Accueil Droit rural

Réparation des dégâts causés par le gros gibier: qui est responsable?

Dans un arrêt de 8 octobre dernier, la Cour de Cassation rend une décision quant au fait qu’un propriétaire d’une réserve naturelle soit présumé responsable des dégâts causés par des sangliers s’il a reçu l’autorisation d’en réguler la population de sangliers.

Temps de lecture : 4 min

L’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 14 juillet 1961 en vue d’assurer la réparation des dégâts causés par le gros gibier dispose que les titulaires du droit de chasse répondent du dommage causé aux champs, fruits et récoltes par les cervidés, chevreuils, daims, mouflons ou sangliers provenant des parcelles boisées sur lesquelles ils possèdent le droit de chasse, sans qu’ils puissent invoquer le cas fortuit ni la force majeure.

Mais dans les réserves naturelles…

L’article 3, alinéa 2, de la même loi prévoit que l’action peut être intentée contre le propriétaire des biens, sauf audit propriétaire à appeler le titulaire du droit de chasse en intervention et garantie. En vertu de l’article 11 de la loi du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nature, tel qu’il est applicable en Région wallonne, dans les réserves naturelles, il est interdit de tuer, de chasser ou de piéger de n’importe quelle manière les animaux, de déranger ou de détruire leurs jeunes, leurs œufs, leurs nids ou leurs terriers, le gouvernement pouvant lever certaines interdictions prévues audit article.

Selon l’article 1er de l’arrêté de l’exécutif régional wallon du 17 juillet 1986 concernant l’agrément des réserves naturelles et le subventionnement des achats de terrains à ériger en réserves naturelles agréées par les associations privées, sauf dérogation dûment motivée et prévue dans l’arrêté d’agrément, l’article 11 de la loi du 12 juillet 1973 est applicable dans les réserves naturelles agréées.

Les faits

Le jugement attaqué constate que, en ce qui concerne la réserve naturelle agréée litigieuse, « l’article 3 de l’arrêté du gouvernement wallon du 6 mai 2010 permet à la défenderesse, dans la mesure strictement indispensable à la mise en œuvre du plan de gestion, « de réguler si nécessaire les populations de sangliers et de lapins, notamment en cas de dégâts occasionnés aux cultures voisines, conformément à la législation en vigueur et sur avis du fonctionnaire du département de la nature et des forêts chargé de la surveillance de la réserve naturelle » ».

Selon la société agricole qui a subi des dégâts, celui qui a reçu l’autorisation de réguler la population de sangliers dans une réserve naturelle, doit être présumé responsable.

Le tribunal de première instance du Hainaut, statuant en degré d’appel, ne suivant pas le point de vue de la société agricole, l’affaire a été porté devant la Cour de Cassation.

La décision

Dans l’arrêt de 8 octobre 2020, la Cour de Cassation confirme l’application de la loi par le tribunal de première instance.

Même s’il reçoit l’autorisation de réguler la population de sangliers dans une réserve naturelle, dans la mesure strictement indispensable à la mise en œuvre d’un plan de gestion, le propriétaire de cette réserve n’est pas titulaire d’un droit de chasse ni, dès lors, présumé responsable en vertu de l’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 14 juillet 1961 du dommage causé par le gibier visé.

Jurisprudence antérieure

La Cour de Cassation décide donc dans l’arrêt du 8 octobre 2020 que les propriétaires avec autorisation de réguler la population de sangliers ne peuvent être assimilés aux titulaires du droit de chasse. La Cour tient dans cet arrêt une interprétation stricte de la loi.

Rappelons que la Cour de Cassation était plus souple dans son arrêt du 9 octobre 2015. Dans cet arrêt, la Cour a décidé que les articles 1er et 2, alinéa 2, de la loi du 14 juillet 1961 n’exigent pas que la parcelle boisée d’où il est établi que provient le gros gibier qui a causé les dégâts jouxte celle qui les a subis.

Selon la Cour, rien n’empêche le juge de constater ou de déduire des circonstances de la cause que le gros gibier provient d’un bois déterminé même s’il sort physiquement d’une parcelle qu’il n’a que traversée ou que la faible profondeur des bois entourant la récolte endommagée permette de présumer que le gros gibier provenait également d’une forêt plus vaste. La provenance du gibier ne doit pas non plus être interprétée comme l’origine immédiate du gibier, c’est-à-dire un bois qui lui sert de refuge ou de séjour, qu’il ne fait pas que traverser, pour en déduire que seul le titulaire du droit de chasse sur une telle parcelle peut être déclaré responsable.

A lire aussi en Droit rural

La cession privilégiée en gelée…

Droit rural Qui veut bien se prêter à l’exercice de la comparaison entre l’ancienne version de la loi sur le bail à ferme et sa nouvelle version wallonne, en vigueur depuis le 1er janvier 2020, fera le constat que, ci-et-là, apparaissent parfois de nouvelles dispositions légales, autrement appelées de nouveaux articles, souvent affublés d’un « bis » ou d’un « ter » : 2bis, 2ter, 57bis…
Voir plus d'articles