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Protection fongicide des céréales: nouvelles formulations disponibles dès cette saison

Dans son édition 2021, le Livre Blanc des céréales, Charlotte Bataille (Cra-w) expose les nouvelles formulations disponibles dès cette saison en Belgique. Des pistes pour les nouveaux programmes de traitements pouvant être construits autour de ces nouvelles spécialités sont également livrées.

Temps de lecture : 12 min

Avant de pouvoir être présentée au sein des produits formulés, chaque substance active doit être homologuée au niveau des autorités européennes et c’est un long parcours.

De la molécule à l’agréation du produit

Tout d’abord, l’ensemble des caractéristiques de la molécule est passé en revue sur base du dossier remis par la firme demandant l’homologation. Rien n’est laissé au hasard. En effet, six pages entières du règlement CE 1107/2009 énumèrent les critères devant être respecté par la molécule pour pouvoir être approuvée : efficacité, métabolites, composition, impact sur la santé humaine et sur l’environnement, persistance, bioaccumulation, toxicité… Une fois approuvée, la molécule est répertoriée dans une liste reprise dans le règlement (EU) 540/2011.

Dès qu’une substance active est autorisée au niveau européen, les firmes phytopharmaceutiques sont en droit de déposer des dossiers d’homologation pour des produits contenant cette substance active, en vue de leur mise sur le marché.

Le dossier est déposé auprès des autorités d’un « état rapporteur » qui vont se charger de l’évaluer. Cette évaluation sera valable pour l’ensemble des pays situés dans la même « zone » que le pays rapporteur. L’Europe est divisée en 3 zones et la Belgique fait partie de la zone centrale. Un produit agréé dans un pays peut ensuite être agréé dans un autre pays au sein de la même zone par « reconnaissance mutuelle ». Dans le cas de la Belgique, les experts du Comité d’Agréation des produits phytopharmaceutiques se chargent de prendre connaissance du dossier et de valider la reconnaissance mutuelle ou non.

Une fois le produit agréé, son autorisation de mise sur le marché court pendant la période déterminée dans l’Acte d’agréation.

L’Ascra Xpro : nouveau produit combinant 2 SDHI

Le produit avait brièvement été évoqué dans le Livre Blanc de février 2020. Il est maintenant opportun de détailler cette nouvelle spécialité mise sur le marché par la firme Bayer.

L’Ascra Xpro (aussi appelé Keynote Xpro ou Veldig Xpro) est un concentré émulsionnable (EC) composé de 65 g/L de bixafen, 65 g/L de fluopyram et de 130 g/L de prothioconazole. Il requiert une zone tampon de 20 m avec buses classiques et peut être appliqué du stade début montaison (stade 30 BBCH) au stade début floraison (stade 61 BBCH). Une seule application par saison est autorisée.

Ce produit contient une substance active qui n’avait pas encore été utilisée en céréales : le fluopyram. Cette molécule fait partie de la famille des carboxamides (SDHI) tout comme le bixafen (Xpro) qui est co-formulé avec elle dans l’Ascra Xpro mais qui se retrouve aussi dans d’autres produits comme l’Aviator Xpro, le Skyway Xpro. D’autres exemples de SDHI utilisés comme fongicides en céréales sont notamment le fluxapyroxad (Xemium), contenu dans le Librax, le benzovindiflupyr (Solatenol), contenu dans le Velogy Era…

L’Ascra Xpro contient trois molécules différentes : deux SDHI et un triazole (prothioconazole). Ce qui représente donc deux modes d’action différents au sein de ce même produit. Il peut donc être utilisé seul car il applique déjà le principe de la diversité des modes d’action utilisé lors d’une même application et ceci dans le but de ralentir l’apparition des résistances chez les pathogènes ciblés.

Au vu de sa composition, il est conseillé d’appliquer ce produit après le déploiement de la dernière feuille (stade 39) pour profiter de sa longue rémanence. De plus, contenant du prothioconazole, il est efficace contre les maladies d’épis s’il est appliqué à l’épiaison.

Le mefentrifluconazole : à la base de quatre nouveaux produits

Le mefentrifluconazole, dont le nom commercial est le Revysol, est une nouvelle substance active homologuée depuis mars 2019 au niveau européen par la firme BASF. Cette substance active fait partie de la famille des triazoles. Ces molécules empêchent la biosynthèse des stérols dans la membrane de la cellule fongique. Elles sont aussi appelées DMI pour DeMethylation Inhibitor. Le metconazole, le prothioconazole et le tebuconazole communément utilisés dans les produits fongicides font aussi partie de cette famille.

Les triazoles sont utilisés tout au long de la saison culturale et font partie intégrante de quasiment chaque application fongicide. Depuis plusieurs années, une érosion de l’efficacité des triazoles face à la septoriose est observée à cause de l’apparition de souches de plus en plus résistantes à cette famille chimique. Le mefentrifluconazole possède cependant une caractéristique qui lui permet de se distinguer des autres triazoles. Elle possède une flexibilité lui permet de se fixer sur son site d’action au sein des pathogènes même si celui-ci est muté. Cette molécule est donc très efficace contre plus de souches de septoriose que les triazoles actuelles.

Le mefentrifluconzaole est annoncé comme plus efficace sur septoriose, tout aussi efficace sur rouille brune, et beaucoup moins efficace sur rouille jaune que l’epoxiconazole. Ce dernier ayant perdu son homologation l’année passée, BASF détiendrait donc ici une nouvelle substance active qui pourrait remplacer dans certains cas les triazoles qui se sont vues retirer leur homologation. Enfin la rémanence d’action promise par la firme est de 5 à 6 semaines, soit proche des SDHI mais supérieure aux triazoles actuels.

De cette substance active découle aujourd’hui quatre nouveaux produits qui seront présents sur le marché belge dès cette saison : le Lenvyor (ou Revystar), le Revystar Gold (ou Verydor), le Revytrex et le Balaya.

Le Lenvyor (ou Revystar) est un produit agréé en Belgique depuis le 10 juin 2020. C’est un concentré émulsionnable (EC) composé uniquement de 100 g/L de mefentrifluconazole. Il est agréé sur toutes les cultures de céréales sauf le seigle. Il requiert une zone tampon de 5 m avec buses classiques et peut être appliqué du stade début montaison (stade 30 BBCH) à la fin floraison (stade 69 BBCH) à raison de maximum deux applications par saison culturale.

Ce produit n’étant composé que d’une seule substance active, il est primordial de le mélanger avec au moins une autre substance active pour ralentir un maximum l’apparition de résistance chez les pathogènes ciblés. Le Lenvyor ne sera pas vendu seul mais toujours en pack avec du Flexity (metrafenone 300 g/L) pour les schémas de traitement nécessitant un T1, c’est-à-dire un traitement autour du stade deuxième nœud (32 BBCH). Le Flexity apporte une action anti-piétin (à appliquer au stade 1er nœud pour être efficace) et une action anti-oïdium supplémentaire au Lenvyor qui lui est surtout actif sur la septoriose et les rouilles. À ces deux produits, il est recommandé d’ajouter également un multi-sites comme le soufre ou le folpet pour compléter le T1 et protéger un maximum ces molécules de l’apparition de résistance.

Le Revystar Gold (ou Verydor) est un produit agréé en Belgique depuis le 14 septembre 2020. C’est un concentré émulsionnable (EC) composé de mefentrifluconazole (100 g/L) et de fluxapyroxad (50 g/L). Il est agréé sur toutes les cultures de céréales, y compris le blé dur. Il requiert une zone tampon d’1 m avec buses classiques et peut être appliqué du stade début montaison (stade 30 BBCH) à la fin floraison (stade 69 BBCH) à raison de maximum deux applications par saison culturale.

Ce produit étant composé d’un triazole et d’un SDHI, il est plutôt destiné à être appliqué au moment du stade dernière feuille étalée (39 BBCH) ou après (T2), en tenant compte du délai de 35 jours nécessaire avant la récolte. Le Revystar Gold peut donc être appliqué en lieu et place de l’Adexar, du Ceriax ou du Viverda qui ont tous trois perdu leur agréation en 2020. Ce produit possède deux substances actives très efficaces sur septoriose. De plus, le fluxapyroxad devrait apporter un effet curatif supplémentaire sur rouille jaune et le mefentrifluconazole une efficacité sur rouille brune. C’est donc un produit qui peut être appliqué seul et qui possédera une longue rémanence. Il n’est cependant pas efficace sur les maladies de l’épi.

Le Revytrex est un concentré émulsionnable (EC) composé, tout comme le produit précédent, de mefentrifluconazole et de flupyroxad mais cette fois en quantités identiques (66.7g/L). Les caractéristiques de ce produit sont tout à fait similaires au Revystar Gold et il pourra donc être appliqué dans les mêmes occasions, en T2. De plus, ce produit contenant plus de fluxapyroxad, il sera plus efficace en cas d’infection tardive en rouille jaune.

Le Balaya est un concentré émulsionnable (EC) composé de mefentrifluconazole (100 g/L) et de pyraclostrobine (100 g/L). Il est agréé sur toutes les cultures de céréales, y compris le blé dur. Il requiert une zone tampon de 5 m avec buses classiques et peut être appliqué du stade début montaison (stade 30 BBCH) à la fin floraison (stade 69 BBCH) à raison de maximum deux applications par saison culturale.

Ce produit étant composé d’un triazole et d’une strobilurine, il est plutôt destiné à une application en début de culture, autour du stade deuxième nœud (32 BBCH), lorsqu’une forte pression en septoriose et en rouille jaune est observée. Il est notamment destiné à remplacer l’Osiris qui a perdu son agréation en 2020. Contrairement à son prédécesseur, il n’est cependant pas efficace sur les maladies de l’épi.

Le fenpicoxamid :nouveau mode d’action

Le fenpicoxamid, dont le nom commercial est Inatreq, est une nouvelle substance active de la firme Corteva homologuée par la Commission Européenne le 11 octobre 2018. Cette substance active fait partie de la famille chimique des picolinamides. Elles empêchent la respiration mitochondriale. C’est la première fois que ce type de molécule est utilisé en céréales et marque donc ici l’apparition d’un nouveau mode d’action dans la lutte contre la septoriose et les rouilles. Il n’y a actuellement pas de résistance observée contre cette molécule chez les pathogènes.

Le fenpicoxamid est une molécule d’origine naturelle obtenue par la fermentation de bactéries (Streptomyces sp). Les cristaux produits forment le principe actif, appelé UK-2A, mais ne sont cependant pas stables dans l’environnement. Une transformation chimique de ceux-ci en « Inatreq active » est nécessaire pour stabiliser la molécule et permettre son utilisation sur les cultures. C’est aussi pour cette raison que le fenpicoxamid ne peut pas être utilisé en agriculture biologique malgré son origine naturelle. Après son application sur les feuilles de froment, l’Inatreq active se retransformera en UK-2A au moment de sa pénétration dans les cellules de la plante.

Du fenpicoxamid découle aujourd’hui un nouveau produit formulé et disponible sur le marché belge dès cette saison culturale. Ce même produit possède trois noms différents suivant le distributeur : l’Aquino, le Peacoq et le Questar.

L’Aquino (le Peacoq ou le Questar) est un produit agréé en Belgique depuis le 9 octobre 2020. C’est un concentré émulsionnable (EC) composé uniquement de 50 g/L de fenpicoxamid. Il est agréé sur froment, seigle, triticale, épeautre d’hiver et blé dur d’hiver. Il requiert une zone tampon de 20 m avec buse anti-dérive de 75 % et peut être appliqué du stade début montaison (stade 30 BBCH) à la fin floraison (stade 69 BBCH) à raison de maximum une application par an. L’action principale de cette molécule réside dans sa très bonne efficacité contre la septoriose. Il a aussi un effet contre la rouille jaune et la rouille brune mais dans une moindre mesure.

Ce produit n’étant composé que d’une seule substance active, il est primordial de le mélanger avec au moins une autre substance active pour ralentir un maximum l’apparition de résistance chez les pathogènes ciblés. Il ne sera donc jamais vendu seul et sera toujours associé avec un autre produit sous forme de pack. Les packs qui devraient être disponibles en 2021 sont :

Pack physique proposé par Corteva : Aquino, Peacoq ou Questar + Turnet 90 (metconazole) (1).

Packs qui devraient être proposés par les distributeurs (liste non exhaustive) :

– Aquino, Peacoq ou Questar + Protendo 300 EC (prothioconazole) (2) ;

– Aquino, Peacoq ou Questar + Sakura ou Soleil (bromuconazole + tebuconazole) (3) ;

– Aquino, Peacoq ou Questar + Elatus Plus (benzovindiflupyr) (4).

Les packs 1, 2 et 3 sont destinés à des programmes de traitement nécessitant une première application en T1, c’est-à-dire autour du stade deuxième nœud (32) de la culture de froment. L’Aquino est très efficace sur septoriose. De plus sa rémanence annoncée est de 4-5 semaines. Le fait de mélanger ce produit avec un triazole (packs 1, 2 et 3) permet donc de rallonger la durée d’action du mix et d’en augmenter l’efficacité sur cette maladie. L’Aquino est aussi efficace sur rouille mais uniquement lorsqu’il est appliqué en préventif. Il faudra donc toujours l’associer avec un triazole pour avoir une action curative sur les rouilles.

Les packs 1, 2 et 3 additionnés d’une strobilurine (Comet New, Amistar…) pourront être appliqués en T2, c’est-à-dire à partir du stade dernière feuille étalée (39). Certains distributeurs devraient même proposer des packs Aquino + Fandango pro. La combinaison de trois substances actives (picolinamide + triazole + strobilurine) devrait en effet déployer une protection suffisante sur l’ensemble des maladies présentes à ce moment-là de la culture (même les maladies d’épis). La rémanence d’action sera cependant un peu moins longue que lors de l’utilisation de SDHI.

Enfin, le pack 4 est à utiliser également au stade dernière feuille étalée (39) ou après. En effet, ce mélange sera très efficace sur septoriose, sur rouille jaune et rouille brune avec une rémanence d’action de 6 semaines grâce à l’utilisation de la SDHI contenu dans l’Elatus Plus. Ce mélange n’est cependant pas efficace contre les maladies d’épis.

Le folpet : un multi-sites enfin agréé en produit solo

La plupart des substances actives fongicides utilisées en froment aujourd’hui sont à mode d’action uni-site, c’est-à-dire que la molécule va cibler un site bien précis au sein du pathogène afin de tuer ce dernier. Il suffit donc que le site d’action ait muté pour rendre le produit inefficace. Toutes les nouvelles substances actives présentées ci-avant sont à mode d’action uni-site et donc très susceptibles à l’apparition de résistance. Pour protéger les molécules à mode d’action uni-site de l’apparition de résistance en septoriose du blé, il est important de leur associer une autre substance active à mode d’action multi-sites efficace contre cette maladie.

Le folpet est une substance active qui a déjà été évoquée en 2020 dans le Livre Blanc comme remplaçant potentiel du chlorothalonil. Cette substance active était cependant formulée uniquement avec de l’epoxiconazole dans le produit appelé Epox Extra. Vu que l’epoxiconazole a perdu son autorisation en 2020, l’Epox Extra était devenu lui aussi interdit d’utilisation.

Un produit contenant uniquement du folpet (500 g/L) a reçu son autorisation de mise sur le marché le 1er décembre 2020. Ce produit comporte deux noms différents suivant les distributeurs : Mirror et Stavento.

Le Mirror (ou Stavento) est une suspension concentrée (SC) composée uniquement de 500 g/L de folpet. Il est uniquement agréé en froment d’hiver et de printemps pour lutter contre la septoriose. Il requiert une zone tampon de 5 m avec buses classiques et un délai avant récolte de 42 jours. Il peut être appliqué à partir du stade début montaison (stade 30 BBCH) jusqu’à la fin de l’épiaison (stade 59 BBCH) à raison de maximum deux applications par saison culturale.

Comme expliqué ci-avant, ce produit est intéressant pour protéger les fongicides à action uni-site de l’apparition de résistance. Il n’est cependant efficace que lorsqu’il est appliqué préventivement. C’est pourquoi, son placement idéal dans un programme de traitement fongicide se situe autour du stade 2e nœud (32) et uniquement si un traitement anti-septoriose est nécessaire à ce moment-là. Si la pression en septoriose est faible à inexistante au stade 2e nœud, la première application pourra être repoussée au stade dernière feuille étalée (39). L’application de folpet pourra encore trouver tout son sens à ce moment-là. Au-delà de ce stade, il ne sera plus judicieux de l’appliquer.

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