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Beelgium: du miel, du pollen et des abeilles bien de chez nous

Chez Beelgium, apiculture rime avec agriculture, notamment car les créateurs de la marque, Mathieu Decoster et Pierre-Antoine Couvreur, sont installés en tant qu’agriculteurs, mais aussi car ils travaillent en partenariat avec le monde agricole. Le miel peut même devenir celui des cultivateurs puisque ce qui intéresse le plus nos deux compères, c’est de produire des abeilles et des produits bien de chez nous.

Temps de lecture : 11 min

C’est l’histoire de deux amis d’université qui décident de se réinventer professionnellement. Après 10 ans de carrière à l’étranger en production végétale, Pierre-Antoine rentre au pays avec une lourde expérience professionnelle difficilement valorisable en Belgique. Il entame alors la Vlerick Business School, une école de commerce formant à la création et la gestion de sociétés. Cette formation lui donne l’occasion de réfléchir à ce à quoi il aspire : « Étant curieux de tout, son idée était de continuer à s’amuser dans son boulot. Il fait part de ses projets d’apiculture à ses amis et c’est là que j’ai accroché », explique Mathieu. À l’époque Mathieu travaille dans le secteur de l’alimentation animale mais, il décide de s’impliquer au côté de son ami. « On a commencé à réfléchir ensemble au projet et on est parti d’un constat : il n’y a pas d’abeilles disponibles en Belgique. Si demain, tu décides de te lancer en apiculture et tu veux un essaim, il faut avoir un réseau et être dans le domaine depuis longtemps pour avoir accès à des abeilles de qualité. Tu es obligé d’aller les chercher à l’étranger. C’est d’ailleurs ce que nous avons dû faire pour une partie de notre cheptel de départ ».

Beelgium démarre de la volonté de s’amuser en travaillant.
Beelgium démarre de la volonté de s’amuser en travaillant. - Beelgium

Des abeilles à la ferme

Le duo profite de la formation de Pierre-Antoine pour challenger leur projet : « Pendant un an, le projet a été analysé sous tous les angles et a servi de support à la formation de Pierre-Antoine. On a ainsi pu bénéficier des retours de ses collègues. En parallèle, je me suis formé en apiculture et nous avons également réalisé les stages agricoles nécessaires à notre installation, Pierre-Antoine s’est intéressé aux bovins et j’ai fait mes armes chez un apiculteur assez renommé au niveau génétique ».

En effet, la particularité du projet réside également dans l’installation des amis en tant qu’agriculteurs : « L’apiculture fait partie de l’agriculture, nous avons donc créé une ferme. Cette manière de faire est assez inédite. Au niveau des démarches administratives ça donne d’ailleurs lieu à des situations cocasses car on trouve rarement la case « abeille » dans les formulaires de demandes agricoles ou les déclarations de cheptel ».

Un aspect inhabituel de leur structure est aussi leur duo : « Le profil classique de l’apiculteur est plutôt seul et senior. On sort un peu des rangs. Notre première année était également destinée à tester notre équipe. On est plus souvent à deux qu’avec nos épouses finalement et il fallait voir si on savait travailler ensemble. Et ça colle bien, je dirais même que nos origines et expériences respectives nous permettent de voir différemment les problèmes et donc les solutions à y apporter. C’est très utile, car il y a toujours l’un des deux qui a la bonne idée ou qui peut rebooster l’autre ».

Beelgium, c’est parti !

Le 2 janvier 2020, Beelgium voit officiellement le jour et prend son envol. « On a investi dans le matériel et dans 100 colonies. L’année écoulée a été dédiée à la création de cheptel avec un total de 462 colonies, 3 tonnes de miel et une tonne de pollen récoltés à son terme ».

Les ruches récoltées en pollen sont visitées quotidiennement afin de garantir la qualité du pollen. La récolte se fait tôt le matin ou en soirée car la ruche n’est pas ouverte et il n’y a donc pas de risque d’y provoquer des variations de températures.
Les ruches récoltées en pollen sont visitées quotidiennement afin de garantir la qualité du pollen. La récolte se fait tôt le matin ou en soirée car la ruche n’est pas ouverte et il n’y a donc pas de risque d’y provoquer des variations de températures. - Beelgium

Le pollen, la petite touche originale

L’un des points innovants du projet est la récole de pollen. En bref, chaque ruche comprend une reine, des cadres et des abeilles (jusqu’à 40.000 abeilles au plus haut de la saison). La reine pond des œufs dont les nourrices et ouvrières prennent soin. Ces dernières vont butiner les fleurs et ramènent du pollen et du nectar pour nourrir tout ce petit monde. Lorsqu’elles butinent, le pollen recouvre leurs corps, elles s’en nettoient et celui-ci s’agglutine sous forme de pelotes sur leurs pattes arrières. Pour récolter ces pelotes riches en protéines végétales d’arbres et de fleurs mais aussi en vitamines et oligo-éléments, Mathieu et Pierre-Antoine placent un petit dispositif devant la ruche. « Lorsqu’elle passe au travers de celui-ci, les plus grosses pelotes se détachent et tombent dans un petit tiroir que nous vidons quotidiennement. Les abeilles s’étonnent assez vite de la disparition du pollen et elles ajustent leur récolte et mettent plus de butineuses au travail ». Le pollen récolté est trié et congelé en frais. Il sera ensuite déshydraté à basse température durant la saison creuse.

« Cette pratique nous a séduits lors de l’une visite en France. Là-bas, il y a beaucoup plus d’apiculteurs professionnels et donc le pollen est couramment consommé ». Le pollen constitue un apport protéiné original, il peut être consommé dans les salades, les yaourts, le granola, la glace, les jus de fruits… « Il parfume et colore les préparations et apporte du croquant. Certains l’utilisent même dans le gin, on pense d’ailleurs à développer un partenariat avec un producteur ».

Le pollen peut également être vendu en vrac frais (congelé) à d’autres apiculteurs : « Il peut alors servir de nourriture pour les abeilles et être apporté aux ruches en tout début de saison pour les aider à redémarrer ».

Le pollen constitue un apport protéiné original, il peut être consommé dans les salades, les yaourts, le granola, la glace, les jus de fruits…
Le pollen constitue un apport protéiné original, il peut être consommé dans les salades, les yaourts, le granola, la glace, les jus de fruits… - Beelgium

Les détails qui font la différence

Situés dans le Brabant wallon et le Namurois, les ruchers de Beelgium sont composés d’abeilles noires et Buckfast. Certains sont sédentaires et servent de zones de replis aux ruchers itinérants en basse saison. Les sites sont dispersés afin de diversifier les risques sanitaires et climatiques. Les lieux choisis doivent bien évidemment être productifs en nectar et pollen mais pas seulement : « On est attentif à la présence d’eau, dans le négatif on installe des bacs avec des bouchons de liège pour éviter qu’elles ne se noient. On prête aussi attention à la position des ruchers par rapport aux vents, à la présence d’autres apiculteurs dans le coin… Ce sont des détails qui font souvent la différence. Ça fait partie du trio pour faire du miel et du pollen : un emplacement adéquat, une reine de qualité et la météo. Sur ce dernier point, ce n’est pas très différent de l’agriculture, il faut souvent que les astres soient bien alignés pour avoir les conditions d’humidité et d’ensoleillement idéales à la sortie des abeilles et la récolte du pollen et du nectar. »

En apiculture rien n’est compliqué mais, ce sont des petits détails, l’un derrière l’autre, tels que la génétique, l’environnement, les manipulations, qui font la différence.
En apiculture rien n’est compliqué mais, ce sont des petits détails, l’un derrière l’autre, tels que la génétique, l’environnement, les manipulations, qui font la différence. - Beelgium

En partenariat avec les agriculteurs

Beelgium pollinise le colza, la phacélie, le sarrasin, la moutarde, la luzerne mais également les parcelles de fruitiers. « On fonctionne avec différents partenariats à bénéfices réciproques. En colza, par exemple, les abeilles permettent une meilleure fécondation des fleurs, celle-ci mûrissent plus vite au même stade et il y a moins de perte par égrainage. Cette année, on sera sur 250 ha de colza avec entre 10 et 20 colonies par parcelle. Lorsque la floraison est terminée, on les déplace vers des zones boisées et ensuite le long de drèves de tilleul ou d’autres champs de fleurs. D’avril à août, les ruches bougent toutes les deux à trois semaines en fonction des floraisons. La transhumance se fait tôt le matin ou tard le soir quand les abeilles sont rentrées, c’est donc assez physique comme activité et ça demande un retro planning de fou ».

La phacélie est une plante très nectarifère et pollinifère mais elle est généralement implantée bien trop tard dans la saison pour les abeilles. C’est pourquoi, Mathieu et Pierre-Antoine mettent en place leur propre champ début du printemps : « On peut ainsi proposer du miel de phacélie et son pollen mauve ».

« Nous travaillons aussi chez des agriculteurs membres de Farm for Good qui font de la moutarde avec Bister, sur des parcelles flamandes occupées par des mesures agrienvironnementales destinées à redynamiser la faune ou encore et également avec des agriculteurs faisant de la multiplication de plantes mellifères pour Agrarius ». Autant d’exemples qui montrent que les synergies sont possibles voire nécessaires entre agriculteurs et apiculteurs. Beelgium va même plus loin puisqu’elle propose aux agriculteurs de se réapproprier le produit : « On peut agir comme prestataire de services et rendre le miel en vrac à l’agriculteur. Il récupère sa production, la retravaille et la présente selon sa préférence. C’est vraiment un service qu’on aimerait étendre car le fermier est clairement en mal d’image et ça peut être un bonus pour lui de proposer ce genre de produits dans son magasin à la ferme. Notre plus-value se trouve dans les abeilles, on n’a donc aucun souci à ce que le fermier s’approprie le miel et on est même très favorable à ce que ce modèle se duplique. Actuellement, on consomme environ 5.000 tonnes de miel en Belgique dont on en importe 3.000. Si on arrive un jour à produire 1 % de la matière importée, ça serait exceptionnel, il n’y a donc aucun problème à ce que ce type d’échanges se multiplie, il y a de la place pour tout le monde ».

« Notre plus-value se trouve dans les abeilles ! »

Pour créer des essaims…

Outre le miel et le pollen, Mathieu et Pierre-Antoine produisent et vendent donc surtout des abeilles aux pro, semi-pro et amateurs. « On vend des essaims mais aussi des reines pour remplacer celles qui ont essaimé (voir encart) ou de moindre qualité donnant par exemple des filles trop agressives ».

Les ruchettes, petits essaims vendus à des apiculteurs souhaitant s’établir ou étendre leur cheptel, sont créés à partir de cadres de couvains (œufs, larves et nymphes qui donneront de jeunes abeilles) prélevés dans différentes ruches existantes. « On les place dans une ruchette et on y insère une reine fécondée en ponte. Lorsque cette petite ruche se remplit, on peut y ajouter des cadres et cela devient une ruche de production ». Cette dernière comprend alors deux parties : la principale, où la reine pond et les abeilles prennent soin de leurs futures collègues, et la partie supérieure à laquelle la reine n’a pas accès et où est stocké le miel « en trop ». « Afin de ne pas perturber l’organisation de la ruche, nous récoltons uniquement l’excédent de miel. Le reste sert à l’alimentation des couvains. Classiquement, il y a deux pics de production de miel (miellée) dans une ruche, le premier a lieu vers le mois de mai, après la première période de floraison intense. S’en suit un trou de miellée, période d’une dizaine de jours durant laquelle les abeilles doivent souvent faire face à un manque de nourriture. La seconde miellée se déroule généralement au milieu de l’été. Des miellées supplémentaires peuvent être créées grâce aux échanges agricoles, par exemple dès le mois d’avril en colza ou fin juin en luzerne ».

Les abeilles ont besoin que toutes les conditions soient remplies pour partir à la recherche de nectar : une floraison adéquate, l’absence de vent, un fort ensoleillement… « Comme en agriculture, les astres doivent être bien alignés quand on veut que ça se passe pour le mieux ».
Les abeilles ont besoin que toutes les conditions soient remplies pour partir à la recherche de nectar : une floraison adéquate, l’absence de vent, un fort ensoleillement… « Comme en agriculture, les astres doivent être bien alignés quand on veut que ça se passe pour le mieux ». - Beelgium

… et des reines

Les reines sont produites dans des ruches d’élevage. « On procède au picking, on prélève des larves dans des ruches dites raceuses, c’est-à-dire dont on connaît la génétique et les qualités de la reine. Ces larves sont placées dans une barrette qui est introduite dans une ruche d’élevage. Dans cette dernière, il n’y a pas de reine, pour les ouvrières, c’est un peu la panique, elles vont donc donner de la gelée royale à ces larves afin de créer une nouvelle reine. C’est la nourriture qu’elle reçoit qui modifie la morphologie et la destinée de la larve. En temps normal, la première reine née tue ses rivales. Dans notre cas, on protège les cellules royales et la jeune reine est prélevée et installée dans une ruche de fécondation ».

La reine alors vierge est acceptée dans un nouvel essaim. Elle fait des vols de fécondation pendant 4 à 5 jours et remplit sa spermathèque. Une fois cette réserve constituée, elle s’installe dans la ruche et n’en sortira plus jamais sauf en cas d’essaimage. « Pour assurer une bonne fécondation naturelle des reines, on sature la zone concernée en mâles de notre génétique. Ça nous permet de conserver des lignées douces avec lesquels on peut aisément travailler sans gants ni voile. En effet, l’hybridation avec des mâles tout venant peut donner des abeilles agressives. C’est un caractère qui se transmet facilement mais heureusement se perd vite aussi ». Ce sont ces mêmes reines qui pourront être installées dans les ruchettes et développer de nouveaux essaims.

« Le varroa est véritablement le plus gros fléau en apiculture. »

La sélection de lignées résistantes au varroa

L’amélioration génétique est au centre des préoccupations de Beelgium. C’est pourquoi, les jeunes apiculteurs font également partie du programme de recherches Arista Bee Research (Fondation pour l’élevage d’abeilles résistantes aux varroas). « La majeure partie des pertes de colonies est due aux varroas, des acariens présents sur les abeilles qui rentrent dans les ruches avec celles-ci, s’y installent et s’y multiplient via l’hémolymphe. Cela a pour conséquence d’affaiblir les abeilles jusqu’à détruire l’essaim ».

Selon les apiculteurs, le varroa est véritablement le plus gros fléau en apiculture : « Tous les professionnels s’y accordent, c’est le problème principal, viennent ensuite les erreurs de manipulations de l’apiculteur et puis seulement sans doute des problèmes dus à la dégradation et à la rémanence des pesticides », explique Mathieu.

Les ruches peuvent être traitées contre le varroa mais, au fil du temps, des résistances à la molécule utilisée sont apparues. « Il est donc très important d’œuvrer au développement de lignées résistantes. Les recherches ont montré que certaines abeilles avaient un comportement d’élimination naturelle du varroa. Elles sont capables de détecter les cellules dans lesquelles il se développe et tuent leurs congénères et s’en débarrassent pour le bien de la colonie ». Beelgium participent au développement de ces lignées. « On recherche des abeilles résistantes mais qui possèdent aussi d’autres qualités telles que la douceur, la productivité en miel et le non-essaimage. Ce que veut le programme de recherche, c’est dénicher la perle rare dans toutes les filles élevées et, petit à petit, saturer la zone belge en individus résistants pour pouvoir se passer de traitement ».

Une colonie peut compter jusqu’à 50.000 abeilles.
Une colonie peut compter jusqu’à 50.000 abeilles. - Beelgium

1.500 reines et 700 ruches

Pour la saison à venir, d’avril à août, Mathieu et Pierre-Antoine espèrent produire 1. 500 reines et étendre le cheptel à 700 ruches. « Si l’année est bonne, on pourrait atteindre une production de 15 tonnes de miel, 10 dans le cas contraire. Tout cela devrait contribuer à l’objectif de Beelgium qui est de fournir des abeilles permettant à la Belgique de subvenir à ses propres besoins en matières de miel, de pollen et d’élevage de reines », concluent Mathieu et Pierre-Antoine.

D. Jaunard

En saison, Pierre-Antoine et Mathieu visitent hebdomadairement chaque colonie afin de vérifier que tout se passe pour le mieux et qu’il n’y a pas d’essaimage.
En saison, Pierre-Antoine et Mathieu visitent hebdomadairement chaque colonie afin de vérifier que tout se passe pour le mieux et qu’il n’y a pas d’essaimage. - Beelgium

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