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Protection fongicide du froment: quels produits choisir face aux maladies rencontrées?

SDHI, triazoles, strobilurines, soufre… Face aux maladies rencontrées en froment et au panel de produits disponibles sur le marché, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver. C’est pourquoi le Carah apporte un éclairage permettant de sélectionner les matières actives les plus adéquates, selon la situation rencontrée au champ. Et ce, avant de livrer ses recommandations quant au positionnement des fongicides dans un programme à un, deux ou trois traitements, à lire la semaine prochaine.

Temps de lecture : 13 min

U ne brève rétrospective de la dernière campagne permettra, en premier lieu, de mieux comprendre les interventions effectuées.

Après un mois de septembre 2019 assez sec, octobre s’est avéré particulièrement humide. La pluviométrie enregistrée a été supérieure à 100 l/m². L'implantation des céréales s’est réalisée durant les courtes fenêtres de beau temps. En novembre, la pluie a continué de tomber de manière régulière rendant difficiles les travaux de récolte d’automne, ce qui a souvent affecté la structure du sol.

D’une manière générale, les premières levées de froment se sont déroulées dans de bonnes conditions. Les températures du mois de novembre, présentant des valeurs légèrement inférieures à la normale, ont permis d’éviter les pullulations d’insectes d’automne comme les mouches des semis, les pucerons ou les cicadelles.

Le temps humide s’est prolongé durant tout l’hiver, jusqu’à la fin mars. Si les levées tardives ont, dans un premier temps, été régulières, par la suite, les conditions de croissance ont été défavorables, et le tallage a été moindre que lors des années précédentes. L’hiver s’est avéré très doux sans être un réel hiver.

Fin mars, la période de pluie a pris fin laissant place à une longue période de sécheresse. En avril, l’hiver a brutalement laissé place à l’été avec 15 journées durant lesquelles les températures ont dépassé les 20ºC, cela accompagné d’une luminosité abondante. Par conséquent, le nombre de grains par épi a atteint des records.

Les vents desséchants provenant du nord et de l’est ont enrayé le développement des principales maladies fongiques. Omniprésente durant les dernières décennies, la septoriose est restée discrète en 2020. Les rouilles, elles, sont nettement moins dépendantes de l’humidité. Aussi, à la faveur des températures élevées de l’hiver et du printemps, la rouille jaune a fait son apparition. Cependant, durant cette saison, son développement est resté limité.

Des pluies attendues

En mai, le nombre d’heures d’ensoleillement a été exceptionnel avec une excellente photosynthèse. Le mois a connu des pics de températures frôlant parfois les 30ºC mais comptait 7 jours avec des minima inférieurs à 3ºC, entre autres durant les « Saints de Glace » (12, 13 et 14 mai). En Hainaut et Hesbaye, des dégâts de gel sur épis et des problèmes de stérilité en ont souvent résulté.

La floraison du froment a eu lieu fin mai, début juin. Les températures étaient chaudes et la pluie n’est arrivée que plus tard favorisant le développement tardif de la rouille brune. La fusariose a donc, tout comme ces trois dernières saisons, été évitée. Les pluies de la mi-juin ont permis aux variétés d’exprimer leur plein potentiel, tout en maintenant une bonne teneur en protéines.

Les récoltes de froment ont débuté vers le 20 juillet et se sont poursuivies jusqu’à la mi-août. Les rendements sur les terres en ordre ont atteint des records contrairement aux sols desséchants ou altérés par la récolte de certains précédents culturaux.

Les maladies sous la loupe

Du côté des maladies, toutes n’ont pas montré la même progression ou agressivité.

  Septoriose ( Septoria tritici et nodurum )

Des symptômes de septoriose étaient facilement observables sur les variétés sensibles, dès la sortie de l’hiver. Au stade redressement, le Hainaut présentait un niveau d’infection assez élevé. Au 1er  nœud, la maladie restait présente en fond de végétation et à des niveaux équivalents, partout en Wallonie. La situation ne nécessitait donc pas de premier traitement fongicide (T0).

Au stade 2ème  nœud, stade clé pour la protection fongicide contre ce champignon, la présence de symptômes sur les variétés sensibles a parfois nécessité un premier traitement. Sur les variétés moyennement sensibles à peu sensibles, la pression était moindre et ne nécessitait donc pas d’intervention.

Après le stade 2ème  nœud, la sécheresse des mois d’avril et mai et la prédominance des vents des secteurs nord et est ont bloqué le développement de la septoriose vers les étages foliaires supérieurs. Au stade dernière feuille, un premier traitement a été conseillé pour les situations où aucun traitement n’avait encore été effectué.

Après la sécheresse sévère des mois d’avril et mai, les précipitations ont fait leur retour en juin tout en restant déficitaires par rapport à la normale. Dans ces conditions, la maladie n’a évolué qu’assez tard vers les étages foliaires supérieurs et n’a donc eu qu’un impact limité sur le rendement, même en l’absence de traitement fongicide.

  Oïdium ( Blumeria graminis )

En 2020, l’oïdium était présent sur les variétés les plus sensibles mais sa pression est restée faible tout au long de la saison, et aucune atteinte significative au rendement n’a été notée.

  Rouille brune ( Puccinia triticina )

La rouille brune a été observée en région Ouest au stade redressement pour disparaître ensuite jusqu’au stade dernière feuille où elle a été observée, cette fois en Condroz. Elle ne s’est développée que tardivement après la floraison sans engendrer de grosses pertes de rendement, même sans traitement.

  Rouille jaune ( Puccinia striiformis )

Des symptômes de rouille jaune étaient observables dès la sortie de l’hiver en 2020. Au stade redressement, les premiers symptômes ont été observés dans la région Ouest de la Wallonie. Au stade 1er  nœud, dans la région Est, des symptômes ont été observés sur variétés sensibles (Re flection). Au stade 2ème  nœud, la maladie était observée un peu partout sur les variétés les plus sensibles Des traitements fongicides spécifiques ont été conseillés pour les situations à risques. Au stade dernière feuille, elle était présente sur tous les étages foliaires inférieurs.

En cas de rouille jaune, les variétés qualifiées de sensibles marquent souvent une différence de sensibilité liée à la souche fongique présente et peuvent donc avoir un comportement différent d’une année à l’autre. Une sensibilité à la rouille jaune pour une souche peut aussi s’accroître au fil des saisons pour une même variété. Tout ceci fait que les observations issues des parcelles fermières sont également importantes à prendre en compte, pour décider d’un traitement fongicide.

  Helminthosporiose ( Pyrenophora ( Drechslera ) tritici-repentis )

En 2020, l’helminthosporiose est restée discrète dans les parcelles d’essais.

  Fusariose des épis ( Microdochium spp. et Fusarium spp. )

La fusariose sur épis est une maladie causée par un complexe de pathogènes appartenant aux genres Microdochium et Fusarium .

Malgré le retour de quelques précipitations en juin, les conditions météo au moment de la floraison n’ont pas été favorables au développement des fusarioses de l’épi. Aucune cotation de cette maladie n’a d’ailleurs pu être effectuée dans les essais variétaux cette année.

Quelle efficacité des fongicides face à l’oïdium et à la septoriose ?

Les essais conduits par le Carah permettent de mesurer l’efficacité des produits et matières actives disponibles sur le marché.

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  Oïdium

Les produits éradiquants les plus efficaces à l’heure actuelle restent les produits à base de spiroxamine et de fenpropidine. Leur rémanence est cependant limitée (2 semaines).

La métrafenone (Flexity…) et le cyflufenamide (Nissodium) ont été testés dans les essais en T1 au stade 2 nœuds avec un bon résultat.

Le Property 180SC a aussi montré une bonne efficacité en tant qu’anti-oïdium spécifique.

  Septoriose

Les SDHI (ou carboxamides) restent la base dans la lutte contre la septoriose en combinaison avec une triazole. Il s’agit des produits suivants :

– Aviator Xpro, Evora Xpro, Variano Xpro (bixafen),

– Ascra Xpro (bixafen + fluopyram),

– Imtrex (xemium),

– Priaxor EC (xemium),

– Librax (xemium),

– Elatus Plus, Velogy Era (benzovindiflupyr).

L’année 2020 a été marquée par une rouille brune tardive et par une faible présence de la septoriose qui a induit des pertes faibles de rendement en absence de traitement fongicide.

Avec un traitement préventif effectué au stade 39, les rendements observés sont à l’avantage du Velogy et de l’Aviator, devant le Librax et l’Ascra Xpro, d’après les essais du Carah. Au stade épiaison, en traitement curatif, c’est l’Ascra Xpro et l’Aviator qui prennent la tête du classement, suivis du Velogy puis du Librax.

Les triazoles restent une des bases de la lutte contre la septoriose même si du fait des résistances, leur efficacité continue à s’effriter.

Parmi les triazoles, le prothioconazole (Input 1,25 l/ha…) montre la meilleure efficacité, mais quelques matières actives utilisées moins intensivement depuis quelques années semblent revenir à l’avant-plan, comme le metconazole ou le tébuconazole. Les mélanges semblent mieux tirer leur épingle du jeu.

La nouvelles triazole, le mefentrifluconazole (dans Lenvyor, Revistar Gold, Revitrex…), semble être très prometteuse dans la lutte contre cette maladie.

Les strobilurines d’ancienne génération n’ont plus aucune utilité dans la lutte contre ce champignon. Néanmoins, la fenpicoxamide (Aquino…), strobilurine de nouvelle génération, semble aussi prometteuse.

Avec les résistances, certains partenaires (autres que les SDHI) restent incontournables pour améliorer l’efficacité des triazoles sur septoriose. Suite au retrait du chlorothalonil, le choix est plus restreint. En pratique, le prochloraze (dans le Sportak, Mirage et en mélange dans Ampera…) est toujours agréé en froment mais il montre une efficacité nettement plus faible que le chlorothalonil. Du côté du folpet (dans le Mirror ou Stavento), l’efficacité reste à confirmer en année à forte pression. Enfin, le soufre (Cosavet WG, Kumulus WG, Hermovit, Vertipin SC, Flosul) est un candidat possible au remplacement du chlorothalonil.

Et en présence de rouilles ?

Les rouilles brune et jaune ont également été au cœur des observations.

  Rouille brune

La rouille brune est généralement bien contrôlée par les traitements d’épiaison. Cependant, cette maladie n’est jamais aussi dommageable que lorsque les conditions climatiques sont favorables à son développement précoce, durant la montaison. Dans ces conditions, le choix du produit et de sa dose revêt un caractère primordial.

Observons le comportement des SDHI face à la rouille brune. En traitement curatif au stade 55, le Velogy Era à 1 l/ha possède une efficacité et une rémanence du meilleur niveau. En situation curative, l’Aviator Xpro est le produit à base de SDHI le moins efficace contre cette maladie à ce stade. En traitement préventif au stade 39, l’efficacité des mélanges à base de SDHIs est assez similaire.

Les triazoles , en termes d’efficacité contre rouille brune, peuvent être classées comme suit :

– le tébuconazole (Tebucur…) possède toujours une bonne efficacité préventive et curative,

– le tébuconazole + prothioconazole (Prosaro) se situe entre Tebucur et Input,

– le metconazole (Simveris, Plexeo, Artina…) possède une efficacité moyenne,

– le prothioconazole (dans Input, Protendo…) est assez curatif mais manque de rémanence (15 jours),

– le tetraconazole (Eminent) et le bromuconazole (dans Soleil) sont insuffisants,

– le mefentrifluconazole (Lenvyor) possède une efficacité moyenne.

À la dose pleine de produit : Horizon > Prosaro ≥ Caramba > Input.

Les produits de contact et le prochloraz (Sportak, Mirage) n’apportent, quant à eux, rien dans la lutte contre la rouille brune. Les strobilurines ont prouvé qu’elles restent un atout en mélange à une triazole, dans la lutte contre ce champignon, excepté l’Aquino (Inatreq) qui devra être complété.

Et les triazoles anti-fusariose de l’épi , que donnent-elles face à la rouille brune ? Le tebuconazole (Tebucur…) s’avère très efficace sur rouille mais moyen sur septoriose. Le Prosaro, lui, est moins rémanent que l’Horizon sur rouille mais plus efficace sur septoriose. L’Input ou le Protendo sont efficaces sur septoriose mais manque un peu de rémanence sur rouille brune.

  Rouille jaune

La rouille jaune doit être combattue à partir du stade 30-31, dès l’apparition des symptômes sur variétés sensibles, afin d’éviter son développement parfois incontrôlable face auquel la curativité des produits laisse parfois à désirer. Ceci souligne l’importance de connaître la sensibilité de sa variété, de suivre les avertissements et d’aller visiter ses parcelles pour détecter la présence de la maladie.

Au champ, lorsque la maladie est détectée, l’intensité de l’attaque doit justifier le traitement, le choix du produit et sa dose.

Avant le stade 32 (T0 au stade 30-31) , on ne traitera qu’en cas de foyers actifs (pustules pulvérulentes) sur variétés sensibles, sinon on reportera le traitement au stade 32. Ce traitement parfois indispensable a un coût et ne se justifie qu’en cas de stricte nécessité. Dans ce cas, une triazole efficace, bon marché et agréée , du type tébuconazole (Tebucur…) donne de bons résultats même à dose réduite. Si la pression est très forte et généralisée, le mélange avec une strobilurine (Amistar, Comet New…) à dose réduite peut être utile.

Un traitement effectué plusieurs semaines avant le stade 2ème  nœuds ne contribuera que très peu à la protection des trois dernières feuilles indispensables à l’élaboration du rendement de la culture. C’est pourquoi il sera souvent nécessaire d’effectuer un traitement complémentaire au stade 32 pour assurer la rémanence.

Enfin, si la maladie n’est observée que ponctuellement, il est conseillé de reporter le traitement en suivant son évolution.

À partir du stade 32 , il est possible d’effectuer un traitement complet efficace contre rouilles et septoriose. Au stade 2 nœuds, une rouille jaune bien installée peut aussi nécessiter un traitement renforcé avec une strobilurine.

En situation « fusariose »

En 2016, la fusariose des épis avait refait une apparition très marquée. Depuis, elle s’est distinguée par sa quasi-absence.

Les traitements uniques à la dernière feuille ne protègent pas suffisamment les épis et sont même capables de stimuler la production de DON dans certaines situations. C’est pourquoi, en condition de risque élevé de fusariose des épis (pluies à répétition de l’épiaison à la floraison), les traitements uniques au stade 39 doivent impérativement être suivis par un traitement à la floraison avec un produit efficace contre la fusariose.

La lutte contre la fusariose du blé s’appréhende dès la récolte du précédent . Voici en ordre d’importance, quelques conseils à suivre pour éviter les grosses déconvenues.

Le précédent maïs représente un facteur important de risque fusariose en blé. Il est possible de limiter ce risque moyennant quelques précautions : éviter le semis direct après une culture de maïs (et, à fortiori, de maïs grain) ; broyer finement et incorporer les résidus de culture de maïs avant semis du blé, pour faciliter leur décomposition, en cas de technique de semis simplifié ; labourer (solution la plus sûre).

Depuis 2016, la fusariose se caractérise par sa quasi-absence. Gardons cependant en tête  que les traitements uniques à la dernière feuille ne protègent pas suffisamment les épis  et sont même capables de stimuler la production de DON dans certaines situations. En condition de risque élevé, les traitements uniques au stade 39 doivent donc impérativement être suivis par un traitement à la floraison avec un produit efficace contre la fusariose.
Depuis 2016, la fusariose se caractérise par sa quasi-absence. Gardons cependant en tête que les traitements uniques à la dernière feuille ne protègent pas suffisamment les épis et sont même capables de stimuler la production de DON dans certaines situations. En condition de risque élevé, les traitements uniques au stade 39 doivent donc impérativement être suivis par un traitement à la floraison avec un produit efficace contre la fusariose. - J.V.

Il convient également de choisir une variété de blé résistante , que ce soit par résistance physiologique (variété qui extrude rapidement les étamines) ou phénotypique (les plantes hautes sont généralement moins sensibles) ou par résistance active (blocage par la plante de l’installation ou de la progression du champignon ; dégradation des mycotoxines).

Enfin, il est possible de gérer le risque via le programme « fongicide » . On optera alors à l’épiaison – floraison pour un traitement efficace sur fusariose. Le volume d’eau à l’hectare apparaît comme un facteur important de l’efficacité du produit. Les bas volumes donnent de moins bons résultats. Un volume de 150 l/ha semble constituer un minimum.

L’efficacité des produits en fonction du type de fusariose est renseignée dans le tableau 2. Le prothioconazole y figure comme le seul produit efficace sur les deux fusarioses, avec une diminution de la teneur en DON dans les grains.

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Sur base des essais 2016, il est donc logique que les traitements à base de prothioconazole (Prosaro) seul ou associé, appliqués à la pleine floraison, aient constitué un plus dans la protection du froment. Les programmes à deux traitements aux stades « dernière feuille » et « floraison » ainsi que les programmes en trois traitements avec fractionnement des doses entre la dernière feuille et la floraison se sont montrés économiquement très intéressants.

La réduction de la dose de prothioconazole (dans Prosaro à 0,5 l/ha) diminue son efficacité contre la fusariose des épis, mais celle-ci reste néanmoins intéressante. Il semble également que ces mêmes triazoles, testés au stade épiaison (55) montrent déjà une certaine efficacité sur les fusarioses et la teneur en DON si la contamination de l’épi est précoce.

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À suivre, la semaine prochaine : le positionnement des fongicides dans un programme à un, deux ou trois traitements.

D’après Olivier Mahieu

Carah

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