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«Eau-tant» en emporte le vent

Après plusieurs années de sécheresses estivales, allons-nous revivre un été bien belge, arrosé d’averses en juin, trempé de draches nationales en juillet et chahuté d’orages en août ? Rendez-vous dans trois mois pour répondre à cette question ! L’eau du ciel est une denrée vitale pour l’agriculture, un facteur limitant, un paramètre essentiel. Dans nos régions maritimes tempérées, aux cieux souvent encombrés de nuages, qui aurait imaginé ces périodes sèches à répétition ? L’or bleu est l’objet de stratégies politiques et financières ; enjeu économique majeur, il prend chaque année davantage de valeur et fait l’objet de spéculations financières, fort discutables.

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Saints Médard et Barnabé ne me contrediront pas, la pluie est souvent au rendez-vous lors des premiers jours de juin ! Et les prairies en rient ! Tout pousse et fleurit à foison, au cœur d’un printemps fort tardif, certes, après un hiver interminable au regard des trois années précédentes. Nous avons connu des avril et mai bien frais, avec un vent du nord dominant, des bises glaciales, puis des pluies froides dignes de février. Il paraît que la météo de ces dernières semaines est conditionnée par un jet-stream – sorte de méga-puissant flux d’air situé en très haute altitude – orienté dans le sens nord-sud ; en 2020, par exemple, il était orienté dans un axe ouest-est et placé plus bas, et engendrait des vents dominants plus chauds, et la mise en place de barrières anti-cycloniques. Je vous le rends pour le prix que cela me coûte, mais cette explication tient pas mal la route. Si ce jet-stream ne dévie pas durant cet été, nous aurons droit -alléluia !- à moins d’épisodes caniculaires, davantage de précipitations, et des fourrages en suffisance. On verra à l’usage…

Ces jours-ci, comble de l’ironie, j’ai rempli sur Paconweb ma demande d’indemnité « sécheresse 2020 » par un « bel » après-midi très pluvieux comme nous n’en avons jamais connu l’an dernier. Ce petit jeu de cache-cache informatique est rigolo : il faut cliquer, double-cliquer, scanner le PV de constatation de la commune, attacher le PDF et chipoter sans fin de ses gros doigts malhabiles pour y arriver. Jésus, Marie, Joseph ! Qui est le Saint Patron des informaticiens ? J’irais bien brûler quelques cierges à son autel, pour qu’il m’apporte aide et inspiration… Il ne reste plus à espérer que ces efforts de remplissage n’auront pas été vains.

Toutes ces belles pluies de fin mai ont -enfin!!- fait démarrer la végétation, restée jusqu’ici anémique et misérable sous les vents froids et secs. Les arbres sont encore à la traîne. Les chênes, frênes et noyers ont attendu le mois de juin pour daigner monter le bout de leurs feuilles ; leurs silhouettes décharnées se détachent encore comme de grands squelettes dans les paysages, en attendant de s’habiller de leur feuillage vert foncé. Cette période de feuillaison des chênes correspond chez nous à une croissance accélérée des herbages. « C’est juin qui fait les foins ! », dit-on communément. Il faut les laisser pousser, assurent les plus vieux fermiers, et ne pas faucher trop tôt si l’on veut en obtenir une bonne quantité. Les fourrages ont manqué lors de ces derniers hivers, affirment-ils, parce que les « jeunes » fauchent trop tôt des herbes «  vertes comme des porettes (poireaux) » et tendres comme de la « djotte » (de la choucroute). L’amie Gisèle raconte : « Tout va trop vite ! On fauche le soir même s’il a plu du jour, et on fait des boules le lendemain ! Puis les vaches vont comme des « colleux » (filtres à lait) en hiver. Pauvres bêtes ! ».

Vive la pluie et les averses ! Les changements climatiques engendrent en été des sécheresses terribles un peu partout dans le monde. Ces événements reviendront régulièrement ; nous y échapperons, -touchons du bois ! –, peut-être cette année. Dans notre riche Europe, les agriculteurs du bon pays investissent dans des systèmes d’irrigation sophistiqués, avec des dérouleurs géants de tuyaux, des arrosages au goutte à goutte, des systèmes intégrés avec capteurs, déclencheurs et tutti quanti. OK pour la technologie, mais l’eau, où faut-il la pomper quand les nuages font grève ? Dans les nappes phréatiques ? Dans les cours d’eau ? Dans des lagunes ou des réserves de stockage ?

En Asie centrale, la Mer d'Aral a pratiquement disparu, car les deux fleuves qui l’alimentaient ont été détournés afin d’irriguer les champs de coton de l’ex-URSS ! Chez nous, les nappes phréatiques ne sont guère vaillantes, et nos fleuves sont pollués à mort. Où va-t-on trouver de l’eau d’irrigation pour les cultures, de l’eau potable pour les gens ? Celle-ci devient de plus en plus rare, et ce qui est rare est cher, dans notre société capitaliste où tout se vend et s’achète. Les banques ne s’y sont pas trompées, qui proposent des fonds de placement aux doux noms poétiques : « Sustainable water equities », « Funds aqua classic », « Eco-fund water », « Global water », etc, etc. L’eau est devenue un investissement qui coule de source… et rapporte gros, avec des rendements hallucinants : des 12, 13, 15 % /an ! Un déluge de fric ! Que deviennent ces millions d’euros investis dans des sociétés dites « durables » ? Celles-ci nourrissent-elles les populations, ou les portefeuilles des actionnaires ?

« EAU » : trois petites lettres pour un petit mot de rien du tout qui fait tourner la tête à beaucoup trop de monde ! Il suffit pourtant d’un vent bien placé, de quelques nuages bourgeonnant pour vous arroser généreusement si la soif vous menace. Il suffit aussi, hélas, d’un vent mal placé pour tout dessécher et vous ruiner. Vanité des vanités, tout est vanité : autant en emporte le vent, surtout l’eau…

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