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Smartbiocontrol: les produits de biocontrôle comme alternative concrète aux produits «chimiques»

Pour la première fois, 24 partenaires de Flandres, de Wallonie et de France ont rassemblé leur expertise pour proposer aux agriculteurs belges et français une approche innovante pour réduire l’utilisation de pesticides. Fin 2020, au terme du projet Interreg Smartbiocontrol qui les a réunis ces quatre dernières années, les chercheurs et partenaires ont présenté les résultats les plus innovants et prometteurs de ce projet transfrontalier.

Temps de lecture : 10 min

Lancé officiellement en octobre 2016, Smartbiocontrol fédère les compétences de 24 partenaires issus d’une vingtaine d’entités structurelles diverses (centres de recherches, universités, ASBL, sociétés, fédérations régionales, associations d’agriculteurs) réparties de part et d’autre de la frontière.

Près d’une centaine de chercheurs ont développé pendant quatre années un travail collaboratif et interdisciplinaire. Il en résulte de nouveaux produits innovants et prometteurs visant à mieux armer les agriculteurs belges et français utilisant régulièrement des pesticides chimiques. Les participants au projet ont également développé des outils (enquête et banque de données) destinés principalement aux chercheurs et aux agriculteurs et permettant de mieux cerner le potentiel des biopesticides.

Pour répondre au défi de l’agriculture durable

Depuis quelques années, dans plusieurs pays européens, de nombreuses initiatives politiques tendent à réduire l’utilisation des pesticides. Les producteurs sont ainsi de plus en plus confrontés aux réglementations et aux exigences toujours plus strictes concernant l’utilisation des pesticides chimiques. Ils sont fortement incités à réduire les applications de pesticides conventionnels afin de répondre au défi de l’agriculture durable (« IPM » en Belgique, « le plan Ecophyto et Agroécologie » en France). Malheureusement, les alternatives naturelles et moins toxiques sont encore peu développées.

L’utilisation des produits de biocontrôle par les agriculteurs est un principe important de l’agriculture biologique. Ces produits naturels protègent les cultures contre les maladies et assurent une bonne production tout en offrant un produit de bonne qualité.

Ces produits de biocontrôle constituent une alternative concrète aux pesticides chimiques traditionnels utilisés dans la culture conventionnelle. Dans ce contexte, Smartbiocontrol s’articule sur un projet pilote et quatre projets bien distincts mais fortement interconnectés pour sélectionner de nouveaux ingrédients bio-sourcés (Bioscreen), développer leur production à l’échelle industrielle (Bioprod), évaluer leur efficacité en conditions agronomiques (Bioprotect) et assurer leur suivi aux champs (Biosens).

Augmenter la part des biopesticides

La valeur globale du marché des biopesticides est évaluée à 3 milliards de dollars dans le monde, ce qui ne représente encore que 5 % de la valeur globale du marché des pesticides. Un facteur limitant est la disponibilité d’un nombre restreint de biomolécules actives à faibles concentrations. Diversifier l’accès à un panel plus étendu de produits bio-sourcés, sûrs et efficaces, en particulier de la famille des lipopeptides, est l’un des objectifs des équipes réunies dans ce projet.

Une base de données sérieuse

Outre le travail effectué sur de nouvelles molécules, le projet a développé d’autres outils, notamment une base de données pour explorer l’efficacité des produits de biocontrôle sur plusieurs cultures.

Dans le domaine agricole, que ce soit en matière de Recherche et Développement ou de pratiques culturales au champ, la veille bibliographique est un élément crucial pour mettre en place les activités les plus adaptées à la problématique posée. Le choix des produits à utiliser par les agriculteurs repose sur les informations transmises par les conseillers agricoles ou la littérature technique accessible via les bases de données ou la presse spécialisée. Pour les chercheurs, la veille bibliographique est capitale pour mettre en œuvre des travaux innovants leur permettant d’être à la pointe de leur discipline. C’est dans ce contexte que les membres du consortium Bioprotect ont entrepris une étude bibliographique pour répertorier d’une part, les produits de biocontrôle homologués en France et en Belgique contre les agents phytopathogènes et d’autre part, les produits de biocontrôle testés dans la littérature par les chercheurs et expérimentateurs sur les agents phytopathogènes ciblés dans le projet.

Au total, 129 produits de biocontrôle ciblant les agents pathogènes, disponibles dans le marché, ont été répertoriés en Belgique (30) et en France (99), dont 28 à base de micro-organismes bénéfiques et 101 à base de substances naturelles d’origine végétale, microbienne, animale ou minérale. Par ailleurs, plus de 400 articles scientifiques ciblant les maladies retenues dans le projet, comme la pourriture grise, l’oïdium, la fusariose, la septoriose, le mildiou, le sclérotinia et le rhizoctone, ont été analysés. Plus de 280 d’entre eux traitent les micro-organismes bénéfiques (principalement Bacillus sp. et Pseudomonas sp.) et 120 abordent les substances naturelles. L’ensemble de ces données sont disponibles sur www.smartbiocontrol.eu/fr.

Des fiches pour une meilleure utilisation des biopesticides

Dans le cadre du projet Bioprotect, des recherches approfondies ont été menées sur l’effet et l’application de biofongicides principalement dans diverses cultures. Grâce à ces connaissances, des fiches techniques ont été établies pour une quinzaine de biofongicides actuels, principalement à base de micro-organismes, pour lutter contre les principales maladies fongiques de la pomme, de la laitue, de la carotte, de la fraise et du blé. Outre des informations générales, ces fiches contiennent également des informations spécifiques sur la manière d’appliquer ces agents de manière optimale, ainsi que l’expérience du fabricant et des centres d’essai. Ces fiches seront également disponibles www.smartbiocontrol.eu/fr dans le but de stimuler l’utilisation de produits phytopharmaceutiques biologiques par les producteurs (tant conventionnels que biologiques).

Les lipopeptides parmi les agents les plus efficaces en laitue

La laitue est une culture importante dans le secteur horticole belge et français, tant en plein air qu’en serre. Pour cette culture spécifique, l’importance d’une protection raisonnée des cultures est élevée, car la partie comestible de la plante est traitée et le risque de résidus de pesticides est plus élevé.

Au cours des quatre dernières années, le projet BioPpotec a également mené des recherches sur, d’une part, l’amélioration de l’utilisation des agents biologiques de protection des cultures contre diverses maladies de la laitue et, d’autre part, l’évaluation de l’efficacité des agents reconnus et des agents en cours de développement contre un certain nombre de maladies fongiques courantes. La plupart de ces agents biologiques ont le grand avantage de laisser peu ou pas de résidus. Il a été constaté que la gamme d’agents actuellement disponibles sur le marché a un certain potentiel, mais qu’une application correcte est importante pour obtenir une bonne protection.

Plusieurs essais ont montré que les agents biologiques n’étaient pas aussi puissants que leurs homologues chimiques. Toutefois, les chercheurs ont vu un potentiel dans les listes combinées d’agents biologiques et chimiques, ce qui permettrait de réduire la quantité d’agents chimiques utilisés, ainsi que de limiter les résidus éventuels. L’agent biologique peut aider à garder la maladie sous contrôle, tandis que les agents chimiques peuvent être utilisés pour combattre une infestation grave.

Cette recherche a montré que les lipopeptides développés dans le cadre du projet ont un grand potentiel en tant que biofongicides. Cet agent biologique a permis de réduire fortement l’infestation de la laitue par le Botrytis. Avec d’autres agents, cet effet était moins prononcé ou parfois absent.

Effet préventif et curatif des lipopeptides sur la septoriose du blé

La septoriose, causée par Zymoseptoria tritici, est l’une des maladies du blé les plus dommageables. Elle peut entraîner une réduction de 50 % des rendements, si cet agent pathogène n’est pas efficacement contrôlé. Plusieurs substances naturelles, telles que les lipopeptides, dont la mycosubtiline, produite par Bacillus subtilis, sont actuellement étudiées pour leurs activités fongicides. Des essais en serre ont été réalisés pour évaluer l’efficacité de cette molécule en traitements préventif et curatif.

Cette étude a permis de mettre en évidence que le délai entre l’application de la molécule et l’arrivée du pathogène sur les feuilles est un élément déterminant de son efficacité (réduction de la sévérité de la maladie). Pour une efficacité significative, son application doit être effectuée sur une période allant de deux jours avant à deux jours après l’arrivée du pathogène. De plus, un traitement du blé trop en amont (avant l’arrivée du pathogène) ou au contraire trop tardif (après sa colonisation) se révélera bien moins, voire inefficace. Ainsi, il est nécessaire de travailler la formulation de la mycosubtiline afin d’améliorer sa persistance au champ. Nous espérons ainsi qu’à moyen terme, ce biofongicide pourra être une alternative aux fongicides synthétiques et toxiques dans un contexte de lutte intégrée contre la septoriose du blé.

Efficaces contre les maladies du pommier

Le projet Bioprotect représente la phase appliquée au terrain de Smartbiocontrol. Il a pour objet la protection biologique dans la pratique par l’optimisation de l’efficacité de nouveaux biopesticides. Le Centre Wallon de Recherches Agronomiques et Fredon ont notamment participé à la phase appliquée en conditions contrôlées et au terrain de l’évaluation en vue de favoriser l’utilisation des produits de biocontrôle dans la région transfrontalière afin de lutter, de façon plus durable, contre la principale maladie sur pommier : la tavelure Venturia inaequalis.

Même si une stratégie globale reste à élaborer et l’évaluation à longs termes à mener, les essais réalisés avec un mélange de lipopeptides composé de Mycosubtiline et de Surfactine ont démontré une certaine efficacité selon les années et les conditions expérimentales.

Produits de biocontrôle pour les carottes

La culture de la carotte est très importante en Flandre, en Wallonie et dans le nord de la France. Comme ces carottes restent assez longtemps dans les champs, surtout en culture industrielle, il y a un risque élevé de développer des maladies. Certaines maladies courantes sont l’oïdium (« maladie blanche »), l’alternariose, la tache de carie (Pythium), la sclérotiniose… Souvent, l’application de bonnes pratiques agricoles générales et des principes de la lutte intégrée contre les parasites (IPM) est insuffisante pour éviter les maladies. Pour obtenir des carottes saines et commercialisables, les producteurs doivent donc les traiter régulièrement avec des produits phytosanitaires.

Dans le cadre de ce projet, plusieurs produits biologiques de protection des cultures, existants et nouveaux, ont été testés dans des essais. Lors du premier essai, il a été constaté que l’effet oïdium du produit Serenade ASO (Rhapsody en France) s’améliorait considérablement lorsqu’un liquide était ajouté. Un deuxième essai a confirmé ce fait et de nouveaux pesticides biologiques ont été testés, qui ont également montré un grand potentiel. Comme les agents biologiques sont plus préventifs et plus efficaces pour réduire la pression des maladies, ils sont idéaux pour être intégrés dans un système commun. Ces agents ont également l’avantage de ne pas laisser de résidus chimiques et de permettre un délai de sécurité très court (0-3 jours) pour la récolte. Dans le cas d’un agent chimique, cependant, cela peut parfois dépasser 3 semaines.

Un capteur pour détecter les ravageurs de manière précoce

Enfin, dans le cadre du portefeuille de projets Smartbiocontrol, les chercheurs du projet Biosens ont développé un nouvel outil de détection des ravageurs facile à utiliser. Il se présente sous la forme d’une valisette et sera à terme autonome et transportable sur n’importe quel site. Cette biopuce permet aux agronomes de détecter la présence d’un pathogène de manière précoce et de l’identifier précisément, avant l’apparition des signes cliniques sur la plante. Cette identification permet à l’agriculteur de choisir le traitement adapté et le moment idéal de son application, tout en limitant le recours aux traitements préventifs.

Pour arriver à ce résultat, les partenaires de ce projet transfrontalier ont mis au point un capteur qui utilise comme sonde, selon le cas, des séquences d’ADN ou des anticorps spécifiques de la cible visée. Ces sondes sont fixées sur une couche d’or pour former un capteur « plasmonique » très sensible.

Le capteur est interchangeable et peut être adapté à de nombreux champignons ou bactéries pathogènes pour les plantes. Il suffit pour cela de développer l’anticorps spécifique ou d’identifier la séquence ADN adéquate et ensuite, l’utiliser comme sonde. Actuellement, un premier prototype permet de détecter la présence, dans l’environnement, du champignon Zymoseptoria tritici, responsable de la septoriose du blé. Il permet aussi d’identifier une protéine particulière et appelée Mg3LysM qui indique le moment ou ce parasite infecte la plante.

Cet outil peut avoir d’autres vocations, telles que la vérification de la dispersion correcte au champ d’un agent de biocontrôle des maladies des plantes étudiés dans le projet tels qu’un Bacillus ou un lipopeptide ou encore dans un tout autre domaine d’application, détecter un pathogène Candida albicans, qui peut être problématique en milieu hospitalier.

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