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Accord commercial entre l’UE et le Mercosur: les États membres dans l’expectative

Lors d’un conseil des ministres de l’Agriculture, les États membres ont fait part, le 21 septembre, de leurs doutes quant au respect par les pays du Mercosur du chapitre développement durable inscrit dans l’accord de libre-échange signé en juillet 2019.

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« L’Union européenne n’est pas dans une phase active sur l’accord commercial avec les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay). Nous attendons de voir comment son contenu sera mis en œuvre surtout concernant le chapitre développement durable », a indiqué la ministre allemande à l’Agriculture, Julia Klöckner lors d’une communication, le 21 septembre, dans le cadre du conseil des ministres de l’Agriculture de l’UE à Bruxelles.

Un point de vue également soutenu par le commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis, qui a expliqué, à l’issue d’une réunion informelle avec les ministres du Commerce à Berlin, que l’UE attendait des pays du Mercosur, en particulier du Brésil, qu’ils s’engagent clairement à respecter les questions de durabilité incluses dans l’accord, avant toute ratification.

Au regard des craintes persistantes, différents États membres (Belgique, France, Espagne, Italie, Grèce, Autriche, Luxembourg, Portugal, Roumanie, Slovaquie) ont appelé la Commission à la mise en œuvre du programme d’aide d’un milliard d’euros en faveur des agriculteurs et des entreprises agroalimentaires. Il s’agit d’une aide qui avait été mentionnée en 2019 par Phil Hogan, lorsqu’il était encore commissaire à l’Agriculture.

Pour les États membres, l’objectif est de prévoir pour certains secteurs des mesures compensatoires qui viseraient à protéger l’agriculture face aux éventuelles perturbations du marché au cas où l’accord devait entrer en vigueur.

Scepticisme

En parallèle, la France, qui a présenté le 18 septembre un rapport critique envers l’accord (voir ci-dessous), et l’Autriche, ont ouvertement exprimé leur réserve concernant une quelconque ratification. Le gouvernement autrichien a notamment indiqué qu’il ne pouvait soutenir un accord commercial qui aurait un impact significatif et déstabiliserait les marchés agricoles de l’UE. Et d’ajouter qu’« un certain nombre de points clés n’ont jamais été traités de manière adéquate par la Commission, par exemple le manque de détails sur le paquet d’aide d’un milliard d’euros promis à l’agriculture ».

Un scepticisme que partage également la ministre Julia Klöckner qui émet de sérieux doutes quant à la ratification en l’état de l’accord, surtout par rapport « à ce que fait le Brésil en brûlant des terres pour produire des denrées dans des conditions non autorisées dans l’UE. Nos agriculteurs ont donc à juste titre des doutes. Nous devons veiller à ce que les normes environnementales ne deviennent pas un désavantage ».

Des avantages à commercer, défend la Commission

Concernant la limitation des importations des produits sensibles, tels que le bœuf et le riz, « nous pensons que cet objectif a été atteint lors des négociations avec le Mercosur », a assuré le commissaire à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, devant les ministres des Vingt-sept. Et d’ajouter que « les négociateurs de l’UE sont déterminés à assurer une protection adéquate pour ces produits sensibles, qui ont une valeur économique et sociale considérable pour divers États membres ».

Par ailleurs, Janusz Wojciechowski a souligné que « des avantages supplémentaires importants sont attendus de l’augmentation des possibilités d’exportation de produits alimentaires transformés, du renforcement de la protection des indications géographiques et de la suppression des obstacles sanitaires et phytosanitaires pour les exportations de l’UE ».

La Commission européenne travaille actuellement sur une mise à jour de l’étude de 2016 sur les impacts cumulatifs pour le secteur agricole européen des accords commerciaux signés par l’UE afin de prendre en compte les derniers développements des négociations commerciales de l’UE, en particulier pour intégrer les résultats des négociations avec le Mercosur, le Japon et le Mexique. Cette mise à jour est attendue pour l’automne. Concernant les autres négociations commerciales en cours, l’UE poursuit de façon constructive ses pourparlers avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Toutefois, les négociations avec le Chili et l’Indonésie ont « connu un certain ralentissement », a encore indiqué le commissaire Wojciechowski.

La France pose ses conditions pour reprendre les négociations

Comme indiqué ci-avant, la France notamment n’a pas caché ses réserves quant à la ratification de l’accord. Son gouvernement a prévenu le 18 septembre qu’il avait trois exigences avant poursuivre les négociations : « qu’un accord d’association avec le Mercosur ne puisse en aucun cas entraîner une augmentation de la déforestation importée au sein de l’UE » ; « que les politiques publiques des pays du Mercosur soient pleinement conformes avec leurs engagements au titre de l’Accord de Paris » sur le climat ; et enfin, « que les produits agroalimentaires importés bénéficiant d’un accès préférentiel au marché de l’Union européenne respectent bien, de droit et de fait, les normes sanitaires et environnementales de l’UE », en assurant qu’un « suivi de ces produits sera effectué ».

Ces demandes françaises s’appuient sur les conclusions d’un rapport que lui a remis une commission indépendante d’évaluation de l’accord. Elle conclut notamment que les exportations de viande bovine prévues (99.000 t) pourraient provoquer une hausse de la déforestation de 5 % au moins en six ans. Et cette évaluation n’inclut ni les cultures nécessaires pour l’alimentation des bovins, ni la déforestation induite par les autres volets de l’accord (exportations de volailles et d’éthanol notamment). Et l’accord UE-Mercosur provoquerait un surplus d’émissions de gaz à effet de serre (GES) « entre 4,7 et 6,8 millions de tonnes équivalent CO2 », souligne également le rapport.

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