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La carie en froment: de retour après des dizaines d’années d’absence!

Longtemps absente grâce aux traitements de semences, la carie a refait son apparition dans les exploitations bio utilisant des semences non traitées. Ce phénomène rappelle que la désinfection des grains demeure indispensable pour éviter la propagation des maladies véhiculées par la semence et ou le sol.

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La carie était absente de nos régions depuis les années cinquante, grâce à la désinfection quasiment systématique des semences. Cette maladie a cependant fait son grand retour en 2020 chez plusieurs agriculteurs ayant utilisé des lots de semences infectés et non traités.

Cette maladie est causée par des champignons du genre Tilletia, principalement T. caries. Ces champignons sont dotés d’un fort pouvoir pathogène et d’un grand potentiel de propagation via la semence. En effet, un seul grain carié peut contenir plusieurs millions de spores (voir figure) ; celles-ci sont libérées lors du battage, contaminant ainsi les grains sains, mais aussi le sol et les équipements de récolte et de stockage.

La transmission de la maladie aux semences peut se faire au moment de leur récolte mais également au semis, le champignon étant capable de survivre plusieurs années dans le sol.

Nuisances

La carie génère, d’une part, une baisse significative du rendement et, d’autre part, une dépréciation de la récolte pouvant conduire au refus des lots. En effet, il suffit de 0,1 % d’épis cariés pour qu’une odeur de poisson pourri, due à la présence de triméthylamine, se dégage du lot contaminé, le rendant impropre à la consommation animale et a fortiori humaine. L’absence d’odeur perceptible ne garantit pas l’absence de carie.

Lorsque les analyses montrent la présence de ce pathogène (1 spore/grain), les semences sont automatiquement traitées avec des produits synthétiques. Si plus de 100 spores/grain sont détectées, l’infection est considérée comme trop importante et les lots sont détruits.

En agriculture conventionnelle, la carie est maîtrisée par la désinfection systématique des semences à l’aide de fongicides synthétiques efficaces. Une efficacité de plus de 99 % est nécessaire pour enrayer la propagation de cette maladie. Heureusement, les produits de synthèse agréés atteignent tous ce niveau de protection.

Traitement de semences en agriculture biologique

Il en va tout autrement en agriculture biologique, où seuls deux traitements de semences sont autorisés :

– le Cerall, un biopesticide constitué d’une préparation à base de Pseudomonas chlororaphis, une bactérie naturellement présente dans les sols. De nombreux essais ont prouvé l’efficacité de ce traitement de semences contre la fusariose, la septoriose et la carie. Néanmoins, cette efficacité est assez irrégulière ;

– le vinaigre : cette substance de base est reconnue par la Commission européenne comme ayant des vertus fongicides en traitement de semences. Il est à appliquer à la dose de 1à 4 l/100 kg suivant la concentration du produit. La dose préconisée avec du vinaigre 7 % étant de 1 l de vinaigre + 1 l d’eau /100 kg de semences pour une efficacité correcte mais pas totale.

Toutefois, ces traitements ne fournissent actuellement pas une protection suffisante (<99 %) pour enrayer la propagation de la carie. Ils sont donc à combiner avec d’autres méthodes pour atteindre le niveau d’efficacité nécessaire. Il est donc très important de vérifier soigneusement l’état sanitaire des semences utilisées, de pratiquer un brossage des grains lorsque c’est possible et, par précaution, d’effectuer un traitement au vinaigre.

Des essais sont en cours au Centre wallon de recherches agronomiques en vue de tester l’efficacité de solutions biologiques (traitements de semences) et génétiques (choix variétal) contre la carie). Une seule année d’essai est actuellement disponible, ce qui est insuffisant pour pouvoir en livrer les résultats. Certaines solutions sont cependant prometteuses.

En cas de parcelle infectée

Si une parcelle est infectée par la carie, il est recommandé de récolter celle-ci en dernier lieu et de bien nettoyer tous les outils qui ont été en contact avec le grain. Une désinfection de ceux-ci avec du vinaigre peut être envisagée comme solution peu coûteuse. Une analyse en laboratoire des grains récoltés permettra de déterminer si l’infection est avérée ou non. Le cas échéant, le lot devra être détruit. Le retour d’une céréale sur une parcelle contaminée ne pourra se faire que sous certaines conditions :

– réaliser un labour profond la première année et puis un travail superficiel durant les 5 années suivantes pour éviter de ramener les spores de carie en surface ;

– détruire les repousses de céréales ;

– ne pas revenir avec du blé (dur ou tendre) ou de l’épeautre avant au moins 5 ans (l’avoine, le seigle ou le triticale sont des alternatives) ;

– favoriser une levée rapide lors de la réimplantation de céréales.

D’après Charlotte Bataille

, Cra-w, dans le Livre blanc, septembre

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