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Des arbres et des arbustes fruitiers en serre: pourquoi et comment?

Quelles espèces fruitières pouvons-nous cultiver ? Dans quels abris ? C’est à ces deux questions que nous répondront tout au long de cet article.

Temps de lecture : 11 min

L ’idée de cultiver des arbres ou des arbustes fruitiers sous un abri est très ancienne : on situe souvent la réalisation des premières serres au 17ème  siècle, mais il semble que les Romains cultivaient déjà des espèces fruitières exotiques dans des espaces fermés couverts d’un minéral translucide, le specularia. Le procédé fut ensuite oublié.

Le développement des cultures fruitières sous abris trouve son origine principalement dans la vogue des cultures d’agrumes dès la Renaissance et surtout au 17ème  siècle. Présentes initialement dans quelques domaines prestigieux comportant de grands jardins, elles se développèrent au 19ème  siècle dans des propriétés plus modestes, par exemple des maisons bourgeoises comportant un jardin d’hiver. À la même époque furent créées chez nous des serres de cultures commerciales, principalement de vignes et de pêchers.

Le 20ème  siècle fut caractérisé par la démocratisation de l’horticulture sous abris et la création de nouveaux types d’abris utilisant des matériaux de couverture issus de la chimie de synthèse.

La serre : un accumulateur de chaleur

D’un voyage en Allemagne vers 1580, Olivier de Serres (1539-1619) ramena en France l’idée d’hiverner des orangers et des citronniers cultivés en caisses dans une serre bien éclairée et chauffée, un procédé qu’il avait vu dans le jardin de l’Électeur palatin à Heidelberg.

Le 17ème  siècle fut marqué par la création, partout en Europe, de nombreux domaines de plaisance comprenant un château et un grand jardin régulier. Les plantes frileuses comme les bananiers, les ananas, les agrumes, les oliviers, les grenadiers, les pêchers, les pruniers sino-japonais et divers arbres d’ornement cultivés en caisses sont abrités pendant la mauvaise saison dans ce qu’on appellera par la suite une orangerie, un bâtiment dont un côté est fermé par un matériau translucide : papier huilé, toile cirée, et ensuite par des vitres lorsque le verre fut non plus coulé mais soufflé puis mis à plat, ce qui permettait de produire des vitrages de plus grandes dimensions assurant une meilleure transmission de la lumière et de la chaleur.

On a vu aussi cultiver en pleine terre des arbres fruitiers adossés à une muraille bien exposée et qui, en hiver, étaient protégés du froid par des châssis mobiles que l’on enlevait à la belle saison.

Le rôle des serres et des murailles est important : elles accumulent de la chaleur pendant le jour, et la restituent pendant la nuit. L’« effet de serre » est le meilleur lorsque le matériau de couverture est du verre ou du polycarbonate (moins fragile !) : il laisse entrer le rayonnement infrarouge court solaire et ne laisse pas ressortir le rayonnement infrarouge long émis par le sol et la muraille ; la serre est alors un véritable piège à chaleur.

Une serre pour les plantes fruitières

En parcourant la région située au Sud-est de Bruxelles, on peut encore voir de nombreuses serres à vignes (et à pêchers), témoins de cette activité qui fut florissante pendant un siècle : de 1865 à 1965 dans des localités comme Hoeilaart, Tervuren, Huldenberg, Overijse ou La Hulpe. Ces serres à deux versants ont une forme caractéristique : dimensions de 22 x 7 à 8 m, piédroits de 1 m, hauteur du faîte de 3 m ; charpente en bois ou en métal ; vitrages de 32,5 x 32,5 cm fixés par du mastic sur des cornières métalliques ; ventilation par des ouvrants de 1,25 x 0,65 m ; chauffage par feu courant dans des conduits en terre cuite ou en asbeste-béton. Les vignes y sont formées en cordons ou en axes doubles (ou triples).

Après les années 1950-1960, sous l’effet de l’importation de raisin venant du Sud de l’Europe, le marché du raisin belge, produit de luxe, régressa. De très nombreuses serres furent démontées pour faire place à des constructions résidentielles. Certains jardiniers amateurs ont racheté une serre ou une partie de serre à remonter dans leur jardin. La faible hauteur des piédroits, la faible dimension des vitres et leur fixation au mastic sont leurs inconvénients majeurs.

Dans des propriétés plus importantes ont été édifiées des serres à un seul versant, adossées à une muraille en maçonnerie, de dimensions très variables : souvent largeur de 3 à 4 m, hauteur de 3 m, vitrage comme ci-dessus, divisées en plusieurs compartiments dont un au centre est chauffé par un poêle, et les autres par l’effet de serre.

Actuellement, les différents modèles de serres à quatre parois et deux versants ou à trois parois et un seul versant peuvent convenir pour la culture en pleine terre de fruitiers à développement modéré ou contrôlé par la taille. Dans une serre à deux versants, la ramure peut être conduite soit contre un des piédroits, soit contre un versant de la toiture, soit les deux à la fois. Dans une serre adossée, on peut conduire les fruitiers soit contre le mur, soit contre le vitrage. Les serres fruitières d’amateurs ne sont généralement pas (ou peu) chauffées.

De 1865 à 1965, la culture du raisin en serre a été florissante dans la région située au sud-est de Bruxelles, avant d’être détrônée par l’importation de raisin venant du sud de l’Europe.
De 1865 à 1965, la culture du raisin en serre a été florissante dans la région située au sud-est de Bruxelles, avant d’être détrônée par l’importation de raisin venant du sud de l’Europe.

Les jardins d’hiver, qui peuvent se rencontrer dans des habitations bourgeoises du 19ème  siècle et dans des châteaux sont des pièces de vie de dimensions et de formes variables, chauffées ou non, dont la face intérieure du versant vitré est garnie de vignes plantées à l’extérieur. On y rencontre aussi différentes plantes ornementales cultivées en pots. Les vérandas en sont une forme moderne. Pendant l’été, afin d’atténuer l’effet de serre, le vitrage peut être blanchi avec un produit qui devient translucide lorsqu’il est mouillé.

À partir du milieu du 20ème  siècle, l’apparition de matériaux de couverture produits par la chimie de synthèse va apporter de profonds changements. Les matériaux en plaques (PVC, polycarbonate, polymétacrylate…) qui sont légèrement déformables vont permettre un allégement des charpentes ; leurs dimensions sont plus grandes, et ils recourent à d’autres systèmes de fixation. Les matériaux en films (PVC, polyéthylène, copolymère EVA) généralement d’une épaisseur de 0,20 mm sont utilisés en couverture de tunnels en forme d’anse de panier dont la largeur varie de 4 à 9 m. L’aération est assurée via les pignons ou en écartant les laizes. Jusqu’à une largeur de 6 m, ces tunnels sont facilement déplaçables.

Pour la culture de petits fruits, on a aussi conçu des abris légers ouverts sur les côtés qui ont un rôle de parapluie : ils évitent de mouiller les plantes cultivées ; l’eau de pluie s’écoule au milieu des interlignes.

Des arbres et arbustes en pleine terre

La culture en serre de plantes fruitières installées en pleine terre assure pour les espèces non rustiques sous notre climat une fructification plus régulière et la production de fruits de meilleure qualité. On utilise un abri clos, chauffé si besoin est, en veillant à assurer une ventilation suffisante : une humidité excessive de l’air favorise le développement de maladies cryptogamiques (par exemple, la pourriture grise Botrytis cinerea).

D’autres plantes, rustiques quant à elles, seront cultivées sous « parapluie » dans le cas où la pluie compromet la fructification pour la même raison.

Le raisin de table

C’est la principale production fruitière dans les serres d’amateurs. On pourra choisir soit une variété traditionnelle à grains blancs ou noirs, soit une variété nouvelle du groupe des hybrides interspécifiques qui présentent l’énorme avantage d’être résistants ou tolérants aux maladies cryptogamiques, ce qui dispense de faire des traitements fongicides.

  Variétés traditionnelles (Vitis vinifera), à grains blancs :

– ‘Chasselas doré’ : très fertile, baies de petit calibre ; très bonne qualité ;

– ‘Muscat d’Alexandrie’ : vigueur moyenne, demande une atmosphère chaude et sèche pendant la floraison ; goût sucré et musqué ;

– ‘Muscat Cannon Hall’ : mutation du précédent ; longues grappes à gros grains, goût meilleur.

  Variétés traditionnelles (Vitis vinifera), à grains noirs :

– ‘Frankenthal’ : vigueur forte, bonne fertilité ; grappes moyennes, baies arrondies, très sucrées, très juteuses : maturité fin septembre ;

– ‘Royal’ : bonne vigueur, forte fertilité ; grandes grappes, grosses baies ; octobre ;

– ‘Black Alicante’ : bonne vigueur, grande fertilité ; grappes très grandes, très grosses baies ovoïdes ; maturité tardive ;

– ‘Gros Colman’ : variété vigoureuse ; baies très grosses à maturité tardive ; ne mûrit et ne se colore que si la chaleur est suffisante.

  Variétés hybrides interspécifiques à grains blancs :

– ‘Palatinat’ : variété vigoureuse hâtive ; grosses baies rondes jaune-vert ;

– ‘Phoenix’ : variété précoce ; grappes grandes, grosses baies jaune-vert musquées ;

– ‘Solaris’ : vigueur forte ; moyenne saison ; très bonne qualité si climat chaud.

  Variétés hybrides interspécifiques à grains noirs :

– ‘Muscat bleu’ : variété précoce ; grappes moyennes ; baies ovales, musquées ;

– ‘Rondo’ : variété précoce ; grandes grappes à gros grains ;

– ‘Regent’ : variété vigoureuse assez tardive, très fertile ; grappes moyennes.

De très nombreuses variétés hybrides interspécifiques nouvelles sont en cours de diffusion.

Le kiwi

L’Actinidia deliciosa = (A.chinensis) est une plante sarmenteuse de très grande vigueur. Les fruits ovoïdes ou sphériques de 20 à 70 g sont velus ; la chair verte très juteuse contient de nombreuses petites graines noires ; le goût est sucré-acidulé. Cette plante est originaire de régions d’Extrême-Orient à climat chaud et humide. En Belgique, à bonne exposition, elle trouvera certaines années une chaleur suffisante en plein air, mais la culture sous serre offre une meilleure garantie de fructification.

Le kiwi craint le gel hivernal et surtout les gelées tardives qui détruisent les jeunes pousses ; en été, un air trop sec peut occasionner des brûlures du bord des feuilles (= folletage).

En raison de sa grande vigueur, le kiwi doit disposer d’un espace suffisant sous peine de ne pas obtenir une bonne fructification. Sur une paroi, 6 à 8 m de largeur et 2,5 m de hauteur sont un minimum.

La plupart des kiwis sont dioïques : il faut nécessairement associer un pied mâle à un ou plusieurs pieds femelles. Il existe heureusement quelques variétés hermaphrodites comme ‘Solissimo’ (fruits les plus gros), ‘Jenny’, ‘Solo’ ou ‘Boskoop’.

Exemple de cultures hors-sol en serre.
Exemple de cultures hors-sol en serre.

Comme variétés dioïques, on choisira comme femelle ‘Hayward’ (fruits les plus gros) ou son mutant ‘Greenlight’ et comme mâle ‘Atlas’.

Sur une paroi verticale, les kiwis sont formés en palmettes horizontales à deux étages : le premier à 1,20 m du sol et le second à 2 m ; sur les quatre charpentières, le bois fruitier est pendant et celui de l’étage supérieur peut aussi être palissé sous un versant de la toiture.

Dans un tunnel plastique, les kiwis seront conduits en haie verticale ou en T-bar au centre de l’espace intérieur.

Pendant la belle saison, plusieurs tailles « en vert » sont indispensables afin de contrôler le développement des plantes.

Les fruits à noyau

Avant que se développent les transports de fruits à grande distance, la culture commerciale de pêchers a été pratiquée en serre aux Pays-Bas et dans une moindre mesure en Belgique. Nous avons aussi pu voir aux Pays-Bas dans les années 1980 une culture de pruniers sino-japonais en serre chauffée afin d’obtenir la floraison dès janvier. Les variétés utilisées étaient les pêches hâtives ‘Mayflower’ ou ‘Amsden’, les brugnons ‘Early Rivers’ et les prunes ‘Burbank’.

En Provence, en avril 1986 (N.B. : le jour de la catastrophe de Tchernobyl !) nous avons pu voir une serre chauffée de type « warenhuis » à piédroits de 4 m de haut dans laquelle étaient cultivés des pêchers conduits en fuseau : il s’agissait de variétés hâtives à chair jaune. L’objectif était de récolter avant l’arrivée sur le marché des premières pêches importées du Sud de l’Espagne.

Les cerises sont très sujettes à l’éclatement si elles reçoivent beaucoup de pluies pendant leur maturation. De là, l’idée d’installer au-dessus de petits arbres conduits en buisson ou en fuseau un abri de type « parapluie » qui protégera les fruits.

En Italie, il y a une quarantaine d’années, débutèrent des essais de culture d’abricotiers sous tunnels plastiques multi-chapelles. Les arbres plantés au niveau des pieds des tunnels sont formés en V avec une moitié de la ramure dans un tunnel et la seconde moitié dans l’autre. L’objectif étant de hâter la récolte et d’améliorer la qualité.

Les framboisiers et les groseilliers à grappes

Bien qu’ils soient parfaitement rustiques sous notre climat, les framboisiers et, dans une moindre mesure, les groseilliers à grappes apprécieront d’être protégés de la pluie après la floraison et ce, jusqu’à la maturité des fruits. Souvent, dès que la pourriture grise (Botrytis cinerea) apparaît, cette maladie devient incontrôlable sur les framboisiers et la production s’arrête.

La culture sous serres-parapluies ouvertes sur les côtés est une alternative aux traitements fongicides préventifs qui doivent être répétés plusieurs fois en fonction de la pluviosité. Par contre, dans les serres-tunnels fermées, les framboisiers risquent davantage les infestations d’acariens jaunes (Tetranychus urticae) et les groseilles d’infections par l’oïdium (Sphaerotheca mors-uvae).

Les plantes fruitières d’orangerie

Cette dénomination désigne les espèces non rustiques qui passent 5 à 6 mois à l’abri du froid, dans un endroit non bien éclairé, non ou peu chauffé, et les 6 à 7 autres mois en plein air. Ces plantes doivent nécessairement être cultivées hors-sol, dans des conteneurs ou des caisses déplaçables dont le volume peut atteindre 1 m³. C’est le cas des néfliers du Japon, des oliviers, des figuiers, des grenadiers, des tomates en arbre (Cyphomandra) et bien sûr des différents agrumes qui ont donné leur nom aux bâtiments destinés à les abriter.

Ce sujet avait été traité en plusieurs articles successifs dans Le Sillon Belge de mai, juin et juillet 2016.

Ir. André Sansdrap

Wépion

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