Elever du boeuf Wagyu: un créneau particulier pour privilégier la qualité à la quantité

L’exploitation van Ossel est une ferme en carré historique datant de 1769. C’est la famille Meysmans qui l’exploite depuis maintenant quatre générations. Voilà treize ans que Filip l’a reprise à son oncle et l’a ajoutée à celle de son père. À l’époque, c’était une ferme mixte classique, mêlant grandes cultures et élevage de Blanc-bleu belge. Pour lui, le B-BB est une race de volume. Ce qu’il voulait : davantage de rendement et proposer quelque chose que (presque) personne ne faisait.

« Pour une race « ordinaire », c’est simple. Quelqu’un vient chercher les animaux et vous vous entendez sur le prix. Je voulais avoir davantage d’influence sur le prix et sur la construction de ce marché ».

Raison pour laquelle l’éleveur s’est intéressé au Wagyu, une race issue du pays du soleil levant. Si le Japon est davantage connu pour la fabrication de voitures, d’appareils électroniques grand public et d’aliments pour les plats à base de poisson, il l’est moins pour sa forte agriculture. Le pays importe environ 60 % de ses besoins alimentaires en calories. Du bœuf ? Le Japon importe des centaines de milliers de tonnes et exporte environ 400 tonnes de viande bovine.

La qualité prime

sur la quantité

Toutefois, la quantité et la qualité sont deux choses différentes. Filip Meysmans a trouvé un créneau particulier avec sa viande de Wagyu. Ce terme est une combinaison de « wa », un terme désignant le peuple japonais, et de « gyu », qui signifie race bovine. Le Japon est fier de ces animaux et n’a autorisé aucune exportation de viande avant 2014. La viande est aujourd’hui encore peu exportée. Son prix est en moyenne 3 fois plus élevé que celui du Wagyu élevé chez nous, qui est lui-même autrement plus cher que des pièces de viande bovine souvent bon marché importées d’autres parties du monde.

Il n’existe que très peu de viande vendue aussi cher que celle de ces vaches noires. « Le Wagyu est destiné aux personnes qui apprécient le goût », explique l’éleveur. « Je pense qu’ils sont de plus en plus nombreux à vouloir manger moins de viande mais de meilleure qualité ».

Eigenlijk houdt Meysmans de dieren vrij klassiek, met weidegang en een rantsoen met vooral gras en maïs maar ook wat voederbieten en andere bijproducten, zoals draf.
Eigenlijk houdt Meysmans de dieren vrij klassiek, met weidegang en een rantsoen met vooral gras en maïs maar ook wat voederbieten en andere bijproducten, zoals draf.

Une viande savoureuse

Au Japon, un système de classification de viande est utilisé avec une échelle notée de 0 à 12, 12 étant destinée à la meilleure viande, donc la plus chère. Ne confondons toutefois pas la viande de Wagyu avec celle du bœuf de Kobe, qui est également souvent évoquée. Si le bœuf de Kobe est du Wagyu, l’inverse n’est pas forcément vrai. Ledit bœuf doit provenir de la préfecture de Hyögo, située au tour de la ville de Kobe. Le Japon possède également d’autres appellations « régionales » dudit bœuf.

Pourquoi est-elle si qualitative selon les experts culinaires ? Grâce à sa grande quantité de graisse intramusculaire et comme tous les cuisiniers vous le diront, la graisse a bon goût. Cette marbrure dans la viande a également un point de fusion bas – environ 32 ºC – de sorte que l’arôme est déjà libéré à température ambiante. La viande est tendre et a une odeur unique, également connue sous le nom d’« arôme de Wagyu », riche et doux comme celui des pêches.

« Vous avez Wagyu et Wagyu », explique l’éleveur. « Celui élevé au Japon est bien trop gras pour nous. Les Japonais veulent, pour ainsi dire, de la viande blanche pure avec des veines rouges. Les gens peuvent le goûter comme une particularité, mais ce n’est pas un goût que le Belge moyen apprécie. Je crois d’ailleurs davantage à un mode de production adapté à notre consommation et au goût plus local. Et c’est ainsi que nous l’élevons. Comme nous le voulons, pas comme ils le veulent. »

Pour Filip Meysmans, il est important d’adapter cette race si spécifique aux réalités de son environnement.
Pour Filip Meysmans, il est important d’adapter cette race si spécifique aux réalités de son environnement. - JCB

Le choix de la race pure

Pour se lancer, la famille Meysmans a opté pour des embryons de race pure. « Beaucoup de viande Wagyu provenant de pays comme les États-Unis et l’Australie n’est pas de race pure, mais provenant plutôt d’hybrides. Je pense moi-même que l’on s’éloigne alors trop de la race d’origine, et donc aussi de ses qualités particulières. En outre, je fais du Wagyu belge pour la Belgique et juste au-delà. Le Wagyu américain ou australien est un mois sur la route, coupé et à mon avis de qualité inconstante ».

En 2007, des embryons de race pure ont été transportés par avion d’Australie avec un transport sécurisé. Les embryons ne sont pas bon marché : 1.000 euros l’unité avec un taux de réussite de 50 %. Dans les années suivantes, une vingtaine d’animaux sont nés sur l’exploitation. Il a fallu quelques années pour que l’agriculteur maîtrise correctement les soins et la commercialisation.

Aujourd’hui, la société compte 180 Wagyus, dont 3 taureaux. Les génisses sont inséminées avec des paillettes achetées. L’éleveur sourit : « On entend souvent des histoires folles sur les soins apportés aux Wagyus. Ils boivent de la bière, se font masser en écoutant de la musique classique… Certains agriculteurs japonais pourraient le faire, mais ce n’est certainement pas la norme. »

Les veaux Wagyu sont relativement vulnérables. Ils naissent légers, parfois seulement à 20 kg, et ont besoin d'être maintenus au chaud.
Les veaux Wagyu sont relativement vulnérables. Ils naissent légers, parfois seulement à 20 kg, et ont besoin d'être maintenus au chaud. - JCB

Un élevage si différent ?

En fait, les animaux sont élevés de manière assez classique, avec des pâturages et une ration composée principalement d’herbe et de maïs mais aussi de betteraves fourragères et d’autres sous-produits comme les drèches. Le pourcentage de protéines brutes peut rester assez faible. Les rations sont pour la plupart réalisées sur les terres de l’exploitation, soit 60 ha. Les soins nécessitent une attention particulière. « Les animaux sont plus calmes et plus têtus que les races françaises », note-t-il.

La gestation est beaucoup plus difficile à détecter chez les animaux gras que chez les animaux plus conformés, élevés traditionnellement chez nous. Il en va de même pour les symptômes de maladie. Les veaux sont légers et donc très vulnérables et vont dans la grande étable à 3 ou 4 mois. À l’heure actuelle, ce système est toujours basé sur celui utilisé en Blanc-Bleu belge, mais en raison des spécificités de la race, il est loin d’être idéal pour les veaux. L’homme veut donc aborder cette question différemment dans un avenir proche.

La température des animaux doit être surveillée de manière continue. Les capteurs de CowsOnWeb sont utilisés à cette fin. Le temps de vêlage intermédiaire est d’environ 385 jours, tout comme l’objectif pour le Blanc-Bleu belge. « Mais avec un animal blanc-bleu belge, c’est davantage de travail et de surveillance. »

L’engraissement est très similaire qu’en Blanc-bleu. Les qualités spécifiques de la race japonaise doivent être accentuées par un aliment concentré que l’agriculteur fait spécialement produire par une entreprise d’aliments pour bétail. La recette ? « C’est un secret de cuisinier », sourit-il. Les bœufs sont abattus à l’âge de 3 ans, les vaches à partir de 6 ans. Plus l’animal est âgé, meilleur c’est ! C’est d’ailleurs devenu presqu’une devise. Le poids d’abattage des vaches est d’environ 350 kg. Le rendement d’abattage et de découpe est d’environ 55 %. L’abattage se déroule selon les instructions de l’éleveur lui-même.

Créer un débouché

Filip prend également une grande partie des ventes à son propre compte. « Ça n’a pas toujours été facile financièrement parlant. S’il est extrêmement prudent en matière de dépense, il n’a parfois pas eu assez… Mais aujourd’hui encore, le producteur continue de réinvestir immédiatement tous les bénéfices afin de maintenir son activité et de la développer. Je dois également dire que les banques et les gouvernements parlent toujours de spécificité et d’innovation, mais qu’ils ne nous ont pas aidés. Si vous innovez, vous êtes tout seul ! »

L’éleveur voit d’autres difficultés au niveau des abattoirs. « Nos bœufs sont en moyenne plus petits et ne rentrent pas vraiment dans les tableaux de classification habituels. Les carcasses ne peuvent dès lors pas répondre aux réglementations conçues pour les grands animaux européens. En pratique, tant que les papiers sont en règle, on n’a pas trop de souci, mais nous n’avons toujours pas de solution à cette problématique. »

La viande est onéreuse, ce qui nécessite d’user de la pédagogie auprès du consommateur pour lui expliquer ce qu’on lui vend. Les pièces les plus coûteuses quittent la boucherie pour 100 à 150 euros le kilo. Un hamburger ? 20 à 30 euros. Mais l’éleveur à besoin de ce prix pour s’y retrouver financièrement. L’élevage particulier que la race requiert, les ventes et le risque entrepreneurial sont à ce prix. En attendant, il existe un joli réseau d’endroits où il est possible de se procurer les productions de la ferme van Ossel. « Les vrais restaurants de viande sont surtout de bons clients », continue-t-il.

« On pourrait penser aux restaurants étoilés, mais ils changent souvent de menus. C’est dans les boucheries de quartiers qu’on ne s’attendait pas à en vendre mais le gérant, étant un passionné pour tout type de viande de qualité, sait toujours comment la proposer à ses clients. Si notre produit n’est pas bon marché, il ne se vend pas uniquement à Uccle et Brasschaat… »

Au début, il n’y avait tout simplement pas de marché pour la viande Wagyu. « J’ai dû créer le débouché. Je me suis donc rendu dans les boucheries et les restaurants pour vendre mon histoire. Pour réussir, j’ai dû devenir boucher, cuisinier et agriculteur. C’est une sacrée aventure pour laquelle je ne me suis pas facilité la vie, mais j’ai beaucoup appris. Et avec le Wagyu, je veux continuer sur cette lancée : améliorer, construire, investir… ».

Le corps de ferme historique est en mauvais état, mais il sera prochainement entièrement rénové. Le bâtiment principal (à gauche) devrait devenir une salle de réception  dans laquelle sa production pourra être présentée sublimée.
Le corps de ferme historique est en mauvais état, mais il sera prochainement entièrement rénové. Le bâtiment principal (à gauche) devrait devenir une salle de réception dans laquelle sa production pourra être présentée sublimée. - JCB

Le prochain projet ? La rénovation de la ferme, qui est tombée en ruine. « Le bâtiment principal devrait accueillir une salle de réception, les dépendances sont idéales pour une écurie et une grange. Grâce à la zone d’accueil, je peux recevoir des groupes – des grossistes ou des chefs et bouchers intéressés par exemple – pour raconter l’histoire de mon élevage dans l’ambiance nécessaire et montrer les nombreuses possibilités offertes par le Wagyu. C’est une nouvelle étape qui fait avancer mon entreprise », conclut-il.

D’après Jan Cees Bron

Restaurateurs et bouchers comme débouchés

Les produits de la ferme van Ossel sont livrés à plus de 50 boucheries et 8 restaurants dans toute la Belgique.

En outre, une partie de la viande est destinée aux grossistes. Au départ, Filip Meysmans ne pouvait vendre qu’une partie de la viande provenant du bétail sous l’appellation «Wagyu». Aujourd’hui, les choses ont évolué.

La possibilité d’avoir un magasin à la ferme est évoquée, mais à moyen ou long terme.

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