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La dégradabilité des plastiques en culture de maïs: sous l’effet des micro-organismes et de la lumière, avec quels résultats et améliorations possibles?

La culture de maïs sous plastique soulève de nombreuses interrogations, notamment en matière d’environnement. Pour éclaircir cette problématique, le Carah a passé au crible différents types de plastique et a étudié plus précisément leur dégradabilité. Ces essais en laboratoire ont ensuite été complétés par une évaluation au champ, sous la houlette du Cipf. En voici les résultats.

Temps de lecture : 9 min

Dans le cadre des travaux du Centre Pilote Maïs et parallèlement aux essais en champs d’évaluation des potentialités de la plasticulture en maïs (lire notre édition du 8 avril dernier), des essais de dégradabilité de différents plastiques utilisables en agriculture ont été menés par le Carah durant trois ans, de 2018 à 2020. L’objectif principal était d’évaluer la technique d’un point de vue environnemental afin de compléter les données agronomiques et économiques. Dans ce but, le comportement de plusieurs plastiques a été comparé sous l’action de la lumière ou des micro-organismes du sol.

Les expériences se sont ainsi déroulées en plusieurs volets complémentaires. Un premier essai concernait le suivi de la minéralisation des plastiques par les micro-organismes du sol. Ces derniers peuvent, en effet, utiliser le plastique comme une source d’alimentation en carbone, libérant par la même occasion du CO2 via leur activité respiratoire.

Un second essai s’est concentré sur la dégradation aux UV de ces mêmes plastiques afin d’observer leur fragmentation. Un autre essai de ce type a été reproduit par la suite sur un plastique photodégradable afin de suivre plus précisément l’évolution de la perte de matière dans le temps sous l’action de la lumière.

Tous ces essais ont été mis en place dans les laboratoires du Carah. Cinq plastiques ont été étudiés : Samco Blue mini Pin Hole, Nordfilm, Barbier Bionov A Expert, Barbier Bionov A Titan et Barbier noir ( tableau 1 ).

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Il est à noter que de nouveaux modèles de films plastiques de la firme Samco sont apparus sur le marché au cours de ces expérimentations en laboratoire : le Green, le White, le Black et le Grey. Un nouvel essai a ainsi été mené par le Centre indépendant de promotion fourragère (Cipf) dans une parcelle située à Bierghes au cours de la saison 2020 afin de comparer ces nouveaux plastiques avec ceux testés au laboratoire.

Celui-ci était également l’occasion d’évaluer en pratique l’influence de ces différents modes de dégradation sur la culture du maïs afin de compléter les résultats.

Dégradation microbienne : efficacité accrue sur les plastiques biodégradables

Pour évaluer leur dégradation par minéralisation dans les sols agricoles, les plastiques ont été intimement mélangés à de la terre fraîche tamisée. Pour faciliter ce mélange, chaque plastique a été préalablement découpé en petits morceaux de 1 cm². Ces mélanges ont ensuite été placés dans des bocaux hermétiques en conditions standardisées (28ºC, humidité proche de la capacité au champ). Cette procédure est habituellement utilisée pour mesurer le potentiel de minéralisation du carbone d’un amendement organique.

Ce test consiste, en pratique, à mesurer la quantité de CO2 dégagée au cours du temps par l’activité de dégradation des micro-organismes du sol. Des analyses sont ainsi réalisées à différentes dates afin de suivre précisément l’évolution de ce taux de CO2 dans les bocaux, ce qui permet, à terme, d’estimer la vitesse de minéralisation de la matière carbonée.

À l’issue de ce test, deux constatations ont été faites. Premièrement, les plastiques annoncés comme « biodégradables » montrent effectivement un dégagement plus important de CO2 dans les unités expérimentales, ceci reflétant une activité plus importante de la flore du sol. L’épaisseur du film ne semble pas jouer (identique pour 8 ou 10 µm).

Les plastiques annoncés comme « photo » ou « oxo » dégradables ont, quant à eux, montré des dégagements plus faibles de CO2 comparés aux précédents, surtout dans le cas de l’oxo-photodégradable (Samco Blue).

  Calcul d’un coefficient de minéralisation

Comme présenté dans le tableau 1, la teneur en carbone diffère plus ou moins fortement selon le type de plastique considéré et la matière dont ils sont constitués. Sur base de ces teneurs introduites dans les unités expérimentales, et en connaissant les quantités de carbone émises au cours de leur dégradation, un coefficient de minéralisation a été calculé. Celui-ci exprime le pourcentage de carbone constituant le plastique qui est minéralisé sous forme de CO2 par l’activité biologique du sol.

À nouveau, et sans surprise, les deux catégories de plastiques se sont démarquées fortement. Comme le montre la figure 1, ce sont les trois plastiques biodégradables (Barbier) qui ont montré les meilleurs coefficients de minéralisation. On peut toutefois être surpris de ces faibles taux de minéralisation constatés en définitive, mais quelques remarques sont à faire.

Figure 1: taux de minéralisation (sous forme de CO2) calculés pour les différents plastiques sur base de leur teneur en carbone (Carah, 2020).
Figure 1: taux de minéralisation (sous forme de CO2) calculés pour les différents plastiques sur base de leur teneur en carbone (Carah, 2020).

D’une part, le taux d’incorporation dans le sol des unités expérimentales (1/40) était très élevé et ne permettait probablement pas aux micro-organismes de consommer l’entièreté de ce stock de carbone dans le temps de l’expérience. D’autre part, l’ajout de plastique dans les sols augmente vraisemblablement le ratio C/N freinant ainsi la minéralisation potentielle. Ceci pourrait être corrigé par un apport d’azote.

Dégradation aux UV : des essais conformes aux attentes

La seconde partie des essais consistait à évaluer la dégradation des différents plastiques sous l’action de néons à rayonnements UV dans une enceinte spécifique pendant plusieurs jours.

Pour ce test, chaque plastique a été découpé en quatre répétitions de disques de surface identique qui ont été placés en contact avec de la terre (identique à celle utilisée précédemment) dans des boîtes de Petri. Toutes les boîtes ont ensuite été placées en enceinte UV pendant plusieurs jours et un suivi visuel de la dégradation des disques de plastiques a été réalisé.

Au terme de cet essai, c’est le plastique annoncé comme exclusivement photodégradable (Nordfilm) qui s’est dégradé le plus rapidement, suivi du plastique oxo-photodégradable (Samco Blue). Concernant les plastiques biodégradables, ils se sont montrés très peu sensibles à la dégradation aux UV.

Comme le montre la photo, il semblait s’agir surtout d’une fragmentation des plastiques. Un nouvel essai a donc été lancé sur le plastique photodégradable en vue d’analyser plus en détail cette dégradation sous l’action unique des UV. Pour cette seconde étude, des pesées ont été effectuées régulièrement à l’aide d’une balance analytique pour suivre l’évolution de la quantité de plastique dégradée au cours du temps.

Aperçu du plastique photodégradable après 11jours d’exposition aux UV (Carah, 2019).
Aperçu du plastique photodégradable après 11jours d’exposition aux UV (Carah, 2019).

Au bout de 90 jours d’exposition dans l’enceinte UV, plus de 60 % de la masse de plastique de départ a été perdue. Il semble donc bien y avoir un phénomène de dégradation de la matière sous l’action unique de la lumière.

Il est à noter que dans le premier essai de dégradation aux UV, il fallait près de 15 jours en enceinte pour que le plastique le plus performant soit dégradé. Ceci correspond dans la réalité à environ un mois d’exposition à des journées de plein soleil. L’autre essai a mis en évidence qu’il fallait près de 90 jours d’exposition pour dégrader sensiblement la matière, ce qui correspond à pratiquement 200 journées de plein soleil.

Ces délais sont difficilement tenables en pratique et ne tiennent pas compte de l’influence de la végétation qui filtre les UV au cours de sa croissance. D’autres facteurs doivent ainsi probablement exercer une action pour dégrader complètement ce type de plastique. C’est notamment le cas des plastiques de type « oxo » qui contiennent des additifs visant à accélérer la fragmentation de la matière sous l’action de la chaleur ou des UV.

Une évaluation au champ, en conditions réelles

Afin d’évaluer la dégradabilité sur le terrain, un essai a été réalisé par le Cipf en 2020 sur une parcelle située dans le Brabant wallon avec différents plastiques de générations plus récentes de marque Samco. Cet essai a permis de confirmer certains des résultats obtenus en laboratoire en fonction du type de plastique considéré.

Sous l’effet de la lumière, ce sont les plastiques « White » et « Grey » (oxo-photodégradables) qui ont montré une fragmentation plus rapide. En effet, dès le stade 7 feuilles du maïs, ces deux plastiques étaient déjà fortement dégradés comme les photos le montrent (en page 20). Il faut toutefois signaler qu’au moment de la récolte, quelques fragments étaient encore bien présents au pied du maïs, surtout dans le cas du film « Grey ». Ceci s’explique probablement par l’effet de filtration des UV suite au développement de la végétation, comme évoqué précédemment.

Concernant les plastiques « Black » et « Green » (biodégradables), très peu de changements ont été constatés au moment de la récolte. Vu qu’il n’y a pas eu d’incorporation au sol, ces plastiques n’ont pas pu être dégradés par les micro-organismes. De plus, ce type de plastique s’avère être moins sensible à la lumière pour se fragmenter, ce qui expliquerait ces résultats.

Avec quels effets sur la culture ?

Au niveau de l’influence sur la croissance du maïs, plusieurs constatations ont été faites.

La dégradation des films « Black » et « Green » est probablement trop lente ; le film « Black » ne semble pas assez adapté pour ce type de semis. À l’inverse, celle du film « White » est trop rapide. Ceci pourrait être néfaste en cas de gelée tardive et limite l’effet de serre pourtant profitable à la culture.

Plastique «Grey» au stade 7-8feuilles. La base de quelques plantes est jaune mais le maïs est assez régulier. Le film est fortement dégradé au milieu mais il est encorebien présent au pied du maïs. (Cipf, 2020)
Plastique «Grey» au stade 7-8feuilles. La base de quelques plantes est jaune mais le maïs est assez régulier. Le film est fortement dégradé au milieu mais il est encorebien présent au pied du maïs. (Cipf, 2020)

Lors de semis tardifs, le film « Green » n’est probablement pas idéal. En effet, en cas de fortes chaleurs, le maïs pourrait souffrir d’un effet de serre trop important provoquant des « coups de soleil » sous le film. Des feuilles sèches ont d’ailleurs été remarquées dans cet essai à la fin du printemps.

Plastique « White » à la maturité complète du maïs. Le film est presque entièrement dégradé, il ne reste plus que quelques lambeaux. (Cipf 2020)
Plastique « White » à la maturité complète du maïs. Le film est presque entièrement dégradé, il ne reste plus que quelques lambeaux. (Cipf 2020)

Le semis de maïs sous les films « Grey » et « Green » a engendré une augmentation du rendement en matière sèche par rapport au témoin, mais cette augmentation n’est pas significative.

Plastique « black » à la maturité complète  du maïs. Le film est encore totalement présent, il commence seulement  à se dégrader. (Cipf, 2020)
Plastique « black » à la maturité complète du maïs. Le film est encore totalement présent, il commence seulement à se dégrader. (Cipf, 2020)

Toutefois, les témoins étaient intercalés entre les bandes de maïs avec plastique, ce qui a probablement créé un effet brise-vent pour les témoins qui ont ainsi atteint des rendements de 26 t de matière sèche. Ceux-ci sont nettement plus élevés que ceux obtenus dans les meilleures parcelles de maïs fourrage en 2020 ( figure 2 ).

Figure 2: rendements obtenus en matière sèche (t/ha) avec chaque film plastique (Cipf, 2020).
Figure 2: rendements obtenus en matière sèche (t/ha) avec chaque film plastique (Cipf, 2020).

Innover pour réduire l’impact environnemental

Pour conclure, nous voyons à l’issue de ces essais que la dégradation des plastiques utilisés en culture de maïs va dépendre de différents facteurs. En fonction du type considéré, la composition du plastique ne sera pas la même, et il a été montré que la teneur en carbone semble influencer directement l’activité de minéralisation des micro-organismes du sol.

L’effet de la lumière sur la dégradation semble aussi fortement lié au type de plastique considéré ; les plastiques photodégradables étant plus réactifs sur ce point. Ces essais ont donc permis de démontrer que les caractéristiques fournies par les firmes de production semblent cohérentes.

Le marché évolue et de nouvelles caractéristiques sont développées pour répondre à la demande et aux diverses utilisations. L’innovation dans la gamme des plastiques semble être la voie d’amélioration technologique la plus probable à l’avenir afin de réduire encore l’impact environnemental et permettre à la plasticulture de subsister en maïs.

D’autres essais de dégradation en laboratoire seront donc encore envisagés au cours des prochaines années, et de nouveaux protocoles pourront ainsi être testés.

D’après Géry Carbonnelle,

Carah – Centre Pilote Maïs,

Julien Louvieaux

et Olivier Mahieu,

Carah,

Alexis Delautre,

Jean-François Oost

et Guy Foucart,

Cipf

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