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Accords de libre-échange: bon pour l’agriculture de l’UE, dit la Commission… des eurodéputés en doutent!

Le commissaire européen dit se réjouir « des opportunités créées pour les agriculteurs de l’UE via les accords de libre-échange avec divers partenaires ». Un avis que ne partagent pas certains députés européens.

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Très attendue, l’actualisation de l’étude de 2016 sur l'« Impact économique cumulé des accords commerciaux sur l’agriculture de l’UE » menée par le Centre commun de recherche (CCR) et publiée le 26 janvier, confirme l’apport globalement positif des douze accords de libre-échange (ALE) (cinq conclus: Canada, Japon, Vietnam, Mexique, Mercosur et sept en négociations: Australie, Nouvelle-Zélande, Chili, Thaïlande, Philippines, Indonésie, Malaisie), d’ici 2030.

« Les accords commerciaux ont un impact cumulé positif sur la balance commerciale agroalimentaire de l’Union européenne, grâce à sa capacité à augmenter fortement ses exportations », souligne ce travail.

Pour le commissaire européen à l’Agriculture ces résultats sont « encore plus positifs qu’en 2016 », confirmant que « notre ambitieux programme commercial aide les agriculteurs à tirer pleinement parti des possibilités offertes à l’étranger tout en veillant à ce que nous disposions de garanties suffisantes pour les secteurs les plus sensibles ».

Son collègue au Commerce, Valdis Dombrovskis s’est lui aussi félicité que l’UE parvienne « à trouver un juste équilibre entre la hausse des opportunités d’exportation offertes aux agriculteurs et la protection de ces derniers contre les effets néfastes potentiels d’une augmentation des importations ».

La mise en œuvre des douze accords commerciaux augmenterait ainsi les exportations agroalimentaires globales de l’UE de 2,8 % à 3,3% respectivement selon un scénario conservateur ou ambitieux. En termes absolus, cela représenterait une augmentation de 4,7 à 5,5 Mrds €. Et vers les douze partenaires commerciaux concernés, cela représenterait une augmentation des exportations de l’ordre de 25 à 29%.

L’étude montre également que les importations mondiales de produits agroalimentaires de l’UE augmenteraient de 3,3% ou de 4,2% selon le scénario considéré (entre 3,7 à 4,7 Mrds €) et de 12 à 15 % en provenance des douze partenaires. En conséquence, d’ici 2030, la balance commerciale agroalimentaire de l’UE augmenterait dans les deux scénarios, de 800 Mio à 1 Mrd €.

Des opportunités pour les produits laitiers et la viande porcine

Les résultats montrent également des opportunités commerciales importantes pour certains secteurs agricoles (produits laitiers et la viande porcine). Pour le fromage, l’un des produits agroalimentaires phares de l’UE, les exportations totales de l’UE pourraient augmenter de 10%, ce qui aurait un effet positif sur les prix. Ainsi, l’étude explique que l’effet combiné de ces changements pourrait ajouter 900 Mio € supplémentaires aux recettes du marché des producteurs de lait en 2030.

Quant aux exportations de viande porcine, elles affichent une augmentation allant jusqu’à 9 % dans le scénario ambitieux, ce qui correspond à des exportations supplémentaires de 400.000 t en équivalent poids carcasse. Combinée à une hausse des prix de 5 %, la valeur de la production de viande porcine de l’UE prévue en 2030 pourrait augmenter de deux Mrds €.

Dans le cadre du scénario ambitieux, les exportations de produits agricoles transformés augmentent de 3 %, ce qui correspond à des exportations supplémentaires de 1,7 Mrd €, tandis que les exportations de vin et de boissons (et de tabac) pourraient augmenter de 2% dans le cadre du même scénario, ce qui représente une hausse de près de 900 Mio € des exportations.

Protection des produits agricoles sensibles

Concernant les importations, la Commission explique que « l’approche choisie par l’UE de maintenir une ligne ferme sur l’accès limité au marché européen via la mise en place de contingents tarifaires pour les produits sensibles, tels que le bœuf et le riz, est appropriée ».

Ainsi, les importations de viande bovine de l’UE, par exemple, devraient augmenter au total de 85.000 à 100.000 t d’ici 2030 du fait principalement des contingents tarifaires qui seront accordés au Mercosur. Les importations de volaille pourraient également connaître une augmentation significative, allant jusqu’à 300.000 t dans le cadre du scénario ambitieux.

Et l’impact de l’accord de libre-échange avec la Thaïlande – dans lequel une réduction tarifaire de 25 à 50% a été appliquée au riz, sans limite de volume – pourrait être négatif pour le riz. Selon l’étude, les importations de riz pourraient ainsi augmenter jusqu’à 3,2%.

Mais, au global, la Commission estime que ces résultats la confortent dans sa stratégie actuelle.

« En 2021, les négociations avec le Chili, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Indonésie se poursuivront. L’état actuel de ces négociations est très variable, mais nous nous attendons à ce qu’elles progressent toutes de manière satisfaisante au cours de cette année », a indiqué Janusz Wojciechowski le 25 janvier aux ministres de l’Agriculture des Vingt-sept réunis en visioconférence.

Le Portugal, qui vient de prendre la présidence du Conseil, a fait de ces accords commerciaux l’une des priorités de son mandat.

Des eurodéputés sceptiques

Lors d’un échange de vues avec le commissaire européen de l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, le 26 janvier sur l’étude de l’impact cumulé des accords de libre-échange signés par l’UE un certain nombre d’eurodéputés de la commission de l’Agriculture ont exprimé des réserves concernant l’efficacité d’un tel exercice.

« Il ne s’agit pas simplement d’additionner des chiffres, mais vraiment de montrer la réalité du terrain. Mais pour cela, il est crucial de mener une analyse plus approfondie qui viendrait examiner à la fois l’impact social, économique et environnemental des accords commerciaux, en lien avec la stratégie «de la ferme à la table» et plus globalement du Pacte vert européen », a regretté Martin Häusling (Verts).

Des propos qui ont fait écho à ceux de Luke Flanagan (Gauche) critiquant la politique de l’autruche menée par la Commission qui refuse de voir les véritables conséquences négatives des accords commerciaux sur les producteurs notamment bovins et laitiers. Pour l’eurodéputé, « cette envie de signer des accords à tout-va ne répond pas aux intérêts des agriculteurs qui finalement, se retrouvent avec toujours moins ».

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