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Elever un grand troupeau? C’est une gestion et la mise en place de nombreux protocoles à respecter

L’exploitation laitière Vital Laschet, située à Hombourg, c’est près de 400 laitières, près de 3,6millions de litres de lait produits par an, 5 salariés, des saisonniers… « C’est une gestion et la mise en place de protocoles à respecter pour le bien-être et la santé des animaux. Mais la gestion d’un grand troupeau ne va pas de soi », avoue Arnaud Beckers, gérant de l’exploitation. Rencontre

Temps de lecture : 7 min

«  Je suis arrivé ici, il y a treize ans, quand l’exploitation comptait encore 180 laitières. Une nouvelle stabulation venait également d’être construite. » Ce n’est que deux ans plus tard, que le propriétaire de l’exploitation, Vital Laschet, malheureusement décédé en ce début d’année, se lance dans un groupement de producteurs laitiers (GPL). Entre arrivées de nouveau éleveurs et remises d’exploitations, le GPL se constitue de 4 producteurs et d’animaux de tous horizons. « Nous avons gardé toutes les jeunes bêtes, tant les bonnes que les mauvaises, et ce, de manière à agrandir rapidement le cheptel. »

Il ne faut que quatre ans pour que le troupeau atteigne les 400 laitières, un nombre qui reste stable depuis maintenant 7 ans. Au vu de l’ampleur que prend l’élevage, s’ensuit la transformation des hangars à machines – pour accueillir les jeunes bêtes – et de la salle de traite en une 2x22. « Nous sommes d’abord partis sur le principe de l’aire paillée mais nous avons changé notre fusil d’épaule après un an. La raison : le besoin important en pailles et les niveaux cellulaires du lait qui explosent. Place à la stabulation libre avec logettes ! », se souvient l’éleveur.

Un allotement pas si évident

Un an plus tard, des pertes de lait dans les logettes, dues à des problèmes de sphincter, surviennent. « On a d’abord essayé de faire un groupe à problèmes qui passait en dernier à la traite. Une bonne chose car nous évitions la contamination des griffes. La gestion en restait toutefois compliquée pour le personnel. La mesure d’urgence ne durera que trois mois puisque les producteurs décident de passer à trois traites par jour. Résultat des courses ? Un gain de 10 à 15 % sur la production et une diminution des pertes de lait. Notons que les trois traites sont à destination des meilleures laitières. « Nous évitons la sur-traite en réglant le décrochage des griffes plus rapidement », dit Arnaud.

Mais cette évolution au niveau de la traite n’est pas le seul changement. À cette époque, nombreux sont les problèmes qui surviennent sur l’exploitation, à Vital et ses employés d’affiner leurs pratiques d’élevage. « Nous gérions un élevage important sans pour autant avoir les connaissances dans la gestion des grands troupeaux – qui ont une histoire toute récente en Belgique –. Nous devions faire face à une pression infectieuse plus importante au vu du nombre d’animaux », explique l’éleveur.

Si l’agrandissement du cheptel s’est aussi fait par les génisses, le problème est venu de l’achat de lots venant d’exploitations totalement différentes. « Nous avons en fait une soupe de tous les germes des différentes fermes… C’est ce qui a fait déborder le vase ! Des protocoles peuvent très bien fonctionner dans une ferme et pas dans une autre, car l’environnement, les germes présents… ne sont pas les mêmes. Résultat : le taux cellulaire dans le tank augmente : entre 350.000 et 370.000 cellules.

«Le peu de problèmes que j’ai chez les veaux, si je l’avais dans les vaches, je serais un homme heureux! Car on a applique un protocole efficace qui convient à notre exploitation»,  explique Arnaud Beckers.
«Le peu de problèmes que j’ai chez les veaux, si je l’avais dans les vaches, je serais un homme heureux! Car on a applique un protocole efficace qui convient à notre exploitation», explique Arnaud Beckers. - P-Y L.

« On n’a jamais assez de protocoles ! »

Pour régler les différents problèmes, l’éleveur change divers paramètres, ce qui a rendu difficile la compréhension de leurs causes. « En règle générale, je considère que 50 % des problèmes sont dus à la ration, 25-30 % au bien-être, à l’environnement de l’animal, et 20 % à l’élevage des jeunes bêtes et à la génétique ».

« Mais il y a quelques années, nous n’avions pas le même suivi que maintenant. Nous nous sommes dès lors attachés à bien suivre la ration, à faire des prises de sang pour vérifier que les vaches ne souffrent d’aucune carence. Nous avons également réalisé de nombreux prélèvements pour analyser les causes de mammites, de façon à connaître quels germes étaient sous-jacents à la problématique. Au départ on en a retrouvé tous les pathogènes possibles : strepto uberis, staphylocoques, coli… Le réglage de la salle de traite, et l’utilisation d’un meilleur produit de trem page ont joué aussi un rôle salvateur. »

Autre outil mis en place pour lutter contre E. coli, la langue bleue, certains staphylocoques et l’histophilose : la vaccination (lire en p.16 : « La vaccination, un outil qui ne doit pas vous faire négliger les bases »).

Au fur et à mesure, des protocoles ont été établis : désinfection des logettes, installation des racloirs sur les caillebotis, le pré- et le post-trempage systématique lors de la traite, l’utilisation d’un essuie-tout individuel par animal (ce qui n’était pas fait avec 180 vaches)… La conséquence ne se fait pas attendre : les germes dits d’environnement étaient déjà nettement moins présents.

Autre protocole maintenu : l’analyse d’un échantillon de lait en cas de mammite pour connaître le germe auquel l’éleveur à affaire afin de voir si le traitement est efficace. « On en profite pour réaliser un test CMT pour s’assurer qu’aucune autre mamelle ne soit contaminée. Si le test est positif, un petit traitement est réalisé afin de récupérer la vache saine des 4 mamelles à la fin de son traitement. un test cellulaire est ensuite réalisé afin de vérifier l’efficacité des soins, et s’il doit, au besoin, être prolongé ou modifié. »

Aujourd’hui, Arnaud tarit pratiquement 70 % des bêtes sans antibiotique. « Mais je réalise un test cellulaire un jour avant le tarissement. »

Il sourit : « Si je pouvais avoir le peu de problèmes que j’ai chez les veaux dans les vaches, je serais un homme heureux ! On y applique un protocole efficace qui convient à notre exploitation ».

Bien que de nombreux protocoles aient été mis en place dans l’exploitation, Arnaud Beckers aimerait avoir à l’avenir un meilleur suivi de troupeau grâce à des données supplémentaires.
Bien que de nombreux protocoles aient été mis en place dans l’exploitation, Arnaud Beckers aimerait avoir à l’avenir un meilleur suivi de troupeau grâce à des données supplémentaires. - P-Y L.

Le climat de l’étable

« Au-delà de cette façon de procéder, il reste évidemment encore pas mal de travail derrière. En tant qu’agriculteur, il faut pouvoir se remettre en question pour améliorer ses pratiques d’élevage. »

L’étable est ancienne, l’aération devrait être améliorée… Le climat joue aussi énormément et les épisodes de sécheresse que l’on connaît ces dernières années sont un facteur problématique dans l’exploitation. Que ce soit pour le démarrage après vêlage ou les mammites. La multiplication des ventilateurs a permis de garder un climat confortable dans les étables mais ce n’est pas encore la panacée…

Taries : deux lots plutôt qu’un

Autre point d’amélioration : la gestion des taries et leur répartition en deux lots plutôt qu’un. « Avant nous donnions une seule et même ration à tous les animaux. Nous avions donc des « fraîches taries » qui étaient trop grasses et des « prêtes à vêler » qui n’avaient pas assez d’énergie pour commencer leur lactation… Les analyses de sang qui nous ont permis d’avoir un tas d’infos sur nos vaches. Cela nous a permis de soigner distinctement nos deux lots : les fraîches taries, de manière à ce qu’elles gardent la forme et prennent leur état d’entretien, et les prêtes à vêler qui ont besoin de davantage d’énergie pour aborder leur phase de lactation. »

Penser le bien-être animal mais aussi celui du personnel

Il poursuit : « Dans le futur, nous aimerions vraiment améliorer le suivi de troupeau avec le traitement de données supplémentaires et, éventuellement, peut-être robotiser une partie en système libre dans lequel la vache décide d’aller à la traite. Cela voudrait dire repenser une étable orientée bien-être animal. »

Si le bien-être animal est au coeur des préoccupations, celui de l’éleveur et du personnel, doit l’être également.  La structure doit être pensée de manière à pouvoir soulager toutes les personnes qui y travaillent.
Si le bien-être animal est au coeur des préoccupations, celui de l’éleveur et du personnel, doit l’être également. La structure doit être pensée de manière à pouvoir soulager toutes les personnes qui y travaillent. - P-Y L.

« Nous avons vraiment appris à relativiser nos problèmes en les ramenant à 100 vaches ! », sourit Arnaud. « Gérer 400bêtes c’est avant tout se tenir aux protocoles et à des tâches journalières. Ces choses, je les ai apprises grâce à Vital et sa vision de l’élevage. Je le remercie pour m’avoir pousser à sortir de l’exploitation et voir ce qui se fait ailleurs tant dans les grands troupeaux belges qu’étrangers. Là où ils ne jurent que par du protocole et ici, on n’en a pas encore assez ! Ce sont toutes des petites choses à améliorer qui nous permettront au final d’avancer et de gagner du temps ! »

Toutefois, si Arnaud pense au bien-être animal, il dit aussi vouloir penser la structure afin de pouvoir soulager le personnel… « C’est important pour l’avenir si l’on veut continuer à avoir des gens motivés sur la ferme. D’autant que les mentalités changent… J’ai fait plusieurs visites de fermes robotisées. Celle qui m’a marquée n’est pas celle qui détenait le plus de robots mais celle qui permettait aux deux associés et à leurs aidants de pouvoir prendre leur week-end une semaine sur deux. »

P-Y L.

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