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A la ferme du Bairy, à Sinsin: «Les sécheresses répétées nous ont conduits à revoir notre manière de travailler»

Située à Sinsin, à cheval entre les provinces de Namur et du Luxembourg, la Ferme du Bairy a connu de nombreux changements durant ces vingt dernières années. Arrivée d’une nouvelle génération, aménagement d’un atelier de transformation, conversion à l’agriculture biologique, construction d’un poulailler… ont quelque peu métamorphosé la ferme familiale. Julien Dawagne, associé à sa maman, Marielle Leboutte, depuis 2015 nous fait faire le tour du propriétaire.

Temps de lecture : 6 min

Dédiée depuis toujours à la production laitière, la Ferme du Bairy a connu son premier grand tournant en octobre 2000 lorsque Marielle Leboutte succède à ses beaux-parents à la tête de l’exploitation familiale. En parallèle, le troupeau évolue. « Mes grands-parents élevaient des Blanc-Bleu mixtes. Mais la composante viandeuse des animaux gagnait en importance… », se souvient Julien Dawagne. « Pour assurer la production laitière, les Blanc-Bleu ont cédé leur place à des vaches Holstein et Montbéliarde. » Aujourd’hui, seules ces deux races sont présentes sur la ferme.

Quelques années plus tard, en 2006, une autre grande décision est prise en convertissant la ferme à l’agriculture biologique. Un choix qui s’explique pour plusieurs raisons. « D’une part, nous sommes situés en région herbagère et les prairies se prêtent bien à ce type d’agriculture. D’autre part, l’utilisation de produits phytosanitaires était déjà strictement limitée, ce qui a facilité la conversion. »

50.000 l transformés en yaourts, crème fraîche, lait cru et pasteurisé

À l’heure actuelle, la Ferme du Bairy s’étend sur 45 ha et son cheptel compte une soixantaine de têtes, dont la moitié de vaches en lactation. La production laitière annuelle s’élève à 200.000 l en moyenne les années de sécheresse, un peu plus les autres années. Si la majeure partie de la traite est commercialisée via la Laiterie des Ardennes, environ 50.000 l, soit 25 à 30 % de la production, sont valorisés sur place en yaourts principalement, mais aussi sous forme de crème fraîche et de lait cru et pasteurisé.

La Ferme du Bairy s’est spécialisée dans la transformation du lait, notamment  en yaourt. Pas moins d’une quinzaine de goûts sont proposés à la vente.
La Ferme du Bairy s’est spécialisée dans la transformation du lait, notamment en yaourt. Pas moins d’une quinzaine de goûts sont proposés à la vente. - J.V.

Comme d’autres éleveurs, Marielle s’est lancée dans l’aventure de la transformation à la ferme en vue de retrouver une certaine sécurité financière. C’était en 2010 déjà, après avoir suivi une formation auprès du pôle fromager de l’École d’agronomie et des sciences de Ciney. Elle a ensuite eu l’occasion de reprendre l’atelier de transformation de son frère, lui aussi agriculteur. Aux fromages, se sont rapidement ajoutés les yaourts.

« Le succès a été au rendez-vous. Au point qu’il a fallu faire un choix : se tourner vers la production fromagère ou se consacrer exclusivement aux yaourts. La deuxième option a été privilégiée », poursuit Julien. Un choix que les éleveurs ne regrettent pas et qui leur a permis d’engager 1,5 équivalent temps plein pour assurer le bon fonctionnement de l’atelier.

Aujourd’hui, pas moins d’une quinzaine de goûts sont proposés à la vente : fraise, myrtille, vanille, rhubarbe… Plusieurs canaux permettent de les commercialiser. « Nous avons bien sûr un magasin à la ferme, ouvert deux jours par semaine. Nous travaillons également avec de nombreux partenaires, que ce soit des magasins de proximité ou de produits régionaux, une coopérative d’agriculteurs et consommateurs, le magasin D’ici à Naninne ou encore une plateforme de ventes en ligne à destination des consommateurs bruxellois. »

« Nous préférons nous concentrer sur la qualité du produit plutôt qu’augmenter les volumes transformés ! »

« Notre réseau de commercialisation est relativement stable et nous ne souhaitons pas l’étendre davantage. Les ventes augmentent naturellement vu l’engouement des consommateurs pour les produits locaux, à un rythme qui nous convient. » Par ailleurs, développer le réseau de vente demanderait d’intensifier la production de yaourts, ce que Marielle et Julien ne souhaitent pas. « L’outil actuellement en place ne le permet pas et nous ne sommes pas en mesure d’engager du personnel supplémentaire. Nous préférons nous concentrer sur la qualité du produit plutôt qu’augmenter les volumes transformés ! »

S’adapter aux sécheresses pour sécuriser les stocks

Si la traite et la transformation sont une chose, la gestion du parcellaire et du troupeau en est une autre. Dans ce domaine, c’est principalement Julien qui a la main.

« Été comme hiver, l’herbe constitue la base de la ration. Les vaches rejoignent les prairies dès que le sol le permet et reviennent à l’étable le plus tard possible. » Tout au long de la saison, l’éleveur pratique le pâturage dynamique. Les vaches ont accès à une nouvelle zone toutes les 24 à 36 heures et peuvent ainsi se nourrir en permanence d’herbe fraîche, à laquelle s’ajoute un complément céréalier. Du préfané peut également leur être distribué, si l’herbe vient à manquer.

En hiver, la ration se compose d’ensilage d’herbe, de céréales, de luzerne et d’un aliment commercial permettant d’équilibrer le tout. « Depuis le passage au bio, nous essayons d’être le plus autonome possible. L’herbe provient évidemment de nos prairies et nous cultivons habituellement quelques hectares de céréales et d’un mélange céréales/protéagineux. Toutefois, les sécheresses de ces dernières saisons nous ont conduits à revoir notre manière de travailler », déplore Julien.

Ainsi, depuis cette année, les 45 ha de la ferme sont exclusivement dédiés aux prairies. « De nombreux éleveurs ont souffert du manque d’eau. Nous aussi… Les fourrages ont fait défaut… Désormais, je préfère sécuriser les stocks et disposer des quantités d’herbe nécessaires pour nourrir le troupeau. » Cela nécessitera toutefois de se tourner davantage vers l’extérieur pour composer la ration des laitières. « Il est plus facile de trouver des céréales bio que des fourrages de qualité… », relativise l’éleveur.

Un troupeau équilibré et une génétique adaptée

Du côté du troupeau, les deux races donnent entière satisfaction. Holstein et Montbéliarde ont une production similaire, étant donné que celle-ci n’est pas poussée à son maximum. « Le troupeau est équilibré. Au fur et à mesure des années, nous avons développé la génétique qui nous convient. » Julien et Marielle recourent à l’insémination artificielle pour apporter les éventuelles corrections nécessaires. « Nous sommes particulièrement attentifs aux taux et, bien sûr, à la conformation générale des animaux. »

Cet hiver, un taureau de rattrapage a fait son apparition sur l’exploitation pour la première fois depuis longtemps. Actuellement dans un lot de génisse, il ne devrait pas rester très longtemps sur l’exploitation.

Le troupeau mêle Holstein et Montbéliarde et se compose  d’une soixantaine de têtes, dont la moitié de vaches en lactation.
Le troupeau mêle Holstein et Montbéliarde et se compose d’une soixantaine de têtes, dont la moitié de vaches en lactation. - J.V.

Que ce soit par insémination artificielle ou saillie naturelle, il n’est d’ailleurs pas question d’accroître la taille du troupeau. « Traire quelques laitières supplémentaires nous permettrait de mieux couvrir nos frais fixes. Mais tant la surface cultivée que l’étable ne le permettent pas. En outre, la quantité de fourrage récoltée est chaque année incertaine en raison des aléas climatiques. À quoi bon agrandir le cheptel si c’est pour acheter des fourrages à l’extérieur ou réformer quelques animaux à l’approche de l’hiver ? Ce n’est pas dans notre philosophie ! Nous préférons tendre vers l’autonomie, même si c’est plus difficile aujourd’hui qu’il y a 10 ans. »

Un véritable duo

À la Ferme du Bairy, chacun a ses spécialités au quotidien. Ainsi, Marielle s’occupe de la traite, de la transformation, de la vente à la ferme et des livraisons. Julien, lui, soigne et nourrit le troupeau, effectue également les livraisons, gère le parcellaire et s’occupe du poulailler. « Nous travaillons comme cela par habitude, mais nous sommes tous les deux capables d’effectuer toutes ces tâches », explique-t-il. Et d’ajouter : « Notre fonctionnement est très familial. Nous sommes associés sur le papier, mais aussi dans les faits. Chaque décision relative à la ferme est prise à deux ». C’est donc un véritable duo qui est aux commandes !

J. Vandegoor

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