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Sucrerie de Seneffe: encore un épilogue après sa mise en terre!

La CBB (Confédération des Betteraviers Belges) s’émeut de l’abandon du projet de construction d’une sucrerie à Seneffe porté par la CoBT (Coopérative des Betteraviers Transformateurs). Elle dit réfléchir pour ensuite agir ? Cette réflexion aurait-elle été initiée par d’autres réflexions ?

Temps de lecture : 4 min

Surprenant que la CBB soit troublée par ce défunt projet de la CoBT, et qu’elle s’interroge maintenant, après ses longs silences radio. L’Édito du journal Le Betteravier de février 2021 a certes le mérite et la franchise de relever que le projet de la CoBT ne faisait pas l’unanimité au sein des structures betteravières alimentant de vifs débats.

Que certains betteraviers aient eu des craintes sur la réalisation de la sucrerie de Seneffe, c’est tout à fait légitime et respectable. Par contre que d’autres betteraviers se soient alliés à l’industrie sucrière pour combattre et démolir, par tous les moyens, cet ambitieux projet est incompréhensible et inacceptable.

Le projet n’a vu le jour que pour démontrer, depuis la libération des quotas au 1er octobre 2017, que la prise en main par les betteraviers de la commercialisation du sucre de leurs propres betteraves rendait de la rentabilité à la culture betteravière, même en utilisant des hypothèses de valorisation faible du sucre, non rencontrées à ce jour.

De l’ambition de la réalisation de la sucrerie de Seneffe, les retombées n’étaient pas seulement réservées à ses seuls coopérateurs mais allaient inévitablement influencer à la hausse le prix d’achat des betteraves pour tous les betteraviers livrant ailleurs dans notre petit pays.

Depuis cette suppression de quotas, les sucriers en place, osent tout et se croient incontournables grâce à leur « monopole géographique d’approvisionnement » de la matière première qu’est notre betterave. Oublieraient-ils que les planteurs peuvent implanter une autre culture à la place et que l’industrie sucrière, sans betteraves, ne peut faire tourner ses usines ?

La CBB n’aurait-elle pas dû faire usage de sa position pour remettre l’église au milieu du village et revenir à sa mission première : tout faire pour améliorer la rentabilité de la culture de la betterave pour ses cotisants ?

Aurait-elle oublié de promouvoir un syndicalisme responsable, capable d’analyser, de trancher et d’assumer ses décisions. Son rôle doit être tout autre que de se comporter comme une petite administration, sans ambition, non dérangeante pour les industriels en place et qui pour la plupart des betteraviers, ne fait que du contrôle en réception durant la campagne. Ne pourrait-elle pas, mettre à profit les réserves financières accumulées au fil des années ?

Notre organisation professionnelle betteravière et toutes les organisations agricoles censées nous défendre, qu’elles soient à intérêt général ou spécifique, n’ont jamais osé exprime r ouvertement leur soutien au projet, que du contraire ! Elles ont toutes eu connaissance des deux études mensongères, orientées et réalisées à la demande des sucriers en place et n’ont pas jugé bon de réagir aux conclusions destructives pour le développement du projet ; conclusions bien sûr attendues d’avance.

La CBB se demande si «  nous n’avons pas raté l’objectif de peu et pourquoi ». Encore fallait-il s’en préoccuper avant car elle n’a jamais voulu faire partie du « nous ».

Le projet de la CoBT n’est pas encore enterré, que certains se positionnent déjà pour récupérer les acquis du projet à leur profit. Opportunisme, naïveté ou indécence ?

C’est oublier l’espoir et l’investissement des 1.400 planteurs mis dans leur projet. Tout leur appartient et ensemble, maintenant, ils ont pris conscience qu’ils constituent une force inédite, en marche bien structurée, déterminée à imposer des exigences pour atteindre des objectifs futurs légitimes.

Depuis 2017, bon nombre de betteraviers ne savent pas qu’ils perdent de l’argent à faire de la betterave dans leur exploitation par manque d’une analyse comptable. Pour les autres, face aux risques de la culture et des investissements financiers inhérents à la culture, la rentabilité laissée est pratiquement chaque fois inférieure à toutes les autres grandes cultures. Ce sera encore grandement le cas pour la récolte qui vient de se terminer.

Je commence ma 48e année de métier de fermier. Les betteraves ont bel et bien contribué au développement de mon exploitation pendant mes 44 premières années d’agriculteur. Ce n’est plus du tout le cas depuis 4 ans ; mon fils et moi avons décidé d’adopter le choix de nos quatre voisins directs (déjà en 2019 pour eux) : ne plus planter de betteraves, pourtant notre exploitation est à 16 kilomètres de l’usine !

Nos régions sont les meilleures d’Europe et répondent au mieux à tous les aléas climatiques que nous subissons régulièrement ces dernières années ; notre savoir-faire est aussi indéniable. Des collègues betteraviers hollandais s’intéressent très sérieusement à tout notre matériel betteravier car la culture de la betterave est autrement mieux rémunérée chez eux ! Ils ne veulent pas croire aux prix d’achat de nos betteraves pratiqués par la RT. ! Interpellant ?

Terrible et triste réalité qui s’oppose à moi, agriculteur-planteur, qui étais un amoureux fou de la culture de betterave !

J-J Rigo

, Agriculteur

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