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Aurian de Bergeyck: «La plantation de haies allie mes passions pour l’agriculture et l’environnement»

Les plantations de haies se déroulent généralement en automne, période où les nombreux travaux des champs mobilisent les agriculteurs sans interruption, ou presque. Ce manque de temps, combiné à l’ampleur de la tâche, ne les incite pas à se lancer dans de tels projets. Pour les accompagner, Aurian de Bergeyck a donc acquis un outil lui permettant de simplifier la mise en terre des plants, au bénéfice de l’agriculture, de l’environnement et de la petite faune.

Temps de lecture : 7 min

Élagueur-grimpeur et entrepreneur de jardin depuis octobre 2016, Aurian de Bergeyck ne s’est jamais éloigné du milieu agricole dont il est issu. C’est donc en toute logique qu’il s’est également orienté vers la plantation de haies en plaines agricoles, une activité qui a pris de l’ampleur depuis que le Gouvernement wallon a présenté son ambitieux plan visant à implanter 4.000 km de haies et/ou un million d’arbres en Wallonie.

Ce travail est néanmoins particulièrement éprouvant. En effet, les haies dépassent fréquemment plusieurs centaines de mètres dans les campagnes et chaque plant doit être mis en terre individuellement, à la houe-hache. « Je souhaitais simplifier cette opération. J’ai d’abord imaginé quel outil permettrait de mécaniser, du moins partiellement, la plantation. Mes recherches m’ont ensuite conduit aux Pays-Bas où j’ai trouvé et acheté l’outil qui répondait à mes attentes. Je l’utilise depuis décembre 2019 », explique-t-il.

Un outil simple, polyvalent et pratique

L’outil, initialement conçu pour les pépiniéristes, se compose d’un cadre monté sur quatre roues de jauge et s’attelle à un tracteur compact. À l’avant, on y retrouve une dent permettant d’écarter les végétaux et autres débris présents à la surface du sol. Elle est suivie d’un soc qui, en ouvrant la terre, dessine le sillon qui accueillera la haie. « L’opérateur, bien souvent moi, prend place sur le siège installé au-dessus du soc. Il peut ainsi mettre facilement les plants en terre, au fur et à mesure que le tracteur avance. Un repère est prévu pour conserver le bon écartement entre les plants tout au long du chantier. » À l’arrière, deux disques referment le sillon tandis que deux pneus assurent un bon rappui du sol. Un panier, pour le stockage des plants, vient compléter le tout.

« C’est une machine assez simple, mais bien faite. J’y ai juste ajouté la dent, devant le soc, pour gagner en efficacité. » À noter qu’un rappui « au pied » vient compléter le travail effectué par les pneus pour assurer la bonne tenue des plants.

La planteuse est relativement simple : une dent pour écarter les débris végétaux,  un soc pour ouvrir le sillon, deux disques pour refermer celui-ci après  mise en terre du plant et deux pneus pour assurer un bon rappui du sol.
La planteuse est relativement simple : une dent pour écarter les débris végétaux, un soc pour ouvrir le sillon, deux disques pour refermer celui-ci après mise en terre du plant et deux pneus pour assurer un bon rappui du sol. - J.V.

La planteuse se caractérise par sa polyvalence. « Dans mon cas, je choisis des plants d’une taille comprise entre 60 et 80 cm et le soc ouvre un sillon adapté à leur système racinaire. Mais il est tout à fait possible de choisir un autre soc, plus étroit ou plus large, pour accroître les possibilités de plantation. »

La largeur de l’ensemble tracteur-outil est idéale. Adaptée à une plantation simple rang, elle permet également de réaliser un second passage, voire un troisième, sans chevaucher la ligne de plantation précédente. Implanter des haies double ou triple rang est donc possible.

Sa compacité est un autre de ses points forts. « Un plateau attelé à un pick-up suffit pour embarquer le tracteur et la planteuse. Se déplacer chez les clients est très facile », ajoute Aurian.

À deux ou trois, sur terre finement préparée

Au champ, deux à trois personnes sont présentes. L’une conduit le tracteur et l’autre met les tiges en terre. La troisième assure la logistique des plants et le rappui « au pied ». La vitesse de travail est relativement faible mais demeure nettement supérieure à une plantation manuelle. Elle dépend du nombre d’espèces sélectionnées. « Pour bénéficier des subventions wallonnes, trois espèces doivent être choisies au minimum. Mais j’en plante parfois plus de dix », précise-t-il.

Le repiquage se fait sur un sol finement préparé pour accroître le recouvrement des racines par la terre et les chances de reprise des plants. Sur les parcelles le requérant, une préparation à la fraise est effectuée. Un paillage peut ensuite être étalé, une fois la plantation terminée. Il réduit la croissance des adventices et protège les plants de la sécheresse.

« Travailler sur une terre emblavée de céréales permet de combiner ces deux volets », poursuit Aurian. Comme la terre a déjà été préparée, le fraisage n’est pas nécessaire. Après plantation, les jeunes arbres ne perturbent pas la culture. Celle-ci, par contre, assure un rôle protecteur. « À la moisson, il convient de laisser la céréale en place autour de la haie. Elle protège les plants du soleil et déclinera à l’automne, constituant ainsi un paillage. » Les grains, eux, sont une source de nourriture pour la petite faune. Lors des travaux de désherbage, on veillera néanmoins à ne pas appliquer d’herbicide sur la haie, au risque de freiner sa croissance.

Implanter une haie dans une céréale est très intéressant. En été, elle protège les plants  du soleil ; en automne, elle décline  et constitue un paillage.
Implanter une haie dans une céréale est très intéressant. En été, elle protège les plants du soleil ; en automne, elle décline et constitue un paillage. - J.V.

Un test de plantation après semis de trèfle blanc sera également effectué cette année. « Le trèfle peut être associé à une haie en raison de son faible développement en hauteur, de son pouvoir couvrant et de sa capacité à capter l’azote. Cela permet de réduire l’entretien tout en étant intéressant pour la petite faune. »

En conditions idéales – terre adéquatement préparée et logistique bien rodée – il est possible de planter jusqu’à 2 km de haies sur une journée.

Une première saison, pour mieux préparer les suivantes

Sur sa première saison, Aurian de Bergeyck a repiqué plus de 5 km de haies avec sa planteuse. « Le travail se fait beaucoup plus confortablement. Il demande une certaine concentration mais est moins usant physiquement. On se voit avancer, ce qui est motivant pour moi mais aussi pour le client qui m’aide, souvent en conduisant le tracteur. »

Cette première expérience lui permet également d’organiser au mieux la saison à venir. « Je vais tenter de grouper toutes les plantations sur les mois d’octobre, novembre et décembre pour maximiser les chances de reprise des plants. Travailler en sortie d’hiver ne me semble plus idéal vu les conditions climatiques rencontrées ces dernières années. »

« La haie doit être un atout pour l’environnement sans être une contrainte pour l’agriculture. »

Cela lui permettrait également de grouper ses achats de plants. « Je pourrai ainsi obtenir de meilleurs prix, ce qui n’est pas négligeable pour les agriculteurs, et établir un plan d’approvisionnement avec mon pépiniériste pour disposer de matériel végétal frais en suffisance et aux moments opportuns. »

La haie, un atout pour l’environnement

La demande pour de tels chantiers de plantation devrait grandir dans les années à venir. Aurian observe d’ailleurs que plusieurs agriculteurs évoquent déjà la saison 2020. « Le volet environnemental prend de plus en plus de place dans le monde agricole : on se rend compte que la présence de haies est un vrai plus. S’y ajoutent l’arrivée d’une nouvelle génération dans les fermes et les subsides octroyés par le Gouvernement wallon. Cela incite certains agriculteurs à franchir le pas. »

« Le volet  environnemental prend de plus en plus de place dans le monde agricole :  on se rend compte que la présence de haies est un vrai plus », constate Aurian de Bergeyck.
« Le volet environnemental prend de plus en plus de place dans le monde agricole : on se rend compte que la présence de haies est un vrai plus », constate Aurian de Bergeyck.

Installer des haies dans les plaines agricoles est effectivement loin d’être dénué de sens. « Elles abritent la petite faune agricole et servent de repères aux lièvres ou perdreaux, souvent perdus dans de trop grandes étendues cultivées. De nombreux oiseaux y nidifient au printemps. En bordure de prairie, c’est une source d’ombre bien utile pour les troupeaux », détaille-t-il.

Dans les plaines agricoles, les haies revêtent un usage multiple: refuge pour la petite faune, repère pour les lièvres ou perdreaux, lieu de nidification pour les oiseaux...
Dans les plaines agricoles, les haies revêtent un usage multiple: refuge pour la petite faune, repère pour les lièvres ou perdreaux, lieu de nidification pour les oiseaux...

Un tel chantier doit toutefois être mûrement réfléchi avec le client-agriculteur. « Une fois qu’une haie est en place, c’est pour un long moment… Nos discussions portent sur les souhaits et les pratiques de l’agriculteur (labour ou non, techniques de pulvérisation…). La haie ne doit pas être un obstacle à son travail, elle ne doit pas compliquer les manœuvres au champ. Elle doit être un atout pour l’environnement sans être une contrainte pour l’agriculture. Personnellement, la plantation de haies allie mes passions pour l’environnement, l’agriculture et la petite faune. »

Après les plantations, la taille !

Malgré des atouts certains, l’entretien des haies constitue un frein à leur essor. Les premières années de leur croissance, il convient d’être attentif à la propreté des pieds. « La pose d’un paillage ou d’un broyat de bois permet de contenir le développement des adventices. L’un et l’autre maintiennent également une certaine fraîcheur au pied des plants, les protégeant ainsi des épisodes de fortes chaleurs. »

Les haies doivent être taillées, au fil des années. « Pour les agriculteurs, c’est un travail supplémentaire. Je peux le réaliser pour eux car je dispose d’un lamier que j’attelle à mon tracteur. Mais ce n’est pas sans impact sur leur trésorerie… Les subventions wallonnes devraient permettre de financer les tailles autant que les plantations. »

Selon les demandes des agriculteurs, le métier d’Aurian est donc amené à évoluer, avec un essor des plantations en automne et en hiver et, par conséquent, davantage de tailles en été. « J’en serais ravi car j’ai acquis ce matériel pour ajouter une corde à mon arc mais aussi par attrait pour ce projet réunissant l’agriculture et l’environnement. »

J. Vandegoor

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