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Veiller à gérer aussi l’équilibre dans et autour des parcelles maraîchères

Les abords de parcelles de plein air et sous abris, les haies ou les bandes herbées sont des aménagements indispensables pour la ferme maraîchère. Les interactions entre ces zones de vie sont nombreuses. Le savoir paysan et la vision globale de la protection des cultures en démontrent toute l’importance

Temps de lecture : 7 min

Les haies sont particulièrement importantes pour les parcelles maraîchères pour cette protection biologique et aussi pour la protection physique des cultures (économie d’eau, protection des plantes vis-à-vis des effets du vent).

L’édition du Sillon Belge du 13 février 2020 abordait la question de la durabilité en maraîchage. De manière concrète, nous devons tenir compte de l’évolution des réglementations liées à l’emploi de produits phytosanitaires et des connaissances récentes ou confirmées relative aux équilibres entre espèces dans un environnement de ferme maraîchère.

La gestion des parcelles elles-mêmes et des abords (bandes herbées, haies, etc.) forment un tout.

Gestion propre des parcelles

La fertilisation, la maîtrise de l’enherbement et la rotation influencent la vie et en particulier l’activité des insectes auxiliaires dans le sol et dans la masse végétale.

Une des difficultés en ferme maraîchère diversifiée est d’arriver à limiter l’impact des façons culturales sur les parcelles voisines. C’est essentiellement une question d’organisation de chantier.

La fertilisation

Il est difficile d’estimer les besoins en éléments fertilisants pour chacune des parcelles, comme pour toutes les cultures, mais surtout d’épandre les fertilisants avec une précision suffisante et adaptée. En effet, la diversification nous amène à gérer souvent plusieurs dizaines de parcelles, chacune étant de taille modeste. D’autre part, les récoltes échelonnées de chacun des lots font que les exportations ne sont pas les mêmes en début et fin de récolte.

En augmentant le stock de matières organiques dans le sol, nous augmentons son pouvoir tampon quant aux réserves disponibles et maîtrisons alors mieux la fertilisation en général.

La maîtrise de l’enherbement

Les actions de désherbage ont une incidence sur les parcelles voisines. À chaque intervention, la population des plantes nobles de la parcelle voisine peut souffrir. Le désherbage mécanique ou thermique peut faire disparaître ou blesser des plantes voisines. Les actions du désherbage chimique peuvent aussi se constater parfois sur les parcelles voisines. Les dimensions des parcelles, l’adaptation de celles-ci aux tailles des outils, ou plutôt l’inverse, le maintien de bandes d’accès en bon état de drainage sont autant d’actions qui auront une incidence directe sur les qualités et rendements des cultures sur chacune des parcelles.

La gestion des haies…

C’est quand elles furent enlevées, malheureusement, que nous nous en sommes rendus compte de l’importance des haies. Traditionnellement, elles avaient une fonction de clôture, c’est-à-dire qu’elle suivait la périphérie d’un terrain. Mais en pratique, cette fonction n’est plus nécessairement adaptée à nos conditions socio-économiques. Il est en effet plus aisé de profiter des avantages des haies en l’établissement de telle manière que nous soyons riverains de part et d’autre.

La diversité faunistique et floristique est largement augmentée grâce à la présence de haies. L'effet sur les cultures maraîchères est évident.
La diversité faunistique et floristique est largement augmentée grâce à la présence de haies. L'effet sur les cultures maraîchères est évident. - F.

La préférence ira vers des haies mélangées qui sont susceptibles d’abriter une importante faune d’auxiliaires. Les essences indigènes s’adaptent forcément bien à nos conditions pédoclimatiques. De plus, le prix des plants est souvent bon marché.

La densité de plantation doit être telle que le vent puisse passer entre les plantes et les branches. On ne cherche pas à obtenir un mur végétal mais un filtre qui ralentira la vitesse des vents.

et ses différents rôles positifs

Pour les maraîchers, ce rôle de la haie est au moins aussi important que pour les agriculteurs en général. Mais en outre, les particularités du maraîchage les font apprécier avec des avantages et des inconvénients supplémentaires.

La haie est un refuge pour insectes auxiliaires

Certaines espèces de carabes ont été repérées par des centres de recherches belges ou de pays voisins comme étant particulièrement importantes en nombre dans les premières dizaines de mètres au-delà de la bande herbée ou de la haie. Arvalis mentionne la présence dans Hauts-de-France de Carabus auratus, de Pterostichus melanius et Pseudophoonus rufines.

Ces espèces sont connues pour leur rôle dynamique dans la régulation des limaces, escargots, taupins et pucerons. Au départ de refuges, elles explorent les parcelles sur plusieurs dizaines de mètres. Ces refuges sont des chemins herbeux, des bandes enherbées, des haies, des bosquets. Plus une espèce de carabe est abondante, plus loin elle part en exploration dans la parcelle. Certaines espèces de carabes sont favorisées par les techniques de travail simplifié du sol, d’autres pas.

Même une souche apporte une source de biodiversité fabuleuse avec une influence visible sur plusieurs dizaines de mètres à la ronde.
Même une souche apporte une source de biodiversité fabuleuse avec une influence visible sur plusieurs dizaines de mètres à la ronde. - F.

Dans les mêmes refuges se maintiennent et développent, de nombreuses espèces de syrphes qui sont de grands régulateurs des populations de pucerons, notamment. Ce sont les larves qui sont consommatrices de pucerons. Les adultes se nourrissent de pollen et de nectar, ils sont aussi des pollinisateurs en volant de fleur en fleur.

Les coccinelles adultes hivernent au pied des haies, dans les creux de murs ou de roches. Elles se nourrissent de pollen et de nectar d’Astéracées et d’Ombellifères.

Les chrysopes et les hyménoptères parasitoïdes sont d’autres auxiliaires précieux. Ils sont favorisés par la diversité des écosystèmes du paysage.

Toutes ces espèces sont très actives au printemps et en été, elles le sont nettement moins en automne et en hiver.

Les haies accueillantes pour ces espèces sont composées d’espèces végétales indigènes et diversifiées.

La haie est un brise-vent

Ce rôle de brise-vent est des plus utiles pour les cultures maraîchères. Le brise-vent végétal efficace laisse ralentit mais n’empêche pas le passage du vent. Cela permet une bonne aération de la culture et de permettre le séchage rapide du feuillage après une rosée ou une pluie. Un léger vent sur le feuillage permet aussi de favoriser l’évapotranspiration et donc la remontée de minéraux avec le transit de sève ascendante. Cet élément est important pour éviter les carences apparentes.

En tant que brise-vent, la haie réduit les dégâts dus aux vents forts tumultueux. Cela signifie en pratique moins de dégâts mécaniques au feuillage des légumes et moins de dessèchement marginal dû aux vents secs, une meilleure reprise après plantation. Une porosité de 30 à 50 % semble idéale pour une haie brise-vent. L’efficacité est très élevée sur une largeur de 4 fois la hauteur de la haie. La haie brise-vent sera la plus efficace si elle agit sur les vents dominants. En Wallonie, les vents du Sud-sud-ouest sont les plus fréquents.

La protection montrera son efficacité sur le taux amélioré de reprise après plantation, sur la vitesse de croissance des plantes et sur l’économie en eau et donc sur l’économie d’apports par irrigation.

La haie présente aussi des inconvénients

La haie perd aussi ses feuilles à certains moments de l’année. Ces feuilles peuvent se retrouver piégées dans le feuillage de légumes d’automne dont le feuillage est destiné à la vente. Cela peut rendre les temps de parage particulièrement compliqués à gérer.

En freinant les échanges d’air lors des gelées de début et de fin d’hiver, les haies peuvent parfois aggraver certains dégâts. En s’y préparant, par exemple par l’emploi combiné d’autres moyens de protection comme les voiles, on peut prévenir ces dégâts.

L’ombrage

La haie donne de l’ombre proportionnelle à sa portée et donc à sa hauteur, l’incidence peut être négative pour les cultures voisines, surtout si la hauteur est importante. L’ombrage du matin et du soir aura une incidence alors que l’activité photosynthétique est maximale, lorsque les stomates sont béants. En pleine journée, les stomates se referment par temps sec et l’incidence peut alors être plutôt bénéfique par la modération de l’effet desséchant.

Le micro-climat des serres maraîchères est en très forte liaison directe avec leur environnement immédiat.
Le micro-climat des serres maraîchères est en très forte liaison directe avec leur environnement immédiat. - F.

La protection de l’entrée des serres maraîchères

Les cultures protégées par des serres maraîchères, souvent des serres tunnel, sont directement influencées par le climat créé par la protection. Ce climat dans la serre est directement influencé par les éléments proches du paysage environnant. Une haie placée à quelques mètres des aérations va jouer un rôle déterminant. La réduction de la vitesse du vent va protéger la structure elle-même et va aussi influencer l’efficacité de l’aération de la serre. Une forte réduction de celle-ci peut poser des problèmes.

L’ombrage influence aussi l’effet de serre et donc la température intérieure. Un ombrage aux heures chaudes de la journée peut être bénéfique, les matins et soirs ce sera le contraire. L’orientation de la serre et de la haie est à coordonner.

Des cultures de protection voisines

D’autres cultures sont aussi de bons brise-vent temporaires. Une bande de céréales protège les plantes juste au-dessus du niveau du sol sur plusieurs dizaines de mètres de largeur, au printemps et jusqu’au milieu de l’été surtout. Le maïs protège bien également, de juin à octobre. L’avantage secondaire est que ces cultures incorporées dans le plan de culture vont allonger la rotation, ce qui est très bénéfique.

F.

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