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Protection fongicide du froment: opter pour un programme, mais lequel?

Après les apports azotés et l’application d’un régulateur, sonne l’heure de la protection fongicide du froment. Que l’on opte pour un traitement unique ou pour un programme à plusieurs traitements, ces quelques conseils distillés par le Carah permettent d’appréhender au mieux cette importante opération destinée à sécuriser les rendements.

Temps de lecture : 9 min

La protection fongicide du froment requiert d’être attentif au développement des maladies et d’adapter le choix des traitements à la situation rencontrée (lire notre édition de la semaine dernière). Ces traitements peuvent d’ailleurs être envisagés sous forme de programme à un, deux ou trois traitements.

Judicieux, le traitement unique ?

Le traitement unique peut être réalisé aux stades « dernière feuille » ou « épiaison ».

  Dernière feuille

Ce type de programme dégage souvent une bonne marge financière, à fortiori lorsque le prix du blé est inférieur à 150 €/ha et que la variété est résistante à la septoriose.

Dans ce type de positionnement, les associations SDHI + triazole font clairement la différence par rapport à l’ancienne référence Opus Team à 1,5 l/ha, surtout dans la lutte contre la septoriose. C’est ce que montre la figure 1, qui reprend l’efficacité et le gain de rendement brut et net (net = coût du fongicide et du passage déduit pour un blé à 190 €/ha) par rapport au témoin non traité, de différents produits appliqués en traitement unique aux stades 39 et 55, sur 4 ans d’essais en moyenne.

Le comparatif pluriannuel entre les différentes SDHI est restreint puisque beaucoup de produits ne sont plus autorisés suite au retrait de l’époxiconazole. L’Opus Team a été conservé à titre de comparaison.

Au stade 39, l’avantage va au Velogy Era 1 l/ha, suivi par l’Aviator Xpro 1,25 l/ha, que ce soit en rendement brut ou net. L’Opus Team 1,5 l/ha ferme le classement quel que soit le stade d’application.

En situation de risque élevé de fusariose des épis (pluies à répétition de l’épiaison à la floraison), les traitements uniques au stade 39 doivent impérativement être suivis par un traitement à la floraison avec un produit efficace contre la fusariose. Un traitement unique à la dernière feuille ne protège pas suffisamment les épis.

  Épiaison

Le traitement unique d’épiaison manque généralement d’efficacité et de rentabilité essentiellement sur septoriose. La figure 1 montre sur 4 ans d’essais que le Velogy Era 1 l/ha arrive en tête de classement, suivi par l’Aviator Xpro et l’Opus team. Ces deux produits conviennent aussi en situation à risque de fusarioses.

Figure 1 : efficacité sur septoriose et rouille brune, notée de 1 à 9, et gain de rendement par rapport au témoin non traité, en %,  de différents produits appliqués seuls aux stades 39 et 55 (essais d’Ath et Melles en 2017, 2018, 2019 et 2020 ; Carah).
Figure 1 : efficacité sur septoriose et rouille brune, notée de 1 à 9, et gain de rendement par rapport au témoin non traité, en %, de différents produits appliqués seuls aux stades 39 et 55 (essais d’Ath et Melles en 2017, 2018, 2019 et 2020 ; Carah).

Quand privilégier le programme à deux traitements ?

Les programmes de traitements aux stades « 2 nœuds » puis « épiaison » montraient généralement le meilleur compromis sur variétés sensibles à la septoriose et à la rouille brune. La figure 2 montre qu’en moyenne sur 2 ans, les programmes de traitements aux stades « dernière feuille » (BBCH 39) puis « floraison » (BBCH 60) procurent un rendement brut assez similaire mais un rendement net un peu plus élevé. Il faut peut-être y voir l’effet des résistances diverses aux fongicides, qui doivent être appliqués à intervalles de plus en plus serrés pour conserver leur efficacité et leur rémanence.

Figure 2 : gain de rendement brut et net par rapport au témoin non traité en kg/ha obtenu par différents programmes à 1, 2, 3 ou 4 traitements pour un prix du blé fixé à 190 €/t (moyenne des essais « réseau » en 2017, 2018, 2019 et 2020 ; Carah).
Figure 2 : gain de rendement brut et net par rapport au témoin non traité en kg/ha obtenu par différents programmes à 1, 2, 3 ou 4 traitements pour un prix du blé fixé à 190 €/t (moyenne des essais « réseau » en 2017, 2018, 2019 et 2020 ; Carah).

De manière générale, l’alternance des matières actives et des modes d’action est recommandée pour retarder ces résistances.

Le choix d’appliquer un traitement T1 au stade 2 nœuds ou de le postposer se fera principalement en fonction de la pression en septoriose.

  T1 au stade 2 nœuds : privilégier les triazoles

Les SDHI ne sont pas recommandées au stade 2 nœuds dans un souci d’alternance.

En T1, le choix se base sur les triazoles et parmi elles, les meilleures sont le prothioconazole (Input, Protendo, Kestrel…), le metconazole (Caramba, Sirena, Plexeo, Artina, Simveris) et le mefentrifluconazole (Lenvyor, Balaya…). La nouvelle strobilurine, le fenpicoxamid dans l’Aquino (ou Questar ou Peacoq) conviendra également à ce stade en mélange à une triazole.

Au stade 2 nœuds, il est souvent intéressant de compléter les triazoles pour les renforcer contre la septoriose avec 3 kg/ha de soufre ou de folpet (Stavento ou Mirror). Les résultats de quelques exemples de mélanges à doses modulables en fonction de la pression sont présentés à la figure 3.

Figure 3 : gain de rendement brut et net par rapport au témoin non traité en kg/ha obtenu par différents programmes  à 2 ou 3 traitements dans les essais produits en 2020, pour un prix du blé fixé à 190 €/t (Carah).
Figure 3 : gain de rendement brut et net par rapport au témoin non traité en kg/ha obtenu par différents programmes à 2 ou 3 traitements dans les essais produits en 2020, pour un prix du blé fixé à 190 €/t (Carah).

Le mélange avec une strobilurine ne s’avère intéressant à ce stade qu’en cas de rouille brune ou jaune très précoce et intense (cas exceptionnels de 2007, 2008 et 2014).

  T1 au stade dernière feuille (39)

Voir le traitement unique au stade « dernière feuille », ci-dessus.

  T2 au stade épiaison (55)

L’application du T2 interviendra maximum trois semaines après le T1.

Parmi les carboxamides ( SDHI ), Velogy Era, Ascra Xpro, Priaxor EC, Librax et Aviator Xpro tiennent le haut du panier. La gamme Xémium a l’avantage sur rouilles tandis que l’Aviator Xpro avec le prothioconazole est supérieur sur fusarioses, surtout lorsque les pluies contaminatrices coïncident avec le stade 55-59. Le Velogy Era combine une excellente efficacité sur rouille brune avec le benzovindiflupyr et sur fusariose grâce au prothioconazole.

Les nouveautés Revistar Gold, Revitrex, Balaya (+ Imtrex) et Aquino trouveront également leur place à ce stade.

  T2 au stade floraison (65)

Parmi les produits « anti-fusariose », ceux qui procurent le meilleur rendement tout en étant les plus polyvalents sont le Prosaro (0,5 à 1 l/ha), l’Input ou le Kestrel (0,65 à 1,25l/ha) et le Protendo 300EC (0,2 à 0,4 l/ha).

Ces produits à base de prothioconazole, positionnés au stade 60 sont efficaces contre Michrodochium et Fusarium .

Et le programme à trois traitements ?

Dans ce cadre, deux programmes sont possibles. Une possibilité à quatre traitements existe également.

  Traitement « T0 » au stade 31

Ces dernières années s’est posée la question de la pertinence du « T0 » au stade 31 pour lutter contre la rouille jaune. Les essais ont montré que la réponse d’un T0 (Tebucur à 0,6 l/ha) sur le rendement est positive (5 % de rendement) en présence de symptômes importants de rouille jaune.

Par contre, en l’absence de rouille jaune et en présence de septoriose, le T0 montre un effet positif sur le rendement brut mais se justifie moins en termes de rentabilité.

  Trois traitements à doses réduites aux stades 32, 39 et 65

Après une première application de fongicides au stade 2 nœuds à demi-dose en mélange à un produit de contact, une alternative consiste à appliquer une demi-dose de SDHI + triazole au stade 39 suivie d’une demi-dose d’un produit de type « Prosaro » à la floraison.

La figure 2 montre que ce schéma de protection, qui comptabilise au total trois traitements, permet de dégager un rendement net plus élevé que les programmes classiques « 2ème  nœud – épiaison » ou « dernière feuille – floraison » si les doses appliquées sont réduites. Il nécessite toutefois une sortie supplémentaire du pulvérisateur.

Le premier traitement à dose réduite au stade 32 permet de bloquer la septoriose dans le bas des plantes tandis que le traitement au stade 39 protège, dès sa sortie, la dernière feuille très importante pour le rendement, tout en assurant un relais suffisamment court avec le premier traitement. Le dernier passage à la floraison permet d’allonger la rémanence du programme fongicide jusqu’à la fin du remplissage des grains.

Le choix du bon programme est crucial pour assurer les rendements, mais  la confirmation ne viendra que quelques semaines plus tard, à la moisson.
Le choix du bon programme est crucial pour assurer les rendements, mais la confirmation ne viendra que quelques semaines plus tard, à la moisson. - J.V.

Le fait de moyenner sur quatre ans différentes modalités d’un même programme permet de dégager les programmes les plus rentables comme le montre la figure 2. Il ressort de ce graphique que le programme à trois traitements à doses réduites (3TR stades 32/39/65) permet d’atteindre un rendement net parmi les meilleurs.

  Quatre traitements à demi-doses aux stades 31, 32, 39 et 65

La figure 2 montre que ce schéma (4TR.) de protection, qui comptabilise au total quatre traitements à doses réduites effectués aux stades 31, 32, 39 et 60, permet de dégager le meilleur rendement brut et net depuis 4 ans dans les essais du Carah. Il demande cependant de nombreuses sorties de pulvérisateurs, ce qui n’est pas toujours compatible avec l’emploi du temps de chacun. Ce système est de plus suspecté de contribuer à l’apparition de résistances.

Intervenir au moment opportun

En soi, le nombre de traitements n’est pas primordial même si l’objectif est de tendre vers un minimum. Ce qui importe, c’est d’intervenir lorsque les seuils d’intervention sont atteints, en visant l’optimum économique en accord avec la durabilité des matières actives et un impact jaugé sur l’environnement.

La prise en compte de ces aspects peut mener à trois traitements tout comme à un seul en fonction de la résistance variétale, de la situation pédoclimatique ou plus pragmatiquement du prix des intrants et du prix de vente des céréales. Dans tous les cas, il est important de privilégier les mélanges et l’alternance des matières actives.

  En programme à trois traitements

Ainsi, le « T0 » avant le stade 2 nœuds (stade 30-31) n’est conseillé qu’en cas de rouille pulvérulente sévère sur variétés sensibles. Suivre les avertissements et ses parcelles est donc essentiel ! Un traitement aux stades 2 nœuds et épiaison seront nécessaires pour assurer la rémanence du T0.

Si on opte pour un fractionnement en 3 passages  : après un traitement T1 au stade 32 (à dose pleine ou réduite), il est possible de fractionner la dose totale prévue pour le T2 et de l’appliquer en 2 passages aux stades dernière feuille (39) et floraison (60-65). Ce système a fait ses preuves car un décalage dans le positionnement est moins impactant sur le rendement et ce programme est économique, rentable et régulier. Il permet, en outre, d’intégrer plus aisément la problématique fusariose.

Enfin, il convient de privilégier le mélange ou l’alternance de matières actives à mode d’action différent.

  En programme à deux traitements ou en traitement unique

Le positionnement du traitement doit être optimal. Suivre les avertissements est la base. Attention également à la perte d’efficacité des triazoles : il faut viser le stade 2 nœuds de la plupart des talles de façon à limiter l’intervalle entre traitements à trois semaines.

Si la variété est sensible à la septoriose ou en cas de rouille jaune , on optera, en T1 à 2 nœuds (stade 32), pour les meilleures triazoles. Elles peuvent être renforcées, si nécessaire, par le soufre ou le Folpet qui renforce la triazole sur septoriose, ou encore par du Prochloraz.

En T2, à l’épiaison (stade 55), on suivra avec une SDHI (différents mélanges avec triazoles et/ou strobilurines).

Pour conserver des épis sains, ce qui  importe, c’est d’agir lorsque les seuils d’intervention sont atteints, en visant l’optimum économique en accord avec  la durabilité des matières actives et un impact jaugé sur l’environnement.
Pour conserver des épis sains, ce qui importe, c’est d’agir lorsque les seuils d’intervention sont atteints, en visant l’optimum économique en accord avec la durabilité des matières actives et un impact jaugé sur l’environnement. - J.V.

Si la pression parasitaire est faible au stade 2 nœuds ou si la variété est assez résistante, on optera pour un bon traitement effectué au stade 39 « dernière feuille déployée ».

Le T1, positionné au stade dernière feuille (stade 39), peut être constitué de la sorte : SDHI + triazole + soufre ou folpet qui vont renforcer la triazole sur septoriose. Si nécessaire, un rappel (T2) pourra encore être envisagé au stade floraison (60-65).

Ce T2 sera à privilégier dans deux cas. Premièrement, lorsque le risque de fusarioses de l’épi est élevé, c’est-à-dire pour les variétés orientées vers la boulangerie (lutte contre les mycotoxines), pour les blés en non-labour après maïs (situation favorable aux fusarioses toxinogènes) et pour les variétés tolérantes à la septoriose. Deuxièmement, lorsque la variété est très sensible à la rouille brune.

Le tableau 1 résume ceci et livre une clé de choix qui vous guidera en fonction de la situation rencontrée.

3966-CLE-FROMENT (2)

D’après Olivier Mahieu

Carah

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