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Semaine de la sensibilisation à un usage prudent des antibiotiques : des résultats encourageants pour les porcs et les veaux, préoccupants pour la volaille

La semaine mondiale de sensibilisation à un usage prudent des antibiotiques a débuté le 18 novembre et se terminera le 24. L’emploi responsable des antibiotiques est d’une importance cruciale, tant pour la médecine humaine qu’animale. Pour cette dernière, leur utilisation a fortement diminué depuis 2011. Il est donc regrettable que le secteur des poulets de chair connaisse un revirement dans cette évolution. L’utilisation totale des antibiotiques, et en particulier celle des quinolones et d’autres substances d’importance critique, y montre une hausse alarmante. Ces chiffres défavorables mettent en danger la réalisation des objectifs de 2020 et vont clairement à contresens des objectifs fixés pour 2024.

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Chaque utilisation d’antibiotiques provoque une pression de sélection sur des bactéries résistantes. La manière la plus efficace d’en diminuer leurs nombres est donc d’employer moins d’antibiotiques. Ainsi, ceux-ci pourront rester un moyen sûr pour traiter les infections bactériennes des humains et des animaux ! La Belgique a déjà obtenu de bons résultats par rapport aux objectifs de 2020 (Plan « Vision 2020 » et « Convention Antibiotiques »).

Entre 2011 et 2019, on a pu enregistrer les réductions suivantes de l’utilisation d’antibiotiques en médecine vétérinaire :

– 40,3 % de l’utilisation totale d’antibiotiques (pour un objectif de -50 %) ;

– 77,3 % d’utilisation d’antibiotiques d’importance critique, à savoir des quinolones et des céphalosporines de 3e et 4e générations (pour un objectif de -75 %) ;

– 71,1 % d’utilisation d’aliments médicamenteux pour animaux comprenant des antibiotiques (pour un objectif de -50 %).

Ces diminutions sont extrêmement encourageantes. La surveillance de l’utilisation d’antibiotiques au niveau de chaque élevage indique toutefois une hausse dans le secteur de la volaille. Elle se situe aussi bien au niveau de l’utilisation totale que de celle d’antibiotiques d’importance critique, les quinolones et la colistine, cette dernière substance montrant une plus grande importance encore pour la santé publique et classée parmi les antibiotiques les plus prioritaires.

Selon la Figure 1, on constate que durant la période allant de juillet 2019 à juin 2020, la consommation d’antibiotiques dans le secteur de la volaille a augmenté d’1 tonne par rapport aux 12 mois précédents. Dans les secteurs veaux de boucherie et porcs, c’est une baisse qui a été enregistrée pour la même période.

Fig. 1. Évolution du tonnage d’antibiotiques utilisés dans les secteurs avicole, veaux de boucherie et porcin.
Fig. 1. Évolution du tonnage d’antibiotiques utilisés dans les secteurs avicole, veaux de boucherie et porcin.

La Figure 2 montre l’utilisation des fluoroquinolones dans les secteurs avicole, veaux de boucherie et porcin. Une nette augmentation est observée toujours en volaille, aussi bien en nombre de tonnes qu’en nombre d’exploitations ayant recours à ces substances. Dans les autres secteurs, leur usage est resté plutôt stable.

Ces hausses compromettent la réalisation des objectifs de 2020 et reflètent pour le moins la faible motivation d’atteindre les nouveaux objectifs de 2024.

Fig. 2. Évolution du nombre de kilos de fluoroquinolones utilisés en volaille, veaux de boucherie et porcs  et du pourcentage d’exploitations de ces espèces animales qui en ont utilisé au moins une fois.
Fig. 2. Évolution du nombre de kilos de fluoroquinolones utilisés en volaille, veaux de boucherie et porcs et du pourcentage d’exploitations de ces espèces animales qui en ont utilisé au moins une fois.

L’utilisation de colistine augmente aussi dans le secteur de la volaille, alors que d’autres secteurs enregistrent une baisse (Fig. 3). La diminution de son utilisation chez les porcs, couplée à celle de l’oxyde de zinc, est positive.

Fig. 3. Évolution du nombre de kilos de colistine utilisés en volaille, eaux de boucherie et porcs  et du pourcentage d’exploitations de ces espèces animales qui en ont utilisé au moins une fois.
Fig. 3. Évolution du nombre de kilos de colistine utilisés en volaille, eaux de boucherie et porcs et du pourcentage d’exploitations de ces espèces animales qui en ont utilisé au moins une fois.

La hausse enregistrée dans la consommation de fluoroquinolones du secteur de la volaille met en péril la réalisation du 2e objectif du plan « Vision 2020 ».

La « Vision 2024 », le nouveau plan

Retour sur les objectifs du nouveau plan de réduction de l’usage vétérinaire d’antibiotiques publié par l’Amcra en 2020.

 objectifs de réduction spécifiques à chaque espèce animale au niveau des exploitations et 1 % maximum d’utilisateurs en zone d’alarme d’ici 2024  ;

Le premier des objectifs qui ont été déterminés pour 2024 repose sur les données d’utilisation des antibiotiques collectées auprès de chaque élevage de volaille, de porcs et de veaux de boucherie. Il se concrétisera par l’établissement d’un trajet de réduction pour chaque secteur. Ce trajet sera défini par la détermination de valeurs limite propres à l’espèce animale. Ces valeurs délimiteront quatre catégories d’utilisateurs : les « faibles utilisateurs » (zone verte), les « utilisateurs à surveiller » (zone jaune) et les « gros utilisateurs » (zone rouge). Les exploitations/catégories animales qui resteront longtemps en zone rouge deviendront des « utilisateurs en zone d’alarme » et se retrouveront en zone mauve. Pour eux, des mesures seront proposées. Le trajet de réduction sera défini progressivement en fixant des valeurs limites intermédiaires pour 2022. On s’efforcera de répartir de façon proportionnée les charges sur les différentes espèces animales. De cette manière, chaque éleveur et chaque vétérinaire seront responsabilisés.

–  l’utilisation totale d’antibiotiques en Belgique chez les animaux doit évoluer d’ici 2024 vers l’utilisation médiane d’antibiotiques en Europe : 50 mg/kg de biomasse  ;

La réduction commune obtenue pourra alors mener à la réalisation du deuxième objectif de la Vision 2024. L’utilisation médiane d’antibiotiques en Europe est restée stable ces dernières années. Des pays qui ont des systèmes de production intensifs, comparables à ceux de la Belgique, ont une utilisation d’antibiotiques avoisinant les 60 mg/PCU (rapport ESVAC). La réduction graduelle de l’usage d’antibiotiques en Belgique doit aboutir à un usage total maximal d’environ 50 mg/kg de biomasse d’ici la fin de 2024. Cela signifie que nous devrions utiliser en médecine vétérinaire à cette date 65 % d’antibiotiques en moins qu’en 2011.

–  utilisation maximale d’1 mg de colistine/kg de biomasse d’ici 2024  ;

Pour la colistine, antibiotique d’importance critique parmi les plus prioritaires pour l’homme, un objectif spécifique a été défini et reflète la volonté de l’Agence européenne des médicaments, l’Ema. Celle-ci a fixé à 1 mg/PCU l’objectif de consommation de colistine en médecine vétérinaire pour les pays européens qui en ont une faible consommation. En 2019, la consommation de colistine en Belgique s’est élevée à 1,50 mg/kg de biomasse, ce qui correspond déjà à une baisse de 66,4 % par rapport à 2011, mais il faut atteindre au plus tard fin 2024 l’objectif de l’Ema. À cet effet, la colistine a déjà été supprimée des aliments médicamenteux.

–  réduction de l’utilisation d’aliments médicamenteux contenant des antibiotiques  ;

En ce qui concerne l’emploi d’aliments médicamenteux comprenant des antibiotiques, une réduction totale de 75 % est visée d’ici fin 2024 par rapport à 2011. La « Belgian Feed Association » a par ailleurs déjà publié une charte de durabilité où l’association de fabricants d’aliments pour animaux exprime sa volonté de supprimer entièrement les antibiotiques des aliments composés d’ici 2030.

Le nouveau plan « Vision 2024 » fait partie, conjointement avec les engagements des autorités, du « Plan national d’action One Health ». Ce plan, encore en phase de validation, a été élaboré pour poursuivre la lutte contre la résistance aux antimicrobiens et ne comprend pas seulement des actions dans le domaine de la médecine vétérinaire, mais s’implante également dans le domaine de la médecine humaine et de l’environnement.

D’après l’Amcra

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