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Un autre regard sur la filière ovine française

Le 4 mai, l’Institut de l’élevage (Idele) a présenté sa biennale Grand Angle Ovin, à Paris. Cette journée d’étude a permis de passer en revue tous les travaux de recherche français sur ledit élevage. La recherche sur l’élevage ovin étant quasiment inexistante dans notre pays, nous pouvons en apprendre beaucoup de nos voisins. Douze sujets différents avec un large spectre ont été discutés. Dans cet article, nous rendons compte de la première partie du séminaire, mais nous donnons d’abord un bref aperçu de l’importance de l’élevage ovin en France.

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E n France, l’élevage ovin reste important, tant en termes de production que d’entretien du paysage. En 2017, 38.901 exploitations ovines étaient encore actives en France, dont 4.471 axées sur la production de lait. Il est à noter que les producteurs de lait sont nettement plus jeunes (25 % ont moins de 40 ans) que les producteurs d’agneau (15 % ont moins de 40 ans).

On dénombre chez nos voisins près de 7 millions de brebis (Pour 120.000 en Belgique), dont un million et demi est traites. Sur le plan régional, les moutons se trouvent principalement dans les régions plus méridionales de l’Occitanie et de la Nouvelle Aquitaine. Plus de 4 millions de moutons et d’agneaux sont abattus chaque année. La France a une autosuffisance de 50 % en viande d’agneau et de mouton. La consommation annuelle par habitant y est actuellement de 2,4 kg (c’est-à-dire nettement plus élevée que chez nous= 1,6 kg/personne x an).

Les importations de produits vivants proviennent d’Espagne et des Pays-Bas, les importations d’agneau proviennent principalement du Royaume-Uni, d’Irlande et de Nouvelle-Zélande. Les exportations de produits vivants sont destinées à l’Espagne et à l’Italie. L’exportation de viande est limitée. En ce qui concerne le lait de brebis, 276 millions de litres sont collectés en France, dont 57.000 tonnes sont utilisées pour la fabrication de fromage de brebis. En ce qui concerne la rentabilité du secteur, il est important de noter que la France a maintenu une aide européenne couplée pour l’élevage ovin, qui s’élève entre 14 et 16 €/brebis sur une base annuelle, plus 9 €/brebis pour ceux qui ont un contrat de commercialisation ou qui font de la vente directe (le tout soumis à quelques conditions supplémentaires).

Impact du Brexit sur l’industrie ovine irlandaise

Une analyse intéressante de l’impact du Brexit sur le commerce de l’agneau irlandais a été présentée lors de ladite journée. Étant donné que la France est assez dépendante des importations d’agneau irlandais et britannique, l’impact du Brexit y est relativement important, mais peut-être que la même chose est vraie pour nous. L’Irlande compte environ 4 millions de moutons. Quelque 92 % de la production est exportée, ce qui fait de l’Irlande le premier exportateur d’agneau de l’UE27. Historiquement, il existe un lien et une interaction importants entre l’Irlande et le Royaume-Uni (RU) en ce qui concerne l’agneau, tant au niveau de l’abattage que de la transformation de la viande.

Les années d’incertitude sur le déroulement du Brexit ont eu des conséquences importantes : aucun investissement des entreprises irlandaises dans le secteur de l’agneau depuis 2016, accompagné d’une réduction de la production d’agneau. La structure des échanges a également changé ces dernières années. Les exportations d’agneau ont non seulement augmenté de 65 % entre 2010 et 2020, mais elles sont également plus nombreuses à destination de la Suède, de la Chine et des États-Unis. La part des exportations d’agneau vers la France et le Royaume-Uni reste très importante ces dernières années, mais les échanges avec le Royaume-Uni sont en légère baisse. Le rapport de valeur entre la livre et l’euro a fortement diminué, de sorte que l’agneau irlandais est devenu moins intéressant – plus cher – sur les marchés britanniques. Alors que les abattoirs irlandais transformaient leurs agneaux dans des usines britanniques pour les exporter ensuite vers l’UE, cette opération doit désormais être effectuée en Irlande.

Après le Brexit, et malgré le statut spécial pour l’Irlande du Nord, le commerce avec la Grande-Bretagne entraîne des coûts supplémentaires par kg de viande et nous avons peur de voir quel sera l’impact des nouveaux accords commerciaux entre la Grande-Bretagne et, par exemple, la Nouvelle-Zélande. Il va de soi que, comme nous sommes un important importateur d’agneau en Belgique, les changements mentionnés ci-dessus auront également un impact sur notre marché (prix).).

Estimation du revenu

Une deuxième contribution a porté sur l’estimation des revenus des exploitations agricoles ovines françaises produisant soit de la viande, soit du lait.

Sur une base annuelle, le prix de l’agneau a augmenté de 3 à 11 % selon les régions. Cependant, la sécheresse a également entraîné une augmentation significative des coûts, en raison de l’achat supplémentaire de fourrage concentré et grossier. Le revenu du travail par travailleur dans les exploitations traditionnelles d’élevage d’agneaux fluctue autour de 20.000 euros. Les meilleurs résultats sont obtenus dans les exploitations ayant une fertilité (nombre d’agneaux par brebis) plus élevée et une plus faible quantité d’aliments concentrés par kg de poids carcasse produit.

De même, dans les exploitations productrices de lait de brebis, le revenu du travail est d’environ 20.000 euros par travailleur. Là, les meilleurs résultats sont obtenus par les exploitations ayant une production laitière par brebis plus élevée et en même temps une meilleure maîtrise des coûts. Une note importante concernant le niveau de ces revenus du travail est que les prix des agneaux en France sont toujours beaucoup plus élevés que dans notre pays et qu’il existe également une aide couplée par brebis.

Berger, un métier d’antan… vraiment ?

Alors que la plupart des types d’agriculture en France ont connu une baisse significative du nombre d’exploitations sur la période 2002-2020, le nombre d’exploitations ovines et caprines reste inchangé.

Le nombre de bergeries reste relativement constant et le taux de reprise de celles-ci est relativement élevé, soit une moyenne de 94 %. Le pourcentage de nouveaux éleveurs ovin par an est en moyenne de 9 %, mais selon les régions il varie entre 8 % et 14 %. Un certain nombre de bergers sont des nimaculteurs, soit des personnes non issues du milieu agricole. La carrière moyenne d’un producteur d’agneaux dure entre 25 et 30 ans. En moyenne, les personnes quittent le secteur à l’âge de 60 ans (=moyen). En 2017-2018, 506 producteurs de viande d’agneau se sont installés ; 30 % d’entre eux ont démarré sous un statut de GAEC (= forme française de coopération). Dans ce secteur, l’âge moyen des éleveurs augmente. Quelque 24 % des jeunes entrepreneurs ont plus de 40 ans et 24 % des moutons à viande sont élevés par un chef d’exploitation de plus de 55 ans.

Qu’en est-il des NIMAculteurs ?

Un autre sujet développé : l’aide à l’accès au métier de berger pour les personnes non-issues du milieu agricole. Une étude a été menée en Bretagne, en Occitanie et dans la région lyonnaise afin de comprendre les problèmes spécifiques liés à cette « population » et de voir quels facteurs entravent ou favorisent leur accès.

Qui sont ces nimaculteurs ? Ils n’ont pas de profil spécifique, ils entrent souvent dans le milieu à un âge plus avancé et souvent après une reconversion professionnelle. Nombreux sont ceux à avoir un lien avec l’agriculture, mais par mi les autres motivations, on retrouve la quête de sens ou la recherche d’un autre mode de vie. La plupart du temps, ils ont des valeurs très spécifiques et commencent l’élevage avec des attentes très élevées. Ils doivent toutefois se heurter avec : le manque de compétences de base, le fait d’être ignoré par le secteur existant, la faible crédibilité vis-à-vis des banques, par exemple, et des projets dont la portée est peu réaliste. En revanche, ces nouveaux-venus peuvent apporter une grande expérience extérieure, il n’y a pas de pression familiale et ils sont généralement très motivés.

Ce qui peut être fait pour faciliter cette entrée dans le milieu, c’est de communiquer positivement sur le secteur agricole et de mieux informer les agences pour l’emploi sur les possibilités d’emploi en agriculture. Les possibilités de formations sont très importantes : formations pratiques, davantage de stages pendant la formation, s’occuper de l’accueil des nouveaux arrivants, fournir des espaces de « formation » et essayer de parler « la même langue ». Pour l’accompagnement de ces nouvelles installations, il y a encore un gros travail à réaliser par les autorités : être mieux préparé aux projets atypiques, simplifier la procédure d’accès à la profession, favoriser l’intégration au sein du monde agricole… Et le dernier bon conseil : travailler en collectif.

Une question qui surgit spontanément à l’écoute de cette approche est de savoir si nous, en Belgique, ne devrions pas également accorder plus d’attention aux différents aspects liés à l’entrée dans le secteur de personnes extérieures au milieu agricole ?

« Declic travail » ou l’attention portée aux conditions de travail

Declic travail est une application informatique permettant de sensibiliser les éleveurs ovins à leurs conditions de travail et de les guider dans l’organisation de leur travail. Cela peut se faire par la valorisation de bons exemples d’approches du secteur ou/et en attirant l’attention sur les conditions de travail dans la formation, l’éducation et le conseil aux exploitations.

Cette application propose des solutions du point de vue des relations humaines, de l’organisation du travail et des conditions de travail. Dans la recherche de solutions, l’application prévoit 6 thèmes possibles : l’organisation et la simplification du système de l’exploitation, la gestion des bâtiments, les équipements, le personnel, le travail administratif, la transformation et la commercialisation.

LEs conditions de travail sont une thématique importante. En effet, une vaste enquête montre que 77 % des personnes interrogées déclarent que la gestion administrative de la ferme est lourde, 75 % déclarent avoir moins de temps pour eux qu’ils ne le souhaiteraient, 66 % pointent du doigt la lourdeur de la charge de travail physique dans leur exploitation. Ce projet cherche des moyens de travailler mieux (plus facilement). Les piliers de base sont : des bâtiments bien structurés, des matériaux et des équipements adaptés ; une gestion simple et cohérente ; et de bonnes relations interpersonnelles.

Afin d’échanger des expériences, des groupes sectoriels ont été créés avec des éleveurs, des conseillers, des enseignants et des experts de différentes régions. En outre, des outils sont en cours de développement pour soutenir les conseillers d’exploitation. Entre autres, des vidéos seront réalisées pour illustrer la bonne approche, mais aussi des discussions de groupe avec les bergers. Différents sujets peuvent être abordés et approfondis : l’organisation de la traite, le soin aux onglons, l’organisation de la période d’agnelage, les contrôles de gestation, l’approche de la protection contre les chiens ou les loups…

Apprendre des pays voisins

En Belgique, il y a très peu d’investissements en termes de recherches appliquées en élevage ovin. Si nous voulons prêter attention aux évolutions et aux nouvelles possibilités qui se dessinent, nous devons nous tourner vers nos pays voisins. Dans un prochain article, nous examinerons de plus près les formes alternatives de pâturage, les aspects génétiques, la durabilité, le bien-être des animaux et la production de ses propres protéines.

D’après André Calus

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