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Tirer parti des murs de la maison, pour cueillir des fruits de meilleure qualité

Une paroi murale bien orientée assure moins de vent, moins de pluie, moins de maladies et davantage de chaleur. De quoi atteindre une maturité plus précoce et, in fine, récolter des fruits de meilleure qualité. Alors, pourquoi ne pas tirer parti des murs de la maison ? De nombreux fruitiers s’y plairont !

Temps de lecture : 12 min

La grande majorité des arbres et des arbustes fruitiers se rencontrent dans des vergers, ce qui est normal puisqu’un verger est défini comme étant un terrain planté d’arbres fruitiers… Ils sont présents aussi dans les jardins, en groupes ou en bordure d’un potager. S’ils sont frileux, on les cultivera aussi dans une serre ; nous en parlerons dans un prochain article.

Nous allons envisager ici une quatrième possibilité d’implanter des fruitiers, à savoir aux abords immédiats d’une habitation ou adossés à toutes autres constructions présentes. Au 20ème  siècle, cette habitude a eu tendance à régresser, mais on constate qu’elle est en légère augmentation, si on se base sur les ventes en pépinières et les demandes de conférences par les cercles horticoles.

Les avantages offerts par des plants fruitiers installés à proximité de constructions sont multiples : ils permettent de masquer certaines parois disgracieuses comme des maçonneries hétérogènes ou des grands murs aveugles. Ils permettent aussi une intégration progressive des constructions dans l’espace vert qui les entoure. Leur cycle végétatif annuel assure un effet décoratif qui varie tout au long de la saison : la coloration du feuillage qui se modifie du printemps à l’automne, les floraisons au printemps, puis les fructifications en été ou en automne. La grande diversité des formes possibles permet de s’adapter aux particularités de toutes les parties construites.

Il reste toutefois un frein majeur pour ce genre de plantations. Comme elles doivent être d’un aspect parfait, il existe parfois chez les jardiniers une crainte de ne pas avoir une compétence suffisante pour les réussir. Cependant, celle-ci peut être acquise par diverses lectures ou conseils, et par l’expérience que l’on se forge jour après jour, pas à pas.

Le mur : un partenaire essentiel

Les deux fonctions que l’on demande aux murailles sont, d’une part, d’assurer le soutien des plants, et, d’autre part, la création d’un microclimat plus favorable à leur croissance et à leur fructification. Le soutien d’arbres (fruits à pépins ou à noyau) demandera moins de points d’attache que celui de plantes sarmenteuses (vigne, kiwis, ronces…) dont les branches charpentières sont moins rigides.

On installera en premier lieu, à 5 cm de la paroi, une série de fils (plastifiés plutôt que galvanisés) horizontaux espacés de 50 cm, avec un tendeur à une extrémité et des supports intermédiaires tous les 4 m. Pour des arbres déjà formés, il n’est pas nécessaire de placer un lattis. Par contre pour des arbres à former sur place, un lattis dessinant la forme voulue permettra de fixer la charpente à l’endroit exact. Les rameaux sont fixés soit avec des attaches en plastique, soit avec du fil électrique, ou encore « à l’ancienne » avec de l’osier. Ces ligatures sont à surveiller régulièrement pour éviter des étranglements, qui seront par la suite des points faibles.

La paroi modifie plusieurs paramètres du climat, à des degrés divers selon son exposition et la nature du matériau. Elle joue en premier lieu un rôle de coupe-vent en limitant les effets mécaniques du vent sur la ramure. Son rôle principal est d’améliorer la température, en absorbant pendant la journée de la chaleur qui sera réémise pendant la nuit. L’effet obtenu dépend fortement du matériau utilisé : des briques en argile cuite et des pierres ont une capacité d’accumulation de chaleur plus grande que des blocs creux en béton, du béton cellulaire ou ces plaques de béton qui furent en vogue dans le passé.

L’exposition Sud-Est assure un bon ensoleillement dès le matin, ce qui permet un séchage rapide de la rosée et atténue les attaques de maladies cryptogamiques : par exemple la tavelure ou la pourriture grise (Botrytis). L’exposition Sud est celle qui procure le plus de chaleur : elle est à rechercher pour les espèces et variétés les plus exigeantes à cet égard, tandis que l’exposition Sud-Ouest donnera davantage de chaleur en fin de journée. L’exposition Nord est moins favorable à la croissance et à fructification. Dans notre pays, l’exposition à l’Ouest, au Nord-Ouest ou au Sud-Ouest exposent davantage à la pluie. Parfois il est possible de placer un petit auvent au-dessus de la ramure ; dans le passé, il servait aussi à soutenir un rideau en jute qui était tendu la nuit pour protéger la floraison des gelées tardives printanières.

En résumé, une paroi bien orientée assure moins de vent, moins de pluie, moins de maladies, plus de chaleur, une maturité plus précoce et des fruits de meilleure qualité.

Les fruits à pépins…

Les poiriers se prêtent le mieux à la conduite en formes régulières palissées ; pour les pommiers il conviendra d’éviter les variétés très vigoureuses et qui se ramifient moins. De nombreux livres présentent une très grande diversité de formes géométriques que l’on peut classer en cinq groupes :

– formes à un ou plusieurs axes verticaux : cordon vertical, U, U double, palmette Verrier à 4, 6 (ou +) branches, candélabre à 3, 4, 5 (ou +) branches… Elles sont les plus faciles à former, à équilibrer et à conduire parce qu’elles sont assez proches du mode naturel de croissance ;

– formes à un ou plusieurs axes obliques : cordon oblique, V en croisillon, palmette oblique à plusieurs étages, drapeau Marchand… Leur culture est aussi facile que celle des formes à axes verticaux ;

– formes à axes horizontaux : cordon horizontal simple ou double, palmette horizontale… Ces formes s’éloignent beaucoup du mode naturel de croissance des arbres ;

– formes mixtes associant plusieurs autres formes : le système Cossonnet où des palmettes obliques alternent avec des palmettes horizontales ;

– formes fantaisistes ou originales qui démontrent le savoir-faire de l’arboriculteur : médaillon encadrant une ou plusieurs lettres (vos initiales par exemple !), médaillon encadrant une fenêtre… En cette matière, l’inventivité des jardiniers n’a, semble-t-il pas de limites !

Les poiriers peuvent être conduits en palmette Verrier  (ici : U central = ‘Bon Chrétien’; U latéral = ‘Beurré Hardy’).
Les poiriers peuvent être conduits en palmette Verrier (ici : U central = ‘Bon Chrétien’; U latéral = ‘Beurré Hardy’).

Pour quelques formes les plus courantes, des arbres presque complètement formés peuvent être achetés en pépinière, à un prix élevé qui est justifié par le nombre d’années de formation et les nombreuses interventions manuelles qui ont été nécessaires.

Pour faciliter la conduite des arbres, dans toutes les formes, des branches parallèles devront être espacées d’environ 40 cm, plutôt que de 30 cm. Le nombre de branches verticales ou obliques dépendra de l’espace disponible en hauteur : la plus grande hauteur = le moins de branches.

La distance de plantation dans le rang dépend de la forme générale ; la plantation doit se faire à environ 25 cm de la paroi à garnir.

Le système de taille fruitière à appliquer sera soit une taille hivernale « trigemme » complétée par des pincements d’été, soit la taille « Lorette » effectuée quatre fois sur la saison : mi-juin, mi-juillet, mi-août et mi-septembre, et complétée par une taille d’hiver.

… et à noyau

De par leur mode naturel de végétation, ils se prêtent plus difficilement à la culture en formes régulières. Cette difficulté a été contournée en adoptant des formes en éventail ou des formes moins strictes qualifiées de « Palmettes à la diable ». Ces formes peuvent être adoptées pour les pêchers et les griottiers. Pour les cerisiers à fruits doux ou les pruniers, il est plus raisonnable d’y renoncer, sauf peut-être avec de nouvelles variétés à croissance colonnaire.

Souvent, on conseille de pratiquer une taille fruitière « en crochet ». Nous lui préférons une « taille longue », qui occasionne moins de plaies dont la cicatrisation est souvent problématique.

Les vignes

La conduite en formes palissées convient parfaitement à ces plantes sarmenteuses très vigoureuses. Comme la Belgique se situe approximativement à la limite Nord de culture, elles tireront un grand bénéfice d’être adossées à une paroi « réchauffante ». En fonction de la hauteur disponible et de la vigueur des plants, on peut les conduire soit en cordons verticaux espacés de 1 à 1,25 m, soit en U ou en trident dont les axes sont espacés de 1 à 1,25 m.

Sur ces axes, les sarments seront disposés en arêtes de poisson étagées de 30 (à 40) cm. En hiver, on effectuera une taille des sarments sur 2 yeux. En été, on les taillera à 4-6 feuilles au-dessus de la seconde grappe ; cette taille sera complétée par plusieurs tailles « en vert » des ailerons au fur et à mesure de leur apparition et par l’élimination des sarments stériles.

Des vignes peuvent aussi s’adapter aux particularités du bâtiment : par exemple en suivant une arcade ou en garnissant une pergola qui ombrage une terrasse.

Parmi le grand nombre de variétés de table principalement blanches, mais aussi rouges ou noires existantes, il est préférable d’opter pour une variété hybride interspécifique qui ne demandera pas de traitements fongicides contre le mildiou.

Les actinidias : kiwis et kiwaïs

Sous notre climat, les kiwis ne trouveront chaque année en plein air la chaleur qui leur est nécessaire que s’ils sont adossés à une paroi réfractaire bien exposée. Vu la très forte vigueur de ces plantes, il faut leur réserver un espace suffisant : au moins 2,5-3 m de hauteur et 5 à 6 m de largeur pour installer un couple (s’il s’agit de variétés dioïques) ou un plant (s’il s’agit d’une variété hermaphrodite). Sur un mur de 8 à 12 m de largeur, il est possible d’installer deux plantes femelles surmontées d’un seul plant mâle.

Sous notre climat, les kiwis ne trouveront la chaleur qui leur est nécessaire  que s’ils sont adossés à une paroi réfractaire bien exposée.
Sous notre climat, les kiwis ne trouveront la chaleur qui leur est nécessaire que s’ils sont adossés à une paroi réfractaire bien exposée.

Les kiwaïs ont une vigueur moindre et ils sont moins exigeants en chaleur : la distance de plantation sera de 3 à 4 m.

Les ronces fruitières et les muroises

Ces plantes sarmenteuses produisent de très longs rameaux à cycle bisannuel : ils croissent la première année et fructifient l’année suivante, puis ils dépérissent et doivent être enlevés. Le système de palissage le plus simple peut être soit un éventail, soit de préférence une palmette horizontale à trois étages palissée sur des fils placés à 0,80 – 1,40 – 2 m de haut ; les rameaux en croissance sont palissés au fil inférieur, et les rameaux fructifères au fil médian et au fil supérieur. Après la récolte, les rameaux qui ont produit sont éliminés et les nouveaux rameaux sont amenés à leur place.

Les figuiers

Cet arbre fruitier répandu dans tout le Bassin méditerranéen peut aisément se cultiver adossé à une paroi bien exposée. Il y retrouvera (presque) le climat qui lui convient. On conduira les figuiers en éventail, plantés à 3 – 4 m de distance. La taille se résume à conserver un nombre de branches permettant de garnir toute la paroi, à éliminer les branches en surnombre et quelques branches trop âgées.

Une particularité de certains figuiers est qu’ils fleurissent deux fois par an : la floraison printanière sur les pousses de l’année donne des fruits en fin d’été (les figues d’automne). On observe en été une seconde floraison ; lors de la chute des feuilles en automne, ces fleurs ont formé des petits fruits de la grosseur d’une noisette qui, s’ils ne sont pas détruits par le gel hivernal, se développeront et mûriront en début d’été (les figues-fleurs).

Sous notre climat, la production de figues-fleurs impose de protéger les branches contre le gel. Après un effeuillage ou la chute naturelle des feuilles, on place devant la plante, à 50 cm de la paroi, un treillis métallique vertical garni d’un voile de protection, puis on remplit l’espace de paille ou de feuilles mortes bien sèches. Le dessus est couvert d’une tôle qui protégera de la pluie. Autour de la souche, le sol devra être protégé du froid sur 1 à 2 m² par du compost ou du fumier pailleux. La protection est enlevée en fin d’hiver.

Rappelons que comme l’insecte pollinisateur des fleurs de figuier (Blastophaga psenes) n’existe pas sous notre climat, il est conseillé de choisir des variétés parthénocarpiques si on veut obtenir une fructification abondante.

Des plantes sarmenteuses plus rares

Plusieurs plantes sarmenteuses qui sont moins communes chez nous peuvent aussi être intégrées à un projet d’habillage végétal d’une construction. En voici quatre dont les fruits sont comestibles.

  Akebia quinata : plante vigoureuse à rameaux rougeâtres semi-volubiles ; feuilles semi-persistantes à 5 folioles ; en avril, floraison protandre ( = les fleurs mâles en premier lieu), fleurs monoïques blanches ou roses, odorantes, en petites grappes ; en septembre, fruits allongés de 5 à 10 cm ressemblant à des cornichons, blancs ou rouge-pourpre, acidulés. Planter au moins deux variétés différentes à fécondation croisée afin d’assurer la fructification.

Parmi les espèces moins connues chez nous pouvant habiller un bâtiment figure l’akebia.
Parmi les espèces moins connues chez nous pouvant habiller un bâtiment figure l’akebia.

  Gynostemma pentaphylla (le Giaogulan) : plante médicinale de Chine. Rameaux de 3 m de long se développant en été, gélifs, mais souche vivace à protéger du gel.

  Schisandra chinensis (le faux-poivre) : plante de vigueur moyenne à feuilles ovales dentées, luisantes ; en avril-mai, fleurs blanches ou roses en épis, auto-fertiles ; baies rouges ou rouge-orangé utilisées comme ersatz de poivre ou en médecine.

  Stauntonia hexaphylla : plante rustique à feuilles composées (5 à 7 folioles) persistantes ; floraison très abondante, fleurs auto-fertiles ; gros fruits rouges en novembre.

Des plantes non rustiques hors-sol

Nous n’avons envisagé jusqu’ici que des arbres et arbustes plantés en plein sol, qui doivent nécessairement supporter le froid hivernal, parfois moyennant une légère protection. Si l’on souhaite apporter à son habitation une touche d’exotisme, ou si le sol est recouvert d’une dalle qui empêche d’y planter des végétaux, il est possible de recourir à des plantes fruitières que l’on cultivera en conteneur. Les plantes non rustiques seront hivernées dans un local non gélif et suffisamment éclairé de novembre à avril, et elles passeront la belle saison en plein air, à bonne exposition.

Habituellement, on utilise pour cet usage des oliviers ou les divers agrumes de vigueur moyenne : kumquats (= Fortunella), orangers doux ou amers, mandariniers, limes, citronniers ou d’autres espèces moins connues comme la tomate en arbre (= Cyphomandra).

Nous avons consacré plusieurs articles à la culture de ces espèces dans Le Sillon Belge en mai, juin et juillet 2016.

Des arbres colonnaires

Il y a une trentaine d’années sont apparus dans les pépinières des arbres fruitiers à port colonnaire. Ils forment un axe unique porteur de très courtes ramifications fruitières. Sans qu’il faille tailler, ou à peine, la ramure a une forme cylindrique. Initialement ce furent des pommiers ‘Wijcik’, une mutation spontanée de la variété américaine ‘Mac Intosh’, puis par hybridation sont nées plusieurs autres variétés de pommes : par exemple, la série anglaise ‘Ballerina’, une série française créée par les pépinières Delbard ou la série ‘Patio Fruit’ et d’autres encore.

Actuellement, on peut aussi trouver quelques poiriers et des cerisiers « presque » colonnaires. Des variétés classiques de groseilliers à grappes peuvent aussi être conduites sur une seule tige moyennant un peu de taille des ramifications. Ces petits arbres ou arbustes peuvent certes être plantés en plein sol, adossés à un mur, mais aussi en pots à installer sur un balcon ou une terrasse.

André Sansdrap

Wépion

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