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Les champs d’ici, les eaux de là

Dès à présent, il est possible de s’inscrire et de se placer en ordre de bataille pour les engagements MAEC 2022. Certaines mesures demandent la visite d’un expert ; ainsi, Natagriwal pourra venir dès juin diagnostiquer la pertinence de telle ou telle demande. Ne méprisons pas les MAEC, et surtout ne nous leurrons pas : nos aides PAC en faveur de l’environnement iront croissantes. La prime « vaches allaitantes » deviendra prime au maintien de prairies permanentes, ou quelque chose dans le genre, dans un avenir pas si lointain. D’ici quelques années, plus rien ne sera donné sans une grande contrepartie écologique. La lutte contre les changements climatiques échauffe de plus en plus les esprits ; la perte de biodiversité et la dégradation des sols agricoles émeuvent sans cesse davantage nos sociétés occidentales. Un vaste combat semble vouloir être engagé, afin de restaurer un équilibre dans les cycles du carbone et de l’azote. Chez nous ! En Europe ! Mais ailleurs ?

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Les champs d’ici sont placés sous haute surveillance, tandis que les terres au-delà des océans, les eaux de là, sont malmenées et empoisonnées sans le moindre état d’âme pour cultiver du soja OGM ou élever du bétail, à grands renforts de pharmacie et de chimie. Laver plus vert que vert est-il vraiment utile en Europe, si nos sociétés achètent des produits agricoles issus du saccage de zones naturelles, et cautionnent ainsi des pratiques désastreuses ?

Nous vivons dans un monde bizarre, où la main droite de nos décideurs ignore ce que fait leur main gauche. On donne des primes pour planter des haies vives et des vergers, pour réhabiliter des mares et des étangs, pour entretenir et sauvegarder des prairies à haute biodiversité, pour pratiquer une agriculture dite « biologique ». Dans le même temps, on importe des tonnages exorbitants de bois exotiques africains, de soja d’Amazonie, de bananes colombiennes « pralinées » de cocaïne, d’huile de palme de Sumatra et Bornéo, de sucre de canne de Thaïlande ; on signe des accords commerciaux avec le Mercosur et d’autres zones de non-droit environnemental et social. Pourquoi donc acheter leurs « crasses » ? Parce qu’elles sont bon marché et font tourner en Europe le moteur d’un vaste brassage d’argent, de bénéfices plantureux qui enrichissent nos industries agro-alimentaires, nos usines et nos commerces, et boostent les PIB de nos pays dits « riches et développés », tellement riches qu’ils peuvent se payer le luxe de rémunérer leurs agriculteurs à ne pas trop produire pour protéger leur environnement !

C’est absolument hallucinant, quand on songe ! Via la PAC, l’Union Européenne se rachète une virginité, se dessine une auréole de sainteté écologique au-dessus de la tête, tandis qu’elle fricote avec des bandits environnementaux sud-américains et indonésiens ! Elle se pose en exemple et voudrait donner des leçons à la Russie, aux États-Unis, à la Chine, l’Inde… L’UE est pharisienne au-delà de toute expression ! Elle profite à fond des pays pauvres émergents d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie du Sud-Est, mais fustige leurs pratiques polluantes. « Nous, nous ne sommes pas comme ces va-nu-pieds destructeurs de forêts, ces tueurs d’orangs-outans, ces massacreurs d’Indiens d’Amazonie, ces mercenaires assassins et violeurs du Kivu qui nous vendent des minerais pour nos smart-phones ! Nous protégeons nos gens, nous aidons et guidons notre agriculture pour qu’elle produise de manière durable et respectueuse ! ».

Ainsi, le Green Deal de l’UE envisage -sans rire !- de porter la part de l’agriculture biologique à 25 %, de favoriser les pratiques extensives via les MAEC de la PAC. Formidable ! L’intention est louable, mais elle entraînera une baisse de production agricole, laquelle devra être compensée… par des importations, par des achats effrénés, effectués dans ces zones de non-droit écologique, sanitaire et social. Dans ces enfers sur Terre, pavés de nos bonnes intentions ! Ainsi, notre belle Europe sera verte et vertueuse, mais indirectement « vert-tueuse », et même tueuse tout court, par ses importations d’ailleurs dans le monde. Elle exportera sa sauvagerie écologique dans des pays lointains ; en quelque sorte, les champs lavés plus vert que vert d’ici pollueront les eaux de là-bas. En toute impunité ! Avec cette aura de championne de l’environnement !

La réforme actuelle de la PAC, toujours en pleine cogitation agitée, est menée en toute schizophrénie, tirée à hue et à dia par des eurocrates soucieux de favoriser l’économie, et de donner une image écologique à notre agriculture. Bien entendu, leur discours est parfaitement rodé, brodé d’artifices bien-pensants, mais une fois décodé, il exprime l’amoralité d’une technocratie dévouée corps et âme au capitalisme. En toute innocence, nous autres agriculteurs travaillons dans leur sens, lorsque nous respectons la conditionnalité environnementale et engageons des mesures agri-environnementales. Ainsi fonctionnent les tyrans futés au 21e siècle : ils enfument les naïfs et les gens de bonne volonté comme nous, pour en faire leurs complices.

Verdis sans complexe par l’argent insane du PIB européen, les champs d’ici polluent et tuent l’eau de là. L’Au-Delà…

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