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Bail à ferme et congé donné par un nouveau propriétaire: un préavis de seulement 6 mois?

Je suis preneur de 4 ha de terres agricoles par un bail verbal. J’ai récemment reçu un congé pour exploitation personnelle d’une personne qui m’est inconnue et qui prétend être le nouveau propriétaire. Il me donne congé avec un préavis de 6 mois. Est-ce correct ? Que faire ?

Temps de lecture : 4 min

L e congé que vous avez reçu est donné base de l’article 55 de la loi sur le bail à ferme. Cet article a été récemment modifié par le décret du 2 mai 2019 changeant diverses législations en matière de bail à ferme.

Sous le régime antérieur, l’article 55 de la loi sur le bail à ferme, pourtant rédigé en des termes très brefs, recevait de multiples applications lors des mutations immobilières. Cet article prévoyait qu’en cas d’aliénation du bien loué, l’acquéreur est subrogé aux droits et obligations du bailleur.

Après modification, l’article 55 précise désormais « Si le bail a une date certaine antérieure à l’aliénation du bien loué, l’acquéreur à titre gratuit ou à titre onéreux est subrogé dans les droits et obligations du bailleur à la date de la passation de l’acte authentique, même si le bail prévoit la faculté d’expulsion en cas d’aliénation. Il en va de même lorsque le bail n’a pas date certaine antérieure à l’aliénation, si le preneur occupe le bien loué depuis un an au moins. Dans ce cas, l’acquéreur peut mettre fin au bail, à tout moment, pour les motifs et dans les conditions visées à l’article 7, moyennant un congé de six mois notifié au preneur, à peine de déchéance, dans les trois mois qui suivent la date de la passation de l’acte authentique constatant la mutation de la propriété. Ce délai est prolongé pour permettre au preneur d’enlever la récolte croissante. ».

Les conditions

I l y a plusieurs conditions pour qu’un bailleur puisse donner congé sur base du nouvel article 55 de la loi sur le bail à ferme.

– Il faut tout d’abord un nouveau propriétaire, devenant donc bailleur, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux.

– L’acquéreur ne peut notifier un congé que dans les trois mois qui suivent la date de la passation de l’acte authentique constatant la mutation de la propriété.

– Le congé ne peut toutefois être notifié que pour les motifs et dans les conditions visées à l’article 7, soit essentiellement pour le motif d’exploitation personnelle. Il n’empêche que le locataire se trouve malgré lui confronté à un nouveau type de congé en cas d’aliénation du bien loué alors qu’il était auparavant relativement préservé en cas d’aliénation. (A. GREGOIRE, « La réforme de la loi sur le bail à ferme », Le Pli juridique – nº 49 – Octobre 2019, 21)

– Enfin, un délai de préavis de six mois doit être respecté.

Contestations ?

Lorsque vous recevez ce type de congé, il est conseillé de vérifier si les conditions précitées sont remplies. Vous pouvez, entre autres, demander la preuve de propriété dans les trois mois qui précèdent la notification du congé au nouveau bailleur.

De plus, il est essentiel de vérifier si les conditions pour le motif du congé sont remplies. En cas de congé pour exploitation personnelle, le futur exploitant doit, entre autres, être capable de gérer une exploitation agricole. Le futur exploitant ne peut être âgé de 65 ans au moment de l’expiration du préavis (ou 60 ans lorsqu’il s’agit d’une personne n’ayant jamais été exploitant agricole pendant au moins trois ans).

Que faire ?

Les conséquences procédurales d’un congé ont également été modifiées par le décret du 2 mai 2019. Dans le passé, le preneur qui n’acceptait pas le congé ne devait rien faire. Le bailleur était obligé de suivre une procédure en validation du congé.

Le nouvel article 12,4 de la loi sur le bail à ferme précise que le congé donné par le bailleur dans les formes et délais prévus à la présente section et qui n’a pas été contesté par le preneur est valable. Lorsque vous recevez un congé et n’êtes pas d’accord avec celui-ci, il vous faut donc prendre l’initiative de le contester. Dans le second alinéa de ce nouvel article 12,4, il est prévu que le preneur puisse contester le congé, en ce compris les motifs invoqués, en saisissant le juge de paix dans les trois mois de la notification du congé. Vous devez donc demander votre bailleur en conciliation devant le Juge de Paix. Rappelons que l’introduction de la demande en conciliation, produit, quant aux délais impartis par la loi, les effets de la citation en justice, à la condition que celle-ci soit donnée dans le mois de la date du procès-verbal constatant la non-conciliation des parties. Il suffit donc de demander votre bailleur en conciliation devant le Juge de Paix dans les trois mois de la notification du congé et de vous laisser notifier la citation dans le mois après l’audience ou la non-conciliation a été constatée.

Droit de préemption

Notons que le preneur jouit, en principe, d’un droit de préemption. Si vous recevez un congé d’un nouveau propriétaire, il faut donc aussi examiner si votre droit de préemption n’a pas été violé. Dans ce cas, vous pouvez demander soit d’être subrogé à l’acquéreur, soit de recevoir du vendeur versement d’une indemnité correspondant à 20 p.c. du prix de vente.

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