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Dur dur d’être durable

N’est pas Greta Thunberg ou Adélaïde Charlier qui veut. Les plus fervents partisans de la transition écologique tirent une drôle de tête, quand il voit fleurir dans leur proche horizon d’immenses et magnifiques moulins à vent… Ils comprennent alors, révélation divine, les réticences virulentes et militantes des opposants à l’implantation d’un parc éolien dans leur voisinage. Les innocents points rouges disposés sur une carte sont devenus soudain d’écrasantes réalités, quand ces blanches marguerites cyclopéennes ont surgi de nulle part et font maintenant tourner leurs pétales démesurés, en de vastes mouvements hypnotiques. Sont-elles laides ? Sûrement pas ! Elles sont juste envahissantes, un rien angoissantes, et on se dit que plus jamais rien ne sera comme avant, dans notre univers familier. Dur dur d’être durable !

Temps de lecture : 4 min

Bien entendu, en personne sensée et responsable, une fois le choc encaissé et l’amère pilule digérée bon gré mal gré, on se console comme on peut en se disant que dorénavant, ces dizaines d’éoliennes installées sur la crête ardennaise vont placer notre commune à la pointe de la production d’énergie verte par habitant, médaille d’or « éolympique » aux jeux « écololympiques » ! Nous habitons maintenant ’’Vent-sur-Sûre’’ ! Pas le choix, faut y aller… Nous vivons une époque où des options difficiles s’imposent aux gens raisonnables, si nous voulons léguer à nos petits-enfants un monde viable, où les gaz à effet de serre n’auront pas réchauffé notre Terre comme une cocotte-minute prête à exploser. La Covid-19, les catastrophes naturelles de ces dernières semaines d’été, ne sont qu’un avant-goût des désastres qui attendent nos pauvres petiots, si nous ne révisons pas de fond en comble nos manières de réfléchir et d’agir.

Les éoliennes ne suffiront pas, loin s’en faut ! La transition énergétique concerne tout le monde, et chacun doit balayer devant sa porte, arrêter de râler au pied des « élégants » moulins à vent, et chercher des poux sur sa propre tête. Mais que puis-je faire, à ma petite échelle, dans mon petit chez-moi ? Isoler ma maison comme un hérisson sa cachette avant l’hiver, puis me rouler en boule ? Installer des panneaux photovoltaïques sur tous mes toits ? Rouler à l’électricité, même en tracteur ? Transformer mes prairies en forêt, et vendre mes vaches ? Ne plus labourer, quoi que ce soit ? Ne plus voyager et ne plus partir en vacances, moi qui ne l’ai jamais fait ? Consommer local, me chauffer avec mon bois, cultiver mes légumes, ce que je fais déjà ? Remercier chaque matin le Ciel d’avoir balafré d’éoliennes l’innocent visage de mon horizon familier ? Il faudrait agir ainsi pour accéder à la sainteté écologique, consentir à tant d’autres sacrifices, et se dire que ceux-ci ne seront pas vains…

Hélas, comme qui dirait, « l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » « L’homme n’est ni ange, ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange, fait la bête. ». (…). Toute une litanie de maximes pourrait ici calmer notre ardeur écologique, et nous faire douter de la pertinence de nos efforts. À quoi sert-il de multiplier ceux-ci, si ailleurs dans le monde des millions d’hectares de forêt vierge partent en fumée de CO2  ? Si des milliards de gens prennent chaque année l’avion pour un oui, pour un non ? Si de richissimes touristes de l’espace gaspillent, en une seule balade dans la stratosphère, les gaz à effet de serre épargnés par dix éoliennes en six mois ? Si des millions d’hectares de prairie permanente sont labourés pour produire des aliments végétariens ? Si… ? Si… ?

Dur dur d’être durable ! Il faut avoir le cœur bien accroché et savoir faire la part des choses, ce qui n’est pas gagné d’avance. Les scientifiques eux-mêmes tâtonnent à qui mieux mieux. Aucune activité humaine n’est totalement innocente. Même Greta Thunberg émet du gaz carbonique et du méthane ! Il faut rester humble et simplement adapter ses comportements, avoir toujours en tête d’apposer sur notre Terre une empreinte écologique la plus faible possible. Le paradigme ultra-libéral a démontré son impact destructeur, son travail de sape sur les trois piliers de la durabilité : l’environnement, le social et l’économie. Il n’est pas prêt, cependant, à céder sa place à une logique d’action susceptible de nous sauver des ravages du réchauffement climatique. Tout passe par la sacro-sainte trinité capitaliste : profit, croissance économique, compétitivité. Autour de ce noyau dur, gravitent toutes sortes d’aménagements cosmétiques, de déclarations de bonnes intentions écologiques : Green Deal, greenwashings & Cie.

La COP 26, conférence sur les changements climatiques, se tiendra à Glasgow en novembre prochain. Déjà 26 !! J’imagine que le rapport du GIEC y sera plus alarmiste que jamais. D’aucuns annoncent une révolution écologique toute proche, à l’image de la révolution industrielle du 19è  siècle, laquelle bouleversa les sociétés humaines de l’époque. L’implantation de multiples parcs éoliens dans nos campagnes, et la pression ’’verte’’ insistante exercée sur notre agriculture, sont-elles les signes avant-coureurs d’un véritable et salvateur changement de paradigme ? Mais les inondations ont noyé tant d’efforts ! Et les incendies ont plongé le monde dans une épaisse fumée où plus personne n’y voit goutte.

Virginales et tranchantes, émergent de tout ce brouillard les pales de nos splendides et formidables éoliennes… Dur dur d’être durable !

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