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Établir un niveau de fertilisation adapté aux cultures sur base d’analyse de sols

Quatre années se sont succédées avec une sécheresse marquée en été. Ces conditions météorologiques ont des effets marqués sur la minéralisation des matières organiques du sol, sur la consommation de minéraux par les cultures maraîchères et sur la sensibilité à la lixiviation en automne-hiver.

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Il est particulièrement important de faire analyser les sols avant la prochaine saison de culture. Ne traînons pas pour demander le passage d’un préleveur ou pour échantillonner nos parcelles en vue de l’envoi d’échantillons au laboratoire d’analyse de sol.

L’analyse de sol classique permet de déterminer les éléments minéraux autres que l’azote, le pH et d’évaluer les éventuels apports d’amendements calcaire ou calcaro-magnésiens ou sulfo-calcaro-magnésiens. L’analyse de la teneur en azote du profil permet la détermination des teneurs en azote des 60 ou des 90 cm supérieurs de sol (selon la profondeur d’enracinement de la prochaine culture).

Les interventions préalables

Fertiliser le sol inclut les améliorations foncières de base : le drainage, l’ameublissement de la couche arable (25 cm), l’éventuelle constitution d’ados permanents. L’objectif est de favoriser le développement des racines des cultures à développement rapide.

La correction du pH pour revenir à la zone de neutralité (entre un peu plus de 6,0 à un peu plus de 6,5 de pH KCl). Le but est d’obtenir un niveau d’acidité permettant une bonne mise à disponibilité des éléments minéraux y compris les oligo-éléments.

Les mottes accompagnant les plants apportent des éléments nutritifs proportionnellement au poids par unité de surface. Tenons en compte dans le calcul des apports.
Les mottes accompagnant les plants apportent des éléments nutritifs proportionnellement au poids par unité de surface. Tenons en compte dans le calcul des apports.

Les parcelles bien identifiables individuellement

Pour les parcelles dont l’historique récent est bien connu et uniforme sur toute la surface, nous sommes dans un cas de figure comparable à celui des grandes cultures. Une analyse de sol tous les 3 ou 4 années permet de suivre les teneurs en éléments de fond et d’envisager des corrections au fil de la rotation. L’interprétation par les agronomes du labo peut être précise si les renseignements indiqués sur la fiche qui accompagne l’échantillon sont précis. Ils peuvent donner des avis pour les cultures prévues les 2 ou 3 années suivantes.

La fertilisation apporte au sol ce qui est nécessaire pour maintenir ou améliorer sa fertilité.

Les parcelles regroupées

Dans les petites fermes maraîchères, il est très difficile d’envisager une analyse particulière de chaque micro-parcelle sur base de son historique récent tant elles sont nombreuses. Nous les groupons alors par zones et pouvons faire analyser des échantillons prélevés en un grand nombre de points (un strict minimum de 50 prélèvements par échantillon). Les enseignements seront interprétés sur base de cette situation et resteront forcément plus généraux que dans le cas précédent. Le pH, les teneurs en matières organiques et en éléments minéraux n’en demeurent pas moins précieux.

L’interprétation de l’analyse se base sur la fiche de renseignement liée à l’échantillon. Forcément, les cultures précédentes et donc leurs résidus et leurs exportations ne sont pas déterminées avec précision puisqu'’est concerné un regroupement de micro-parcelles. De même, les conseils pour les années suivantes resteront généraux puisqu’il est pratiquement impossible de les préciser toutes.

SB 3852 paillage

Comme la fumure sera le plus souvent apportée également sur cet ensemble de parcelles, elle sera calculée sur base de ces résultats généraux.

En pratique, nous avons tout intérêt à apporter moins que ce que les conseils généraux prescrivent. Il nous est toujours possible de compléter quelque peu en cours de culture. Les éléments de fond (P2O5, K2O, CaO…) peuvent s’apporter pour une rotation, pour plusieurs années. Les éléments plus mobiles (N, MgO, SO3…) seront apportés pour chaque culture séparément, en cours d’implantation ou au début de la saison pour une base et complétés en cours de saison. Les apports de soufre sont aussi importants agronomiquement que les autres éléments. Les cultures de choux, d’Alliacées en sont plus dépendantes encore que d’autres.

Pour les apports de fond, le fumier mixte de ferme ou le compost ont bien leur place. Cependant, nous avons tout intérêt à homogénéiser leur composition avant l’épandage. Dans le cas contraire, nous risquerions d’apporter un amendement et une fumure hétérogène sur une parcelle elle-même marquée d’hétérogénéité.

Apports d’amendements

Comme pour les grandes cultures, une analyse chimique de sol nous renseigne sur quelques paramètres indicateurs de l’état du sol. En fonction de deux indicateurs de base que sont le pH et la teneur en carbone (C) du sol, nous pouvons orienter et prioriser les apports d’amendements. Les laboratoires du réseau Requasud (http://www.requasud.be/) indiquent les reliquats d’azote et le conseil de correction du pH et du type d’amendement calcaire, calcaro-magnésien ou sulfo-calcaro-magnésien requis. Pour la teneur en carbone, ce seront les apports de composts, de fumier, l’incorporation d’engrais verts et les techniques de travail du sol qui permettront des améliorations sur le long terme.

N’oublions pas les recommandations et obligations légales quant aux quantités d’apports organiques par ha et par an, ainsi que les périodes d’épandage autorisées : ces renseignements sont bien connus des agriculteurs, pas toujours des maraîchers. Le site de Protect’eau (https ://protecteau.be/fr) reprend ces indications.

Les carottes de type nantais n'ont pas besoin de fortes fumures azotées. Des excès en cet élément déséquilibrent le rapport feuille/racine, au détriment de celles-ci.
Les carottes de type nantais n'ont pas besoin de fortes fumures azotées. Des excès en cet élément déséquilibrent le rapport feuille/racine, au détriment de celles-ci.

Les fumiers sont apportés à raison de 30 à 50 tonnes par ha, soit l’équivalent à de forts apports en grandes cultures.

Les composts urbains sont apportés en fonction de leurs teneurs analysées. Les doses recommandées tiennent compte de la réglementation wallonne.

Notons qu’il est interdit par la réglementation azote d’implanter des légumes dans les deux années qui suivent le retournement d’une prairie permanente.

Reliquats d’azote : très grande variabilité

Les teneurs en azote dans les profils sont extrêmement variables cet hiver. Durant la période de sécheresse estivale, la minéralisation des matières organiques du sol a fortement ralenti pour reprendre tard en été et en automne après l’arrivée des pluies. Cette minéralisation a libéré de l’azote que certaines cultures maraîchères n’ont pas absorbé. Ces quantités d’azote peuvent avoir percolé avec les pluies des dernières semaines, mais ont pu être retenues par les cultures d’engrais vert orienté vers la capture d’azote (situation idéale). Nous devrons en tenir compte lors des fertilisations de la prochaine année culturale.

Les choux chinois poussent très vite et sont capable d'absorber rapidement l'azote présent dans le profil du sol jusqu'a 60 cm de profondeur.
Les choux chinois poussent très vite et sont capable d'absorber rapidement l'azote présent dans le profil du sol jusqu'a 60 cm de profondeur.

Dans d’autres cas, la culture maraîchère présente a pu profiter de l’azote disponible à la faveur de l’automne doux et les reliquats dans le sol sont très faibles.

La prise d’échantillons de sol représentatifs de la parcelle a du sens. Les résultats servent d’indicateurs précis pour piloter la fertilisation de fond et les ajustements en cours de culture. Prévenons déjà les services des laboratoires pour obtenir les résultats avant le choix des emplacements des cultures au printemps. Dans certaines parcelles, nous pourrions en effet avoir des reliquats importants qui pourraient perturber le bon développement des cultures peu exigeantes en azote.

Un double objectif

Les analyses de profil auront cette année un double objectif : établir un niveau de fertilisation selon les conseils et surtout écarter les parcelles trop riches pour certaines cultures sensibles comme les racines de chicon.

F.

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