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Mes arbres fruitiers ne produisent pas… Pourquoi? Comment y remédier?

Quoi de plus décevant que de prendre soin d’un arbre, saison après saison, sans que celui ne produise le moindre fruit ? Heureusement, une fois la cause de cette non-production identifiée, des solutions permettent d’y remédier.

Temps de lecture : 11 min

D e tout temps la production de fruits a été l’un des soucis majeurs des agriculteurs qui exploitaient des vergers pâturés. En témoigne cette tradition ancienne qui voulait qu’à Noël les arbres soient décorés d’une tresse de paille afin d’assurer une bonne fructification l’année suivante.

Très souvent lors de conférences données dans des Cercles horticoles ou au Centre technique horticole de Gembloux était formulée la question : « Mes arbres ne donnent pas de fruits ou très peu, ou irrégulièrement ; que dois-je faire ? ». Comme il peut y avoir plusieurs causes à ce phénomène, il faut, avant d’indiquer le ou les remèdes, déterminer quelle en est la cause principale.

Dans la très grande majorité des cas, la production de fruits suppose que des fleurs aient été fécondées par du pollen de la même espèce. Mais avant cela il faut nécessairement que l’arbre ou l’arbuste ait porté des fleurs. Et après leur fécondation, il faut encore que le processus de développement des fruits se déroule parfaitement jusqu’à son terme : un pari qui n’est pas gagné d’avance puisqu’il est soumis à de nombreux facteurs internes et aux conditions environnementales.

Il importe pour les arboriculteurs professionnels ou amateurs de connaître et comprendre ces mécanismes afin de mettre un maximum d’atouts dans son jeu.

À la recherche des causes…

Identifier la ou les causes possibles d’une non-fructification d’arbres et d’arbustes fruitiers se fait en formulant en cascade une série de questions dont les réponses permettront de cerner peu à peu l’origine du problème.

1. Informations générales : l’espèce, la ou les variétés, l’emplacement, l’âge, le comportement antérieur de l’arbre… et tous les autres renseignements qui pourront être utiles.

2. L’arbre/arbuste porte-t-il des fleurs ? NON ou OUI : une question fondamentale.

3. 1. Si la réponse est « NON » :

– 3.1.1. si l’arbre/arbuste est jeune, attendre qu’il ait dépassé la phase juvénile et soit au stade adulte, modérer la fumure minérale et ne pas tailler (trop) sévèrement ;

– 3.1.2. si l’arbre/arbuste est âgé et sa croissance faible, apporter une fumure minérale et organique complète et faire une taille de rajeunissement dans la charpente.

3.2. Si la réponse est « OUI » : plusieurs questions vont permettre d’orienter la recherche d’une ou plusieurs causes :

– 3.2.1. peu ou pas de fruits depuis la plantation ; chute des fleurs après la floraison : non-fécondation des fleurs à cause de l’absence d’un pollinisateur compatible ;

– 3.2.2. peu ou pas de fruits pendant plusieurs années après plusieurs années de fructification : l’arbre responsable de la pollinisation a été enlevé, dans un rayon de 100 à 200 m ;

– 3.2.3. peu ou pas de fruits une année sur deux, ce qui correspond à un phénomène typique d’« alternance » dû à un mauvais entretien : tailler plus sévèrement si le boutonnement est abondant ; éclaircir fortement en juin ; apporter une bonne fumure minérale et organique complémentaire par voie foliaire ; assurer un bon état sanitaire du feuillage ;

– 3.2.4. pas de fruits cette année en particulier : plusieurs explications possibles :

– destruction des fleurs par les gelées printanières ;

– chute des très jeunes fruits en juin-juillet (= « chute de juin ») due soit à une pollinisation insuffisante (absence d’un bon pollinisateur – conditions climatiques défavorables et faible activité des butineurs pendant la floraison : froid, vent, pluie…), soit à une vigueur trop forte (arbres jeunes, taille de rajeunissement trop sévère…) ;

– chute des fruits en fin d’été, un mois avant la maturité normale : sécheresse du sol, attaque de ravageur (carpocapse des pommes – poires – prunes), ou éclaircissage insuffisant (les fruits d’un même bouquet se gênent et l’un d’eux s’arrache) ;

– de manière générale, le grossissement des fruits est lent et s’arrête, peu ou pas de chute de fruits ; la croissance des arbres est faible : dégâts de grand campagnol, sécheresse du sol ;

– sur pommiers, de manière éparse, certains fruits ne grossissent pas et restent accrochés à l’arbre jusqu’en fin de saison ; ils sont difformes et de teinte vert-rougeâtre ; les rameaux sont déformés, portant des feuilles petites et recroquevillées : conséquence d’attaques de puceron cendré ( Dysaphis plantaginea ) ou de pucerons des galles rouges ( Dysaphis spp. ) en début de saison.

– 3.2.5.fruits très ou trop nombreux ne grossissant pas ; croissance faible ou nulle : si c’est un arbre âgé non taillé ou élagué depuis plusieurs années, faire une taille de rajeunissement en deux ou trois ans ; si après plusieurs années la situation ne s’améliore pas, considérer que l’arbre est arrivé au stade sénile.

Les remèdes à appliquer : obtenir des fleurs…

La plupart des espèces fruitières portent des fleurs hermaphrodites, c’est-à-dire munies des organes des deux sexes : un ovaire contenant un ou plusieurs ovules, qui évoluera en un fruit, et plusieurs étamines qui fourniront le pollen fécondateur. Quelques espèces portent des fleurs unisexuées sur la même plante : noisetier – noyer – châtaignier ; les Actinidias portent, sauf exception, des fleurs unisexuées sur des plantes distinctes.

Selon les espèces, les fleurs contenues dans un bouton ou un chaton apparaissent sur des rameaux d’âge différent : rameau de l’année même chez la vigne, rameau de l’année précédente chez les espèces à noyau, rameaux de différents âges chez les espèces à pépins.

Sur ce pommier, une opération d’éclaircie était nécessaire pour garantir le bon grossissement des fruits laissés en place (en haut: avant l’éclaircie; en bas: après).
Sur ce pommier, une opération d’éclaircie était nécessaire pour garantir le bon grossissement des fruits laissés en place (en haut: avant l’éclaircie; en bas: après).

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Sur une jeune plante, la production de fleurs commence lorsqu’elle passe du stade juvénile caractérisé par une très forte croissance végétative au stade adulte où la croissance et la production de fleurs sont en équilibre. Pour hâter l’entrée en production d’un arbre ou d’un arbuste fruitier, il importe de dépasser rapidement le stade juvénile en modérant la croissance par le choix d’un sujet porte-greffe de faible vigueur et par une taille longue, moins sévère, qui donnera des réactions moins fortes qu’une taille courte. Ceci explique que des arbres de faible volume entrent en production plus tôt que des grands arbres chez qui l’édification de la ramure demande davantage de temps.

… et assurer leur fécondation

La fructification va dépendre de plusieurs facteurs : la simultanéité des floraisons mâle et femelle, la qualité et la compatibilité du pollen, et le transfert de celui-ci vers les stigmates, ainsi que les conditions climatiques. Les deux premiers points sont à prendre en compte dans le choix des variétés lors de la création d’un verger ou d’un réaménagement. Les pépiniéristes disposent de tableaux qui permettent de choisir en connaissance de cause (voir les sites Biodimestica et/ou Certifruit où sont envisagées une trentaine de pommes, et de poires, une vingtaine de prunes et une quinzaine de cerises).

Les conditions climatiques vont influencer à la fois le transfert du pollen et le processus de fécondation proprement dit : germination du pollen – croissance du tube pollinique – double fécondation. La formation du fruit ne commencera qu’une fois que la fécondation de la fleur est réussie.

Favoriser le transfert du pollen

La distance que doit parcourir le pollen entre les anthères et les stigmates est très variable. Chez les espèces à fleurs hermaphrodites auto-fertiles, elle peut n’être que de quelques millimètres seulement par exemple chez la vigne et les pêchers, griottiers, certains cerisiers à fruits doux et certains pruniers. Elle sera de quelques mètres chez les espèces à fleurs hermaphrodites autostériles (espèces à pépins) et chez les espèces monoïques ou dioïques.

Le transfert du pollen est assuré par le vent dans quelques cas (vignes, noisetiers, noyers, châtaigniers), et plus généralement par les abeilles domestiques et par les insectes butineurs sauvages. La présence de ces derniers est donc un facteur important de réussite de la fécondation et de la fructification de nos fruitiers. Dans le cadre d’un jardin, elle peut être favorisée par différents dispositifs que l’on a baptisé « hôtels à insectes ».

Les « hôtels à insectes » favorisent la présence des insectes assurant  la pollinisation nécessaire à la fructification des arbres fruitiers.
Les « hôtels à insectes » favorisent la présence des insectes assurant la pollinisation nécessaire à la fructification des arbres fruitiers.

L’activité de ces auxiliaires est moins dépendante des conditions climatiques (vent, pluie et froid) que celle des abeilles domestiques. Mais il a été observé que la présence de trop nombreuses abeilles domestiques (maximum une ruche par 20-25 ares) nuit à celle des butineurs sauvages. De manière générale, l’arboriculteur aura intérêt à créer un microclimat favorable : moins venteux et avec une température un peu plus élevée ; cela favorise d’une part l’activité des insectes pollinisateurs, et d’autre part le déroulement de la suite.

Garantir la fécondation des fleurs

Les grains de pollen qui ont été déposés sur le ou les stigmates des fleurs doivent germer puis développer leur tube pollinique dans le canal du style. Ensuite interviendra la double fécondation dont résulte la formation de l’embryon et de l’albumen de la graine.

Ce processus complexe est régi par une série de facteurs internes : une pression osmotique correcte qui permet l’absorption d’eau par le grain de pollen, la présence d’hormones et de substances nutritives qui stimulent la croissance du tube pollinique, etc. Dans un même style, la vitesse de croissance du tube de différents pollens peut être très variable : on assiste en quelque sorte à une course de vitesse où le premier arrivé au but assurera la fécondation. On assiste aussi dans cette course de vitesse à des abandons : la croissance du tube de certains pollens incompatibles s’arrête faut de trouver des conditions qui leur sont favorables.

La température ambiante joue aussi un rôle important puisqu’elle influence la vitesse de croissance des tubes polliniques. Or ils doivent atteindre les ovules alors que ceux-ci sont encore réceptifs. La température favorise aussi la fécondation proprement dite.

Seul le fruit fécondé se développe.
Seul le fruit fécondé se développe.

Dans ce processus fondamental pour la fructification, l’arboriculteur peut intervenir à plusieurs niveaux : comme il vient d’être dit en réalisant un microclimat plus favorable, mais aussi en veillant à ce que lors de la floraison, les tissus des arbres contiennent des substances nutritives en suffisance. On a constaté, par exemple, l’effet favorable de pulvérisations d’azote sous forme d’urée en automne, après la récolte et avant la chute des feuilles, ou de différents engrais foliaires contenant aussi des oligoéléments conseillés juste avant la floraison des arbres.

Chez certaines variétés de pommes ou de poires dites « triploïdes » où les cellules comptent 3n chromosomes au lieu de 2n, on observe de manière générale une moindre réussite de la fécondation et que leur pollen est moins apte à féconder les autres variétés. Ce sont des variétés à gros fruits et de forte vigueur comme les pommes ‘Jonagold’ et ‘Belle de Boskoop’, et les poires ‘Beurré A. Lucas’ ou ‘Saint Rémy’.

Contrôler le développement des fruits jusqu’à maturité

À la fin de la floraison, l’ovaire des fleurs non fécondées jaunit et se dessèche, puis en général il tombe ; c’est la « chute post-florale ». Il peut arriver qu’il noircisse et reste accroché à l’arbre pendant toute la saison.

Après la fécondation du ou des ovules, l’ovaire de la fleur va prendre une teinte verte plus foncée. Il se divise intensément pendant une période qui dure approximativement quatre semaines. Ce processus demande une bonne alimentation des tissus en éléments minéraux présents dans la plante et puisés dans le sol, en hormones endogènes produites dans les feuilles, mais aussi une température ambiante élevée. Après quoi le grossissement des fruits résultera de l’agrandissement des cellules formées. L’arboriculteur devra veiller à une bonne alimentation des arbres en eau et en éléments minéraux, ainsi qu’à un bon état sanitaire du feuillage tout au long de la belle saison.

Chez certaines variétés de poiriers, il est possible d’obtenir des fruits sans le stimulus hormonal dû à la fécondation des fleurs. Ce phénomène appelé « parthénocarpie » peut se produire naturellement lorsque la température est élevée pendant la floraison. Lorsque les fleurs ont été endommagées par le gel, il peut aussi être provoqué par des pulvérisations d’hormones pendant la floraison.

En comparaison avec des fruits issus de fécondation, les poires parthénocarpiques ont une forme différente, plus allongée ; elles sont aussi dépourvues de pépins. En cas de doute quant à la fécondation naturelle des fleurs, cette technique garantit la fructification, par exemple chez ‘Conférence’ ou ‘Durondeau’. Elle a moins ou peu d’effet sur ’Doyenné du Comice’, ‘Beurré A.Lucas’,’Beurré Hardy’, ‘Louise Bonne d’Avranches’ ; elle n’a pas d’effet sur ‘Triomphe de Vienne’.

De la mi-juin à la mi-juillet, un certain nombre de jeunes fruits mal fécondés ou en surnombre vont cesser de croître puis se détacher et tomber : c’est la « chute de juin ». Si elle n’est pas suffisante, elle devra être complétée par un éclaircissage manuel ; on laissera chez les espèces à pépins un seul fruit par 8 à 10 cm de rameau, en veillant à ne laisser qu’un (ou deux ?) fruits par bouquet, chez les pruniers, un seul fruit par 4 à 5 cm de rameau, et chez les pêchers, un seul fruit par 8 à 10 cm de rameau.

Peu avant la date normale de maturité des fruits, on peut encore observer une chute. Chez les pommiers et les pruniers, il peut s’agir de fruits attaqués par des carpocapses (= « vers de fruits ») ; chez les pommiers dont le pédoncule des fruits est court, elle peut aussi être due sur des fruits intacts aux tensions mécaniques entre fruits d’un même bouquet lors de leur grossissement. À cette époque, la sécheresse du sol peut aussi être cause d’une chute prématurée.

Paradoxalement, si l’influence de l’identité du pollen sur le nombre de fleurs fécondées chez une variété a été souvent évaluée, son influence sur le calibre final des fruits charnu est rarement évoquée probablement parce que l’information génétique apportée par le pollen se localise dans l’embryon et l’albumen des graines. Mais la question de l’existence ou non d’une « métaxénie » (= influence du mâle fécondateur sur des parties femelles d’une plante) reste posée.

Ir. André Sansdrap

Wépion

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