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L’évolution variétale et les programmes fongicides en froment et escourgeon sous l’œil attentif du Carah

Le Carah organisait, le 23 juin, la visite de champs d’essais mis en place à Ath sur le thème du renouvellement variétal et de la protection des escourgeons et froments contre les maladies fongiques. L’occasion d’aborder les particularités de la saison en cours mais aussi de tirer quelques enseignements quant au comportement des variétés et à l’efficacité des programmes fongicides.

Temps de lecture : 9 min

Les thèmes explorés par le Centre pour l’agronomie et l’agro-industrie de la province de Hainaut (Carah) sont chaque année nombreux. Une attention particulière est notamment portée à l’amélioration variétale, tant les nouveautés mises sur le marché sont nombreuses, que ce soit en froment ou en escourgeon. Les variétés déjà connues ne sont pas pour autant délaissées : leur comportent au fil des années est lui aussi évalué. De quoi proposer une foule d’informations aux agriculteurs hennuyers et, plus généralement, wallons.

En escourgeon, 36 variétés à l’essai…

Sur les 36 variétés d’escourgeon testées cette année à Ath (et Mainvault), se trouvent pas moins de 11 nouveautés. On recense également 11 variétés resistantes à la jaunisse nanisante de l’orge et 4 aux deux virus de la mosaïque.

Pas moins de 36 variétés d’escourgeons figurent dans les essais, dont 11 nouveautés.
Pas moins de 36 variétés d’escourgeons figurent dans les essais, dont 11 nouveautés. - J.V.

« L’essai d’Ath a été semé le 30 septembre, à la densité de 265 grains/m² (200 grains/m² pour les hybrides) », détaille Olivier Mahieu, responsable des expérimentations. « L’escourgeon est plutôt en retard par rapport aux années précédentes à cause du froid qu’il a subi durant le printemps. » Les moissons se dérouleront donc à dates normales.

L’aspect des épis est correct dans l’ensemble, malgré les froides températures printanières. La culture a subi plusieurs orages en juin, dans les essais d’Ath, mais les dégâts restaient rares le jour de la visite.

L’itinéraire cultural et les observations effectuées

Le désherbage des parcelles a été effectué avant l’hiver, le 19 octobre, avec Herold 0,6 l/ha + AZ 500 100 cc/ha. Un complément a été apporté au printemps sous forme de Starane Forte 0,3 l/ha + Allié 25 g/ha, le 31 mars.

L’azote a été apporté à la dose totale de 165 unités, en trois fractions égales tandis que deux régulateurs ont été appliqués sur la culture les 29 mars (Medax Top 1 l/ha) et 7 mai (Percival 0,75 kg/ha). La protection insecticide nécessaire à la sécurisation de l’essai a consisté en deux applications de Patriot Protech 0,42 l/ha les 19 octobre et 9 novembre.

Sur le front des maladies, c’est surtout la rouille naine qui était au rendez-vous. Elle a ensuite été accompagnée d’helminthosporiose, de rhynchosporiose, de ramulariose et de grillures. Dans les parcelles traitées, Olivier Mahieu a opté pour un ou deux traitements actifs contre l’ensemble de ces maladies. Les blocs a un traitement ont bénéficié du programme Ascra Xpro 1,2 l/ha + Mancozèbe 2 kg/ha, le tout appliqué le 7 mai au stade 39 (dernière feuille). Pour le double traitement, le Carah a appliqué Fandango 1 l/ha le 9 avril, au stade 1-2 nœuds, suivi d’Ascra Xpro 1,2 l/ha + Dequiman 2 kg/ha, également le 7 mai au stade 39 (dernière feuille).

Olivier Mahieu : « Les nouveautés mises sur le marché sont nombreuses,  que ce soit en froment ou en escourgeon. Les essais permettent d’évaluer  aux mieux leur comportement, en conditions traitées et non traitées ».
Olivier Mahieu : « Les nouveautés mises sur le marché sont nombreuses, que ce soit en froment ou en escourgeon. Les essais permettent d’évaluer aux mieux leur comportement, en conditions traitées et non traitées ». - J.V.

Que pensez de la protection fongicide ? « La combinaison prothioconazole + strobilurine suivie de prothioconazole + SDHI + mancozèbe, a bien protégé le feuillage contre les maladies et les grillures », commentait Olivier Mahieu, le 23 juin. Et d’ajouter : « Les traitements uniques, eux, étaient déjà en train de lâcher le 19 juin. La différence entre un et deux traitements est actuellement bien visible dans les essais variétaux ».

L’essai permet également d’évaluer le comportement des variétés – anciennes et nouvelles – face aux ravageurs et champignons phytopathogènes. Les résultats seront présentés ultérieurement aux agriculteurs.

… ainsi qu’une large gamme de programmes fongicides

Le Carah poursuit aussi des essais consacrés à la lutte contre les maladies cryptogamiques. Ceux-ci sont menés à Ath et Molembaix.

Sur le premier site, la variété mise à l’épreuve est KWS Orbit, sensible à la rouille naine, à la ramulariose et aux grillures ; secondairement à l’helminthosporiose et à la rhyncosporiose. À Molembaix, les essais ont été menés sur la variété LG Zebra qui a principalement montré de l’helmintosporiose, de la rhynchosporiose et, secondairement, de la ramulariose. Du côté des produits testés, outre ceux déjà bien connus des agriculteurs, figuraient Revistar Gold, Balaya et Lenvyor, trois produits à base de méfentrifluconazole commercialisés par Basf.

L’itinéraire technique suivi est le même qu’énoncé précédemment. Les programmes fongicides mis en comparaison ont été réalisés avec des applications aux stades 1-2 nœuds, le 1er  avril, et dernière feuille, le 6 mai.

Avec quels effets sur les maladies rencontrées ?

Quant à la pression sanitaire observée sur l’essai mis en place à Ath, Olivier Mahieu renseignait essentiellement la présence de rouille naine, d’helminthosporiose et de ramulariose. « Au 19 juin, le témoin non traité était entièrement détruit. En outre, cette année nous voyons distinctement la supériorité des doubles traitements par rapport aux simples traitements », ajoute-t-il.

« Sur base des cotations des 31 mai, 8 juin et 18 juin, en traitement unique à la dernière feuille, ressortent trois traitements : Lenvyor + Priaxor, Ascra Xpro + Comet New et Velogy Era. »

Du côté des programmes à deux traitements, les combinaisons les plus efficaces font intervenir le prothioconazole ou le méfentrifluconazole (en mélange ou pas) en T1, avec un complément SDHI ou méfentrifluconazole en T2. « Le Librax (fluxapyroxad + metconazole), utilisé en T2 suite au retrait de l’époxiconazole, semble décrocher. Il a été fort peu préconisé en escourgeon jusqu’à présent. »

Une soixantaine de variétés de froment passées au crible

Après les escourgeons, place au froment et à un rapide point sur la situation dans la région, au 23 juin. Olivier Mahieu : « En froment, la saison 2020-2021 a été caractérisée par des semis rendus difficiles par les pluies automnales. L’hiver a été assez pluvieux, tandis que le printemps était froid. Le blé n’a donc jamais vraiment été en avance en 2021 ».

Sur le plan sanitaire, il ressort des essais que la rouille jaune s’est développée en mai, parfois même sévèrement sur un nombre heureusement limité de variétés non traitées. « Il est toujours bien difficile de prédire quelle race de rouille aura le dessus d’une année à l’autre. D’où l’importance de contrôler son champ dès les premières alertes pour lutter à bon escient contre cette maladie. »

Le temps pluvieux du mois de mai a été très favorable au développement de la septoriose , très présente dans les essais au moment de la visite.

Quant au temps sec qui a régné durant la floraison, il écarte sans doute les problèmes de fusariose .

La rouille brune profitera peut-être des températures élevées pour s’étendre mais elle était encore assez discrète en date du 23 juin.

Enfin, quelques pucerons de l’épi et des lémas ont été observés lors de l’épiaison. Les cécidomyies semblent, quant à elles, avoir été peu présentes en Hainaut.

Les variétés à l’étude

Les progrès de la sélection génétique en froment ont été évalués selon un itinéraire technique précis. L’essai, situé à Ath, a été semé le 19 octobre, à la densité de 350 grains/m².

Son désherbage a été conduit avant l’hiver, le 14 novembre, avec Herold 0,6 l/ha + AZ 0,12 l/ha. Un complément a été apporté au printemps sous forme de Starane Forte 0,3 l/ha + Allié 25 g/ha le 31 mars.

L’azote a été apporté à la dose totale de 195 unités, en trois fractions (70 unités le 25 février, 60 unités le 9 avril et 65 unités le 18 mai). Les régulateurs ont été appliqués les 29 mars (Tempo 0,2 l/ha + Cycofix 1 l/ha) et 6 mai (Tempo 0,1 l/ha + Cycofix 0,4 l/ha). Un traitement insecticide a été effectué contre les pucerons, le 14 novembre (Patriot Protech 0,42 l/ha). Côté fongicides : Lenvyor + Flexity 1,2 + 0,4 l/ha le 6 mai et Velogy Era 1 l/ha le 4 juin.

Le comportement de l’ensemble de ces variétés face aux maladies a été évalué et sera exposé aux agriculteurs. Notons que deux mélanges ont également été semés (Avignon + Chevignon + Johnson + KWS Dorset + KWS Talent + Porthus et Anapolis + Chevignon + LG Keramik + Mentor + Positiv + RGT Reform) afin d’analyser s’ils se tiennent mieux que les variétés semées en solo.

Quel programme de lutte contre les maladies ?

Un important essai d’une quarantaine d’objets, orienté sur les programmes proposés par les firmes phytopharmaceutiques et sur les stratégies mises en avant par le Carah, est déployé en matière de lutte contre les maladies en froment d’hiver. Il prend place à Ath et Velaines sur la variété LG Skyscraper. L’itinéraire technique est similaire à celui présenté ci-dessus, à l’exception de la fertilisation (175 unités) et de l’une ou l’autre date de traitement.

Au 23 juin, une pression forte de septoriose était constatée dans les essais, de même qu’une très légère pression de rouille brune. À Ath, les différents traitements ont été appliqués, selon les programmes évalués, aux stades 1 nœud (31) le 22 avril, 2 nœuds (32) le 6 mai, dernière feuille (39) le 27 mai, épiaison (55) le 3 juin et floraison (60) le 7 juin.

Et Olivier Mahieu d’en tirer quelques enseignements : « Les traitements uniques réalisés au stade dernière feuille laissent passer la septoriose sur les F2 et F3. De même, l’ensemble des traitements uniques d’épiaison ne parviennent pas à contrôler efficacement la septoriose sur ces mêmes feuilles, car cette intervention est trop tardive pour permettre de stopper la maladie qui a déjà progressé. Les traitements doubles (32 + 55) et les triples traitements montrent, eux, une efficacité très variable selon les produits utilisés ».

Les enseignements

Notons néanmoins, malgré qu’ils ne soient pas recommandés, que plusieurs traitements uniques (dernière feuille ou épiaison) se distinguent en date du 19 juin : Aquino (+ triazole, éventuellement), Revystar Gold, Ascra Xpro et Librax + Stavento.

Du côté des doubles traitements, « les combinaisons méfentrifluconazole en T1 et Aquino + partenaire en T2 et inversement sont au top de l’efficacité sur septoriose », note-t-il. Les objets incluant au moins une fois Aquino, Lenvyor, Revistar Gold, Revytrex et Balaya (en mélange ou pas) en T1, ou en T2, donnent des résultats parmi les meilleurs.

D’autre part, l’ajout de Stavento (à 1,5 l/ha) ou de soufre au Simveris montre une efficacité supérieure comparée au Simveris seul, avec avantage pour le soufre (sachant que le Vertipin 3 l semble un peu meilleur que le Cosavet 3 kg). « Nettement en retrait, on épinglera les triazoles seules (Simveris, Artina, Input…) en T1 suivie d’un T2. »

Pour ce qui est des traitements dernière feuille – floraison, on constate, dans les essais, davantage de septoriose en fond de végétation sur F3 mais ce sont souvent des traitements qui finissent mieux sur les deux dernières feuilles et sur l’épi.

Enfin, sous une forte pression de septoriose, les traitements multiples à doses réduites 32+39+65 donnent des résultats un peu en retrait des meilleurs traitements 32+55.

Avec plusieurs partenaires

« Parallèlement à cette expérimentation, nous prenons également part à d’autres essais de protection du froment qui s’intègrent dans un réseau regroupant différents partenaires actifs dans la recherche et l’expérimentation (Carah, Cra-w, Ulg Gembloux Agro-Bio Tech et Cpl Végémar) avec un protocole commun (une petite vingtaine d’objets) sur plusieurs sites dans le pays. Les résultats de cette expérimentation seront analysés et exposés dans les mois à venir. »

Propos recueillis par J. Vandegoor

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