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Jaunisse nanisante de l’orge: une infection sournoise qui donne du fil à retordre!

La dynamique de l’infection par la jaunisse nanisante s’est amplifiée au cours des trente dernières années. L’abondance du maïs dans les régions céréalières est un élément non négligeable. Les changements climatiques, et en particulier les automnes doux et interminables qui sont plus fréquents, en sont un autre.

Temps de lecture : 6 min

Le virus de la jaunisse nanisante n’atteint jamais les semences, même produites par des plantes infectées. Il ne survit donc pas dans les plantes annuelles. En revanche, il peut se maintenir durablement dans diverses graminées pérennes appelées « plantes-réservoirs ».

Ce virus peut cependant infecter des graminées annuelles, parmi lesquelles les céréales et le maïs. Ces plantes dans lesquelles le virus peut se multiplier sont appelées « plantes hôtes ».

Le virus de la jaunisse nanisante se transmet exclusivement par des pucerons. Sur les centaines d’espèces de pucerons présentes dans l’environnement, seules quelques-unes infestent les graminées. Les plus abondantes chez nous sont Rhopalosiphum padi, Sitobion avenae et Metopolophium dirhodum. Ce sont les « vecteurs » du virus de la jaunisse nanisante. Notons que les espèces présentes en colza, betteraves, chicorées, arbres fruitiers, pommes de terre, légumineuses et divers légumes n’interviennent pas dans la dynamique de cette maladie!

La dynamique de la virose est donc intimement liée à celle de la pullulation des pucerons vecteurs de ce virus.

Toutes les espèces céréalières peuvent être infectées par le virus de la jaunisse nanisante et en souffrir, comme le froment, ci-dessus (dernière feuille rouge-violacé).
Toutes les espèces céréalières peuvent être infectées par le virus de la jaunisse nanisante et en souffrir, comme le froment, ci-dessus (dernière feuille rouge-violacé). - M. de N.

Toutes les céréales peuvent être infectées par le virus de la jaunisse nanisante et en souffrir gravement. Le maïs est également infecté, mais en souffre beaucoup moins.

Aucun traitement n’est en mesure de neutraliser le virus. La protection des cultures ne peut dès lors se faire que préventivement, par la maîtrise des pucerons vecteurs.

Lorsque du maïs – culture de printemps –, et des céréales d’hiver sont cultivés dans un même environnement, ces deux cultures, se relaient en qualité de réservoirs et, tant les pucerons que le virus, peuvent migrer de l’une à l’autre, avec un risque d’amplification d’année en année.

Suivre la dynamique de la virose, prévenir des risques

Première étape: laisser venir et surveiller

Lorsqu’on sème un champ, la culture céréalière est parfaitement exempte de jaunisse nanisante. Ce n’est qu’après la levée que des pucerons ailés, issus principalement du maïs, pourront arriver dans les champs de céréales et, lors de piqûres d’alimentation, infecter les premières plantules. Cette infection dite « primaire » concerne presque toujours une très petite proportion des plantes et se présente de façon non agrégative. Elle est presque toujours négligeable en tant que telle.

En revanche, chaque plante infectée par un puceron ailé arrivé dans un champ constitue une amorce d’infection dite « secondaire » : à partir de cette plante infectée, des pucerons aptères (sans ailes) vont propager la virose de plante en plante, et former des plages d’infection d’autant plus étendues qu’on les aura laissé grandir.

La première partie de l’automne sera donc consacrée à suivre l’infestation par les pucerons, et à mesurer la proportion de pucerons réellement porteurs du virus et à tenir les céréaliers au courant par des avertissements au minimum hebdomadaires.

Deuxième étape: avertir, le cas échéant, de l’imminence du seuil de tolérance

On ne peut pas laisser grandir les plages d’infection éternellement. De petites plages de quelques plantes n’ont aucun impact sur le rendement. En revanche, des plages de 50 cm de diamètre constituent des « vides » que ne peuvent déjà plus être compensées par les plantes voisines.

Le rôle des lanceurs d’avertissements est donc, d’une part d’inviter les céréaliers à la retenue pour éviter les traitements trop précoces (la trop grande précocité d’un traitement automnal est un facteur d’échec fréquent !) et, d’autre part, d’avertir à temps pour que les plages infectées n’aient pas le temps de s’agrandir jusqu’à nuire au potentiel de rendement.

Ce suivi est important pendant tout l’automne, mais ne s’arrête pas là. Tant qu’il reste des pucerons vivants dans les champs, le risque d’une extension désastreuse à la sortie de l’hiver est présent et, réchauffement climatique oblige, de plus en plus présent.

Des éléments aggravants

Réchauffement climatique, semis trop précoces

La dynamique de l’infection par la jaunisse nanisante s’est très clairement amplifiée au cours des trente dernières années. L’abondance grandissante du maïs dans les régions céréalières est évidemment un élément non négligeable. Les changements climatiques, et en particuliers ces « étés indiens », c’est-à-dire ces automnes doux et interminables qui sont devenus presque systématiques, en sont un autre.

Face à cette réalité, il faut évidemment réagir par l’adaptation des calendriers, et ne plus hésiter à retarder les semis, particulièrement d’escourgeon. Aujourd’hui, il n’est plus de bonne pratique de semer de l’escourgeon à partir du 20 septembre. Pareille pratique est dépassée. Elle expose la culture à des populations de pucerons importantes et encore très actives.

Il est également très utile, particulièrement lorsque la saison s’annonce dangereuse, de choisir des variétés d’escourgeon tolérantes à la jaunisse nanisante, pour les terres les plus exposées.

Quelles sont les terres les plus exposées à la jaunisse nanisante ?

Evidemment les premières semées, mais aussi celles situées dans les terroirs les plus chauds du Hainaut occidental. Sont particulièrement exposées, les terres situées à proximité immédiate de champs de maïs, surtout si l’ensilage a lieu après la levée de la céréale et si le maïs est fortement infesté de pucerons.

Toute plante infectée par un puceron ailé arrivé dans un champ constitue l’amorce d’une infection «secondaire»: à partir de celle-ci, des pucerons non ailés vont pouvoir propager la virose de plante en plante, et former des plages d’infection.
Toute plante infectée par un puceron ailé arrivé dans un champ constitue l’amorce d’une infection «secondaire»: à partir de celle-ci, des pucerons non ailés vont pouvoir propager la virose de plante en plante, et former des plages d’infection. - Cepicop

Attention, cet automne!

Dans les campagnes, la présence de plantes hôtes des pucerons vecteurs et du virus de la JNO est sans rupture: maïs d’avril à octobre, céréales d’octobre à juillet. Il n’y a pas, comme pour d’autres types d’infections, de « vide sanitaire » où les campagnes seraient sans plantes hôtes et de ce fait débarrassées du virus et de ses vecteurs.

Les épidémies de jaunisse nanisante peuvent néanmoins prendre fin, lorsque l’hiver est assez froid pour tuer tous les pucerons adultes et toutes leurs larves. Ceci arrivait presque chaque année il y a encore quelques décennies, mais de moins en moins, et de moins en moins complètement ces dernières années.

L’hiver dernier, l’absence quasi-totale de gel a permis aux pucerons de survivre en assez grand nombre. De plus, les vols de ces pucerons ont repris exceptionnellement tôt, si bien que des froments d’hiver semés après la fin des vols automnaux ont pu être infectés et développer des taches de jaunisse nanisante.

Le niveau de cette infection de sortie d’hiver sur des champs semés après la fin des vols n’a eu qu’un seul précédent en Belgique : en 1990. Cette année-là, les pucerons étaient beaucoup plus nombreux encore et beaucoup plus virulifères et des froments se sont trouvés complètement virosés avec des pertes de rendement dépassant quelquefois les 30%.

Au cours de l’été dernier, des symptômes de jaunisse nanisante ont été vus en froment dans toutes les régions de Wallonie. Les pucerons ont également été plus nombreux qu’à l’ordinaire, tant en céréales qu’en maïs. Il est donc fort probable que le « réservoir de virus » se soit amplifié sensiblement, et il faut redoubler d’attention cet automne pour maîtriser correctement l’épidémie.

D’après Michel De Proft

, Cra-w, Santé des Plantes & Forêts, Le Livre Blanc, septembre 2020

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