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Les jersiaises, de petits formats aux bonnes performances

Bien que l’exploitation de Bruno et Steffie De Grande-Colpaert ait commencé il y a à peine 3 ans, elle est maintenant bien connue à Le Coq et dans ses environs. Les yeux de biches de leurs Jersiaises et leurs produits laitiers ont clairement trouvé leurs consommateurs.

Temps de lecture : 8 min

C’est un va-et-vient constant à la ferme Jersey de Le Coq. Les ventes en circuit court vont bain train. Elles ont connu une forte croissance depuis le début de crise de la Covid-19. Steffie (32 ans) en a plein les mains. Les distributeurs de lait frais et de produits laitiers doivent être réapprovisionnés quotidiennement. Il y a toujours quelques Jersiaises qui paissent dans la prairie le long de l’allée. « C’est voulu », sourit Bruno (31). « Nous les laissons également paître dans la prairie du côté de la rue le week-end. Elles attirent l’œil des passants, qui pour la plupart, ne connaissent pas la race. La jersiaise est très photogénique, et souvent sujette à selfie. »

Le rêve devenu réalité

Contrairement à Steffie, qui a grandi dans une exploitation porcine à Oudenburg, Bruno s’est immiscé dès qu’il a pu dans l’agriculture. « J’ai grandi à Gand, mais je passais le plus de temps possible dans la ferme familiale à Wingene-Beernem. Petit, je rêvais d’être agriculteur ». C’est donc tout naturellement que Bruno s’est orienté vers l’agronomie. L’occasion pour lui de réaliser un stage dans une gigantesque ferme laitière en Australie. « J’étais totalement dans mon élément là-bas. Ce fut une première introduction réussie à la jersiaise. Dans cette ferme, on l’utilisait en race pure ou en croisement. »

Après cette expérience, Bruno était pleinement convaincu. Il voulait, avec Steffie, élever des Jersiaises. Pour le jeune couple, ce n’était pas facile. Bruno avait déjà commencé à travailler pour des fournisseurs dans le secteur de l’élevage laitier. Steffie, elle, travaillait dans le service financier d’une entreprise de construction de la région.

Leur recherche a duré près de 3 ans. Ils ont trouvé leur emplacement actuel à De Haan en 2017. « Cette ferme libre de toute occupation, proche de chez mes parents, était idéale », avoue Steffie qui y a vu des possibilités d’expansion. D’autant que De Haan est une région touristique qui offre de nombreuses opportunités.

Commencer par la génétique danoise

Le couple est allé deux fois au Danemark pour la prospection de son cheptel. « C’est l’endroit par excellence pour se lancer dans ladite race, tant sa population y est grande ! », explique Bruno. « Par l’intermédiaire d’un exportateur, nous nous sommes retrouvés avec un producteur laitier qui voulait vendre tout son cheptel pour des raisons de santé. Nous avons conclu un accord. En outre, nous avons également acheté 25 génisses à un autre agriculteur ».

Ces génisses ont été transportées à Le Coq à la fin du mois de juillet 2017. le reste des animaux est arrivé en novembre. Le cheptel atteint donc rapidement la centaine de laitières et une cinquantaine de jeunes bovins en 2018. Aujourd’hui, le troupeau s’est stabilisé à 120 laitières et de leur suite.

Adapter l’exploitation aux petits formats

Dès leur arrivée, ils ont commencé à traire, soit cinq mois après leur installation sur le site. Steffie se souvient de cette période intense. « Nous nous sommes attelés à rendre l’exploitation à l’épreuve des Jersiaises. »

Celles-ci sont de plus petite taille que les Holstein. Heureusement, Bruno est un homme pratique : « J’ai travaillé pendant un certain temps dans la construction de bâtiments agricoles et dans une entreprise de matériel de traite. J’ai donc pu réaliser l’aménagement sur mesure. Les Danois nous ont également donné de nombreux conseils. Nous avons réduit les logettes de 15 cm pour atteindre une largeur de 1 m à 1,05 m. En outre, nous avons abaissé abreuvoirs ainsi que les barres d’alimentation pour rendre les aliments plus accessibles pour les animaux. La salle de traite avait également besoin d’ajustements, car elle était trop profonde. Il a fallu déplacer les plastrons de la salle de traite – 2 x 12 côte à côte à sortie rapide – de manière à pouvoir traire plus facilement et d’empêcher les vaches de pouvoir bouger. »

« L’acheminement des vaches jusqu’en Belgique a causé beaucoup de stress, tant pour nous que pour les animaux. Le voyage a duré environ 14 heures. À leur arrivée, il a fallu les traire immédiatement… l’occasion de tester les adaptations réalisées dans la salle de traite. Ce fut désastreux ! Heureusement, les conditions se sont améliorées de jour en jour. Et au bout d’une semaine, la traite ne posait plus de problème ! »

Les vaches ont toujours accès à l'étable. Lors de la sécheresse,  elles ont pu y être complémentées avec une ration adaptée.
Les vaches ont toujours accès à l'étable. Lors de la sécheresse, elles ont pu y être complémentées avec une ration adaptée. - A.V.

Aliments énergétiques

Le corps de ferme est entouré de 12 hectares de prairies. Après la première coupe de début mai, les vaches peuvent sortir. Elles resteront dehors aussi longtemps que possible. Les animaux ont de toute façon toujours accès à l’étable où ils reçoivent une complémentation.

Les Jersiaises ont besoin d’un aliment énergétique avec une teneur en DVE (protéine digestible dans l’intestin) élevée. Bruno : « L’ingestion quotidienne est « seulement » de 17-18 kg de matière sèche par jour, quand les Holstein en absorbent 23-24 kg. Elles peuvent aussi recevoir des aliments plus énergétiques car elles sont moins sensibles à l’acidification du rumen. Elles valorisent efficacement leur alimentation. »

Les vaches en lactation reçoivent une ration totale mélangée à base d’herbe, de maïs et de betterave fourragère provenant de l’exploitation, d’orge cultivé localement, de maïs épi-broyé et de soja. « Nous essayons de nourrir le plus possible avec des aliments auto-produits sur la ferme, mais les bons taux de graisse et de protéines du lait ne peuvent être obtenus qu’avec du fourrage grossier. » Bruno et Steffie peuvent compter sur le conseiller en alimentation pour donner la ration la plus adaptée à leurs laitières. « Il nous a fallu environ 4 mois pour y parvenir. Établir une ration reste un processus continu. »

Une excellente qualité de lait

Le couple est très satisfait de la production laitière et de la qualité du lait de ses vaches. Bruno : « Nous ne cherchons pas à dépasser les limites. Nous avons une production moyenne par vache de 6.300 l à 6,2 % MG et 4,28 % de protéines. Si la production est inférieure à celle de la holstein, les teneurs élevées compensent largement cette différence. » En outre, Les animaux mangent moins et produisent donc moins de lisier. Et c’est aussi un avantage.

Bruno est également satisfait de la traite en elle-même. « Grâce à nos ajustements de la salle de traite, cela se passe très bien. Les animaux plus âgés ont en effet un pis plus large par rapport à leur stature, ce qui rend parfois plus difficile l’accrochage.

Privilégier les doses sexées

« Pour le choix des reproducteurs, nous frappons toujours à la porte de Viking Genetics, qui dispose d’un large éventail de semences de la race dans son berceau. Nous voulons garder nos Jersiaises en race pure ».

Pour Bruno, l’aspect fertilité des produits des taureaux est très important. « Au cours de mon stage, j’ai appris à connaître l’importance de ce trait de caractère. Il détermine l’avenir de votre cheptel. En outre, le taureau doit soutenir la teneur en matière grasse/protéine du lait. Enfin, il détermine « l’extérieur ». Nous n’avons pas besoin de vaches de shows, mais d’animaux de travail ! »

« Toutes les génisses sont inséminées avec des doses sexées, tout comme les 30 % de nos meilleures vaches. Le sperme sexé est peut-être deux fois plus cher à l’achat, mais il nous donne la sécurité d’avoir des veaux femelle. Malheureusement, il est un peu moins efficace. Nous inséminons les autres vaches avec de la semence de Blanc-bleu. Nous vendons nos taureaux à l’âge de deux semaines. Les taureaux en race pure ne sont pas très demandés sur le marché. Malheureusement, nos vaches réformées n’obtiennent pas non plus un meilleur prix. »

Un vêlage en douceur

« Pendant notre première année, le stress a fortement affecté les animaux », poursuit Bruno. « Cela a également eu des conséquences négatives sur la fertilité. Pendant les deux premiers mois, nous n’avons pas pu avoir nos vaches pleines ».

Bruno insémine maintenant lui-même les vaches laitières, laissant au vétérinaire les jeunes génisses dont le col de l’utérus est plus étroit. « Cette race a une bonne fertilité, le taux de gestation est supérieur à la moyenne. Une semaine avant le vêlage, ces vaches se rendent dans un box de vêlage, parfois avec quelques animaux. Nous utilisons pour ce faire un calendrier pour la gestation des vaches, puisque celles-ci montrent à peine qu’elles vont vêler. Jusqu’à 10 minutes avant, elles peuvent encore manger tranquillement. Grâce à leur large bassin, elles mettent facilement bas. Au début, je me levais la nuit, mais j’arrivais généralement trop tard. Le veau était déjà sec à côté de sa mère. Je n’ai donc que rarement ou jamais besoin d’aider. Nous ne faisons donc pas de césarienne non plus ; pas même lorsqu’on insémine avec du B-BB. Après tout, nous ne choisissons pas les taureaux extrêmes. »

La génétique Jersiaise danoise se caractérise par un bon état de santé. « Elles ont peu de problèmes de boiteries. Si un individu ne se sent pas bien, il produira moins de lait ; ce sont ses propres soins qui prévaudront. Cette race est un peu plus sensible aux maladies du veau ou du lait. Ils ont donc besoin d’une perfusion de calcium plus rapidement que les Holstein. Nous travaillons généralement de manière préventive et leur donnons un bolus de calcium/magnésium juste avant le vêlage. »

Une race agréable

Si les Jersiaises sont belles à voir, elles sont également agréables à travailler. « Les vaches sont en effet calmes et faciles à manipuler », confirme Bruno. « Elles sont dociles et cela facilite le déplacement du troupeau. Les Danois nous ont toutefois prévenus de faire attention aux taureaux. Ils ont une plus mauvaise réputation et peuvent charger à l’improviste. C’est pourquoi nous n’en avons aucun sur la ferme ».

Ces animaux ont un fort sentiment d’appartenance au troupeau. Steffie : « Les premières génisses sont restées ensemble dans la prairie pendant toutes les premières semaines. Au Danemark, elles étaient à l’étable. Elles ont donc dû s’habituer à notre brise marine. Même aujourd’hui, elles restent encore pour la plupart en groupe. Elles sont également très curieuses. Nous en faisons l’expérience avec toute la famille – avec les enfants Morris (4) et Norah (2) – lorsque nous sortons dans les pâturages pour la séance photo. Les vaches n’ont en effet pas peur et ne sont pas frileuses. Tout le monde vient voir ce qu’il se passe et veut se frayer une place sur les photos. Les Jersiaises peuvent effectivement très vite vous donner le coup de coeur ! »

D’après Anne Vandenbosch

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