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Une vache nommée Blossom

Le feuilleton « Covid-19 » est bien parti pour durer, vague après vague… Mais ces dernières semaines marquent pourtant un tournant décisif, avec la mise au point et l’arrivée prochaine de vaccins ! « Vaccin » : d’où vient ce mot ? Comment cette nouvelle phase sera-t-elle négociée par les responsables sanitaires et politiques » ? Sans doute ceux-ci vont-ils encore nous surprendre ! La gestion de la pandémie ne cesse de nous étonner depuis le mois de mars, nous autres agriculteurs ! La médecine humaine gère les maladies virales différemment de la médecine vétérinaire, c’est le moins qu’on puisse dire… La biosécurité dans les exploitations d’élevage est infiniment plus stricte, et davantage efficace. Mais à quel prix pour les fermiers !

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Les gens n’ont aucune idée de la manière dont est régentée la sécurité sanitaire des troupeaux d’animaux domestiques. Ils ouvriraient des yeux grands comme des soucoupes ! Par exemple, on ne rentre pas dans un élevage de porcs ou de volailles, comme dans une galerie commerciale avant la crise de la Covid. Il faut soigneusement se désinfecter les bottes, se laver les mains très scrupuleusement, voire prendre une douche, puis le visiteur doit enfiler des survêtements stériles, des couvre bottes et une charlotte. De même, dans un élevage bovin, n’entre pas qui veut dans une étable, pas chez nous en tout cas : le vétérinaire, parfois le marchand de vache, après avoir passé leurs bottes dans un pédiluve de désinfectant. C’est repris dans l’autocontrôle, un terme qui n’existe pas dans le dictionnaire de Monsieur Toulemonde !

Les humains n’ont -n’avaient avant la Covid-19- aucune idée de la biosécurité ! Ils voyagent partout dans le pays et dans le monde, dans des avions, des trains ou des bus bondés ; ils bisoutent et s’embrassent à qui mieux mieux, se frottent, se bécotent et fricotent, font la fête, s’agglutinent dans des stades de football ou les concerts de rock. Puis ils rentrent chez eux, transmettent les virus qu’ils ont collectés à leurs proches et leurs enfants, qui à leur tour vont à l’école ou en garderie. D’innombrables virus circulent ainsi librement dans un méga-bouillon de culture, de taille planétaire ! Cultivés étourdiment au gré des agitations de la population moderne, ils ont tout loisir de muter et de produire des souches extrêmement dangereuses : des H1N1, des H5N1, des coronas, des rotas, des papillomas, et autres retrovirus susceptibles de déclencher toutes sortes de maladies, souvent bénignes heureusement, mais parfois super-agressives à l’image de ce cher SARS Cov 2. Si nos élevages étaient conduits avec autant de désinvolture, ils seraient régulièrement anéantis !

Bien entendu, la biosécurité humaine ne peut être prise en charge à la mode de chez nous, par une sorte d’Arsia ou d’Afsca toti- et omnipotente ! Imaginez un instant qu’on ait géré la Covid-19 comme la PPA des sangliers et des cochons : stamping-out des élevages, abattage systématique des bêtes hirsutes dans la zone infestée, interdiction d’y circuler… Comme le BVD, en testant tous les veaux par une biopsie auriculaire et en liquidant les positifs… Comme l’IBR, en classant les élevages en I2, I3, I4, après force analyses de sang… Comme la FCO, en imposant pratiquement la vaccination… Comme la brucellose, la tuberculose, la fièvre aphteuse autrefois… Même en rêve, une telle gestion sanitaire est impossible à envisager dans nos populations du 21e siècle. La biosécurité animale est quant à elle cadenassée à double tour. Si l’on achète un taureau ou une génisse pleine, il faut multiplier les analyses, les placer en une quarantaine stricte et contrôlée. Chez les humains, c’est beaucoup plus rock and roll ; ils font n’importe quoi, pour la plus grande joie des virus. La liberté est inaliénable, mais elle n’est pas sans risque…

Nos dirigeants sont trop vaches pour les animaux d’élevage, sans doute trop peu avec les gens. À propos de vache, savez-vous que le principe du vaccin a été découvert grâce à ce merveilleux animal ? Le 14 mai 1796, pour tester un « vaccin » contre la variole, Edward Jenner inocula James Phillips, un jeune garçon de 8 ans, avec le contenu de petites cloques présentes sur les mains de Sarah Nelmes, une trayeuse qui avait contracté la « vaccine » transmise par une vache nommée Blossom. La vaccine est une maladie bénigne qui provoque des petits boutons sur les trayons. Or, le virus responsable n’est autre qu’une forme bien moins virulente que celui de la variole. Celle-ci a été le pire fléau qu’ait connu l’humanité dans son histoire, avec un r0 moyen de 8 (3 pour la Covid au pire de la contamination en mars), un taux de mortalité de 30 % (!!), 10 fois pire que la pandémie actuelle. On estime que 20 % des décès peut être imputés à la variole au 18e siècle en Europe, sans compter les séquelles, les horribles cicatrices présentes sur les gens guéris. C’était dire l’importance et l’enjeu des recherches de Jenner ! La « vaccination » du jeune Phillips, -ainsi nommée en référence à la « vaccine » –, fut couronnée de succès ; Jenner venait de mettre au point le principe du vaccin !

Amis agriculteurs, trayeuses et trayeurs manuels, vous avez tous eu comme moi, un jour ou l’autre dans votre vie, vos mains grêlées de petits boutons irritants. Sans le savoir, nous avons été vaccinés contre la variole ! Merci les vaches ! Merci une vache nommée Blossom !

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