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Politique agricole commune: la Belgique nourrit encore quelques réticences

Le pré-accord sur la nouvelle Politique agricole commune (PAC) atteint vendredi entre les négociateurs du Parlement européen et du Conseil (États membres) a été approuvé ce lundi par les vingt-sept ministres de l’Union européenne. Mais des « détails techniques » doivent encore être réglés avant d’être formellement soumis aux deux institutions, peut-être cet automne. L’occasion pour la Belgique de faire valoir ses dernières demandes même si, a-t-elle souligné, cet accord « va dans le bon sens ».

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La nouvelle PAC doit entrer en vigueur en 2023, avec un budget de 387 milliards d’euros pour sept ans, dont 270 milliards d’aides directes aux agriculteurs. Elle se veut, selon ses négociateurs, plus sociale, plus axée sur les petites exploitations et la performance, et prévoit de booster le « verdissement » des pratiques agricoles, notamment à travers des « écorégimes », à savoir des primes accordées aux agriculteurs adoptant des programmes environnementaux exigeants, dont le contenu est défini par les États.

À cet égard, les particularités institutionnelles belges nécessitent deux plans stratégiques : l’un pour la Flandre, l’autre pour la Wallonie. Or l’accord provisoire n’en prévoit qu’un par État. Une ouverture a été faite pour que la Belgique bénéficie d’une dérogation, « mais nous avons besoin d’une déclaration de la Commission » pour que l’article visé soit interprété dans le sens voulu, a indiqué le ministre fédéral de l’Agriculture, David Clarinval, devant le Conseil des ministres de l’UE.

« Cette garantie est vraiment indispensable pour nous », a-t-il insisté auprès de ses collègues européens.

« Gestion apaisée des terres »

La gestion plus apaisée des terres gêne aussi la Belgique, dont une bonne partie des exploitations sont intensives. Alors que les eurodéputés voulaient exiger des agriculteurs une rotation annuelle « classique » des cultures pour préserver la biodiversité, les États pourront finalement autoriser « d’autres pratiques » comme la simple diversification des cultures et l’introduction de légumineuses. Mais ce n’est pas encore assez pour la Belgique. Le compromis prévoit que la diversification soit une alternative à la rotation des cultures dans certaines régions, sous certaines conditions. Or, cette diversification doit être « pleinement prise en compte » en tant que pratique « équivalente » à la rotation, a plaidé M. Clarinval.

Autre élément : le pré-accord prévoit qu’entre 4 % et 7 % des terres arables, selon les exploitations, devront rester non cultivées et rendues à la nature (des exemptions existent notamment pour les exploitations de moins de 10 hectares). « La Belgique prend note de l’augmentation des pourcentages qui exigeront un effort encore plus important de nos agriculteurs, étant donné notre forte productivité et le prix élevé des terres », a commenté le ministre.

Allignement sur le pacte vert

L’un des grands reproches des organisations environnementales envers la nouvelle PAC est qu’elle se basait sur une proposition initiale de la Commission de 2018 qui ne tenait pas compte du Pacte vert européen, pour la bonne raison qu’il a été publié plus tard. Il faut donc aligner la nouvelle PAC sur le Green Deal et ses stratégies « de la ferme à la table » ou « biodiversité ». Un « considérant » a dès lors été ajouté en dernière minute vendredi : la Commission européenne sera tenue d’examiner la conformité des politiques nationales aux objectifs climatiques (Pacte vert) et environnementaux de l’UE : réduction de 50 % des pesticides d’ici 2030 avec un quart des terres réservées au bio notamment. Mais cet alignement sur le Pacte vert n’est pas juridiquement contraignant. Et comme le contenu de ces stratégies sera connu après l’approbation des plans stratégiques, « nous ne voulons pas être évalués sur des éléments qui ne sont pas juridiquement contraignants », a averti la Belgique.

Enfin, la concurrence internationale reste une préoccupation majeure. « Les efforts de nos agriculteurs ne serviront à rien si la politique commerciale elle-même n’est pas connectée au Green Deal », a fait valoir David Clarinval. « Comment nos agriculteurs peuvent-ils lutter contre les distorsions de concurrence à l’échelle internationale sans nous assurer du respect du ’level playing field’ (les règles de concurrence équitable, NDLR) dans les accords de libre-échange en cours de négociation », a demandé le libéral.

Pour les jeunes agriculteurs aussi

« Tout au long des négociations », a souligné de son côté le ministre wallon Willy Borsus, « la Belgique a insisté sur le fait de disposer d’instruments suffisants pour les jeunes agriculteurs, sur les éléments de simplification administrative et de praticabilité, ainsi que sur la nécessité de nouveaux modèles en matière de revenu et de durabilité ».

Il fait observer que la Wallonie est déjà très engagée dans le verdissement car la part qu’elle dédie à l’environnement dans les moyens reçus du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) représente déjà plus de 52 %. Il souligne également l’attention particulière accordée aux jeunes agriculteurs, qui disposeront d’au minimum 3 % de l’enveloppe des paiements directs.

Déception belge en revanche du côté des mécanismes de gestion de crise et de soutien du marché. La Belgique voulait pouvoir mettre en œuvre plus rapidement des mesures de gestion de production mais aussi rendre le secteur du sucre éligible au régime d’intervention publique. Ce dernier point n’a pas été retenu.

Les travaux se dérouleront désormais au niveau interinstitutionnel sur les derniers détails techniques, après quoi la réforme sera formellement soumise au Parlement européen et au Conseil. La nouvelle PAC couvrira la période 2023-2027 ; un arrangement transitoire convenu en 2020 continuera de s’appliquer jusque-là. Les États membres auront jusqu’au 31 décembre 2021 pour soumettre leurs projets de plans stratégiques nationaux à l’approbation de la Commission.

Belga

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