parcelles de colza peuvent être la cible de plusieurs ravageurs, parmi lesquels figure l’altise d’hiver. Si un panel de pratiques culturales permet de réduire l’impact de ce ravageur sur les jeunes plantes, il convient de mener la culture avec précision et vigilance pour assurer leur efficacité.

Temps de lecture : 6 min

Si vous cultivez du colza d’hiver, la grosse altise, aussi appelée altise d’hiver, ne vous est pas inconnue. Cet insecte, pouvant sévèrement impacter le développement de la culture, est de plus en plus fréquemment observé dans les parcelles. Face à ses attaques, des solutions existent. Elles nous ont été présentées par Céline Robert, de Terres Inovia, l’Institut technique français de la filière des huiles et protéines végétales et de la filière chanvre, à l’occasion de l’assemblée générale de l’Association pour la promotion des protéagineux et oléagineux (Appo).

Connaître l’altise

Afin de lutter efficacement contre ce ravageur, il convient d’en connaître le cycle. « La grosse altise passe l’été dans son abri d’estivation avant de s’envoler, en fin de saison, vers les parcelles de colza où elle élit domicile. Sur place, elle se nourrit des jeunes plantules (cotylédons et premières feuilles) et pond ses œufs dans le sol. Une fois sorties de leurs œufs, les larves montent dans les pétioles du colza, y passent l’hiver et s’y développent », explique Mme Robert.

Altise d’hiver adulte, prête à sauter.
Altise d’hiver adulte, prête à sauter. - Appo

Durant cette saison, et au printemps, l’insecte effectue ses trois stades larvaires. À l’approche de l’été, il se nymphose dans le sol. Quelque temps plus tard, les adultes de la nouvelle génération émergent, se nourrissent de résidus culturaux et rejoignent leur abri estival.

Obtenir un colza robuste

« La meilleure parade contre ce ravageur consiste à obtenir un colza le plus robuste possible, apte à affronter les éventuelles attaques », poursuit-elle. Cela passe par diverses pratiques culturales.

Tout d’abord, il est recommandé d’adapter la date des semis. Le but : atteindre la fin du stade sensible (3-4 feuilles) avant l’arrivée des altises adultes dans les parcelles, soit entre mi et fin septembre. « Au-delà, la culture est suffisamment développée. Les morsures sont sans impact sur sa croissance. » Adopter cette technique permettrait également de se passer des traitements phytosanitaires.

Face à la pression larvaire, il convient de favoriser la croissance continue du colza en automne. Au champ, cela signifie qu’il est essentiel de soigner l’implantation, pour favoriser la croissance du pivot racinaire. Les faims d’azote doivent en outre être limitées, par un apport organique ou minéral, si nécessaire, ou en associant le colza à des légumineuses gélives.

« Les plantes compagnes ont un impact favorable sur la croissance de la culture mais elles permettent aussi de diminuer le nombre de larves par plant de colza », observe Céline Robert, sur base d’essais conduits en France. Et d’ajouter : « En colza non associé, il appartient à l’agriculteur d’assurer une bonne alimentation de la culture en azote et phosphore, dans le respect des législations en vigueur et en fonction de l’historique des apports. Le gain de biomasse obtenu permet de réduire l’impact des attaques de larves. »

L’observation, la clé de toute décision

Observer ses parcelles est impératif pour évaluer les risques encourus par la culture. « Dès l’entame du mois de septembre, je conseille de suivre la dynamique de croissance du colza et de surveiller d’éventuels prélèvements sur la surface foliaire. Sur cette base, on décidera de la nécessité, ou non, d’agir contre les grosses altises adultes. » Dans nos campagnes, la présence de huit plantes sur dix atteintes de morsures est un seuil d’intervention à garder en mémoire.

En présence d’adultes, les risques de pontes sont bien présents, de même que l’émergence de larves. Une attention particulière sera alors apportée à l’état des jeunes plantes durant les semaines qui suivent (biomasse par pied, niveau d’enracinement et alimentation en azote) afin de leur permettre de faire face aux ravageurs.

Dégâts de morsures d'altises d’hiver adultes sur le feuillage du colza.
Dégâts de morsures d'altises d’hiver adultes sur le feuillage du colza. - Appo

« Il ne faut pas se limiter à l’observation de la culture. L’arrivée et l’activité des altises doivent aussi être surveillées. » Pour ce faire, les bassins jaunes, enterrés à la surface du sol, sont très utiles. Le piégeage de l’insecte ne constitue toutefois pas un outil d’aide à la décision en tant que tel. « C’est bien l’observation très régulière de l’état du colza qui doit guider le raisonnement. La vitesse d’accumulation des dégâts et la vitesse de croissance de la culture sont des critères à prendre en considération quasiment au jour le jour. La lutte chimique n’est à envisager que si la survie de la culture est en jeu ! », insiste la spécialiste.

S’il faut intervenir

Une fois les observations réalisées et le niveau de risque quantifié, lutter contre les altises d’hiver adultes peut s’avérer nécessaire. À cet effet, plusieurs insecticides sont disponibles sur le marché belge (tableau 1). Tous sont des pyréthrinoïdes de synthèse à appliquer entre les stades BBCH 09 (levée) et BBCH 13 (3 feuilles) ou entre les stades BBCH 10 (cotylédons étalés) et BBCH 13 (3 feuilles). « En France, des niveaux de résistance aux pyréthrinoïdes très élevés ont été observés. Des matières actives d’autres familles doivent être utilisées par les agriculteurs », alerte Céline Robert. Gageons que cette résistance ne gagne pas la Belgique.

COLZA

Un composé granulé, le Sherpa 0,8 GR (10104P/B) à base de cyperméthrine, est également disponible chez nous. À incorporer lors du semis, il permet de lutter contre l’altise d’hiver mais aussi contre les taupins et la mouche du chou.

Attention : certains insecticides sont agréés sur méligèthes en colza, mais pas sur la grosse altise. En outre, aucun moyen de lutte contre les larves n’est disponible sur notre territoire. Ajoutons encore que cela fait maintenant plusieurs années qu'il n'y a plus de désinfection insecticide des semences de colza, suite à l'interdiction des néonicotinoïdes (imidacloprid, clothianidine et thiamethoxam) en 2013 et à celle du Mesurol (mercaptodiméthur) en 2014.

Larves d'altises d’hiver minant une plante de colza.
Larves d'altises d’hiver minant une plante de colza. - Appo

De plus amples informations quant aux produits agréés sont disponibles sur Phytoweb (www.fytoweb.be) et auprès de l’Appo (www.appo.be – 081/62.21.37).

L’idéal : combiner les mesures

« Les essais que nous menons en France montrent que combiner les mesures précédemment mentionnées donne les meilleurs résultats », poursuit Mme Robert. Ainsi, avancer la date de semis du colza tout en l’associant à des légumineuses gélives permet d’obtenir un taux de plantes saines supérieur à ce que l’on observerait en ne mettant qu’une des deux mesures en œuvre.

L’état des parcelles est également amélioré lorsque le colza est associé à un couvert et fertilisé (fertilisation à adapter au couvert choisi). Combiner ces deux pratiques avec un traitement insecticide larvaire d’automne semble idéal, mais demeure non autorisé en Belgique. « Plus on combine, plus on augmente les rendements. De même, la marge progresse, malgré la complexité accrue de l’itinéraire phytotechnique », affirme-t-elle, toujours sur base d’essais conduits en France.

« La nuisibilité de l’altise d’hiver  est fortement conditionnée par  la dynamique de croissance du colza », insiste Céline Robert.
« La nuisibilité de l’altise d’hiver est fortement conditionnée par la dynamique de croissance du colza », insiste Céline Robert. - J.V.

À ceci s’ajoutent encore d’efficaces et économiques partenaires que sont les auxiliaires naturellement présents dans la culture. Plusieurs hyménoptères parasitoïdes dont les larves régulent les populations d’altise d’hiver ont été recensés. « Les préserver, voire les favoriser en leur offrant des ressources tout au long de l’année et en augmentant le nombre d’habitats semi-naturels, permettrait de diminuer la dépendance aux insecticides », conclut-elle.

J. Vandegoor

A lire aussi en Colza

Voir plus d'articles