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Saskia Bricmont: «Non, cette PAC n’est pas plus verte…»

L’eurodéputée écologiste belge peine à dégager le moindre point fort d’un accord qui se situe, à ses yeux, bien en deçà des exigences du parlement et ne permettrait pas de rencontrer les objectifs du Pacte Vert. Elle voit, dans cette réforme, une occasion manquée d’être en phase avec les objectifs environnementaux, sociaux et climatiques à l’échelle des États membres.

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Cet accord se situe en porte à faux avec la stratégie « De la fourche à la fourchette » inscrite dans le Pacte Vert, qui vise à soutenir les circuits courts alimentaires, l’agriculture biologique et les mesures climatiques, indique Saskia Bricmont pour qui on passe carrément à côté de la transition du secteur agricole et de l’accompagnement des agriculteurs vers des modèles plus durables.

Zones humides et tourbières, mais…

Seule mesure qui trouve grâce à ses yeux, la protection et l’intégration des zones humides et des tourbières, ô combien importantes au niveau des puits de carbone, sauf que la date butoir pour leur mise en œuvre ne se situe au plus tôt qu’en… 2024-2025.

Anciens problèmes, vieux remèdes

Pour l’écologiste, la programmation précédente n’a pas permis de lutter contre l’érosion du nombre d’exploitations ni de s’inscrire dans la dynamique d’un nécessaire renouvellement générationnel.

Elle a par ailleurs échoué à procurer un revenu décent aux agriculteurs. Or, développe-t-elle, ce n’est pas avec de vieux remèdes que l’on solutionnera des problèmes qui n’ont jamais été appréhendés auparavant.

L’agroécologie zappée

Cette réforme s’inscrit donc dans la droite ligne d’un modèle révolu, qui bénéficie aux grandes entreprises et asphyxie les petits producteurs, tandis que la transition vers l’agroécologie se voit remisée au magasin des accessoires, regrette l’écologiste.

Greenwashing

Les 25 % du budget qui seront alloués au volet environnemental ne rendent pas pour autant la PAC plus verte, martèle Saskia Bricmont, qui pointe une possibilité d’utilisation des fonds à géométrie variable.

Certains États membres ne consacreront pas l’entièreté des moyens aux éco-régimes et mesures environnementales. Ce sont ainsi les pays qui feront le choix… ou non de verdir cette PAC.

Et certains feront le choix de concentrer les moyens vers l’agro-industrie.

Coûteuses technologies 2.0

L’Europe engage le pari d’une agriculture 2.0 pour lutter contre le réchauffement climatique, comme si la connaissance de la terre ne pouvait pas suffire à rétablir un rapport sain à la nature, regrette l’eurodéputée écologiste qui prône un retour aux pratiques agricoles simples liées à la nature et à son cycle afin de restaurer la capacité des sols à se régénérer et à jouer pleinement leur rôle de puits à carbone.

La souveraineté alimentaire en question

Rien n’est fait, dans cette PAC, pour accompagner les agriculteurs vers des méthodes agroécologiques, poursuit Saskia Bricmont qui ne voit pas comment cette PAC pourra répondre à l’objectif de souveraineté alimentaire de l’UE et de son indépendance sur les marchés mondiaux, notamment au niveau des protéines.

Compétition intra-européenne

Comme ses collègues sociaux-démocrates, l’écologiste redoute la renationalisation d’une PAC qui permettra aux États membres d’appliquer certaines mesures à leur guise tout en renforçant la compétitivité entre eux.

Rapport à charge

Pour corroborer son propos au niveau environnemental, Saskia Bricmont rappelle le rapport spécial de la Cour des comptes européenne publié le 21 juin dernier, qui a analysé l’impact des mesures environnementales de la PAC sur la réduction des gaz à effets de serre.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le document tacle sévèrement les résultats climatiques du dernier exercice de la PAC entre 2014 et 2020.

Pour 100 milliards € de plus…

Plus de 100 milliards €. C’est la somme qu’elle avait dédiée à la lutte contre le changement climatique, soit un quart de l’ensemble des dépenses agricoles de l’UE.

Malgré ces sommes vertigineuses, les émissions de gaz à effet de serre d’origine agricole n’ont pas baissé au cours de la dernière décennie. Pire, la PAC a soutenu des pratiques « climaticides », estime l’institution.

La dimension liée à l’eau, cruciale pour le secteur agricole, n’est par ailleurs absolument pas prise en compte

« Nous voterons contre »

C’est l’addition de tous ces griefs qui pousseront Saskia Bricmont et ses collègues à voter contre cette PAC, ni juste ni verte, qui entretient un modèle dont on doit, selon elle, absolument s’extraire.

Marie-France Vienne

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