Christiane Lambert: «Aucune autre politique européenne ne fait autant en matière d’environnement!»

Pour la présidente de la Fnsea, cette réforme épouse parfaitement  les objectifs du Pacte Vert.
Pour la présidente de la Fnsea, cette réforme épouse parfaitement les objectifs du Pacte Vert. - M-F. V.

Mais quel chemin pour arriver à une réforme que Christiane Lambert qualifie d’équilibrée.

De Hogan à Wojciechowski

Il faut dire que financièrement parlant, la PAC revient de loin. Surtout si l’on se réfère à la proposition budgétaire soumise initialement par le Commissaire Phil Hogan en juin 2018. Souvenez-vous, elle était de 365 milliards € contre 408 milliards € pour la programmation budgétaire couvrant la programmation de 2014 à 2020.

Des chiffres en trompe-l’œil car s’il s’agissait à première vue d’une diminution de 5 %, c’était en réalité une chute d’environ 12 % en prenant en compte l’inflation.

La crise sanitaire est entre-temps passée par là et le plan de relance a permis d’abonder quelque peu le secteur qui enregistre, in fine, une baisse de 2 % sur le 1er pilier et un statu quo pour le second.

« Putsch vert »

Dans la longue route vers la réforme, la présidente de la Fnsea et du Copa évoque la tentative de putsch avortée du vice-président de la commission, le néerlandais Frans Timmermans, qui avait menacé, en novembre 2020, de retirer la proposition en discussion pour la remplacer par une autre qui soit plus étroitement liée au Pacte Vert dont il a la charge au sein de l’Exécutif.

Une posture incompréhensible, voire insultante pour les agriculteurs, tant les éléments allant dans le sens du verdissement sont nombreux, déroule Christiane Lambert. Et d’évoquer le renforcement de la conditionnalité, l’avènement des éco-régimes et la montée en puissance de l’agriculture biologique.

Environnement : ceux qui en parlent, ceux qui le font

Il aura également fallu lutter contre les accusations de « greenwashing » portées par les ONG et certains eurodéputés. Christiane Lambert annonce la couleur : « ceux qui font l’environnement, ce sont les acteurs de terrains ». Les organisations non gouvernementales et les citoyens le font à leur échelle avec leurs propres exigences mais malheureusement pas toujours à bon escient.

On assiste par exemple à des rébellions à la moindre augmentation des taxes sur certains carburants. Et force est de constater que les consommateurs ne priorisent pas toujours les produits respectueux de l’environnement puisque la majorité des achats d’alimentation se font en grande surface avec comme motivation principale celle du prix le plus bas possible.

« Ceux qui font l’environnement, ce sont les acteurs de terrains »,  répond Christiane Lambert aux écologistes.
« Ceux qui font l’environnement, ce sont les acteurs de terrains », répond Christiane Lambert aux écologistes.

25 % d’aides « confisquées »

Les écorégimes, définis au niveau national par chaque gouvernement selon des critères communs, constituent un effort important pour les agriculteurs, insiste la présidente de la FNSEA, rappelant qu’ils représenteront à terme 25 % des versements directs aux exploitations.

C’est le quart des aides directes qui sont confisquées aux agriculteurs et qui ne sont redistribuées que s’ils s’engagent dans des cultures améliorées, des stratégies pour la biodiversité, le bien-être animal ou autres.

Le commissaire et le parlement européen voulaient monter jusqu’à 30 % « car ils étaient dans un trip extrêmement exigeant » insiste Christiane Lambert pour qui 20 % de ressources de la PAC conditionnées constituent déjà un très gros effort.

Certains agriculteurs n’arrivent pas à ce niveau d’exigence et il faut se rendre compte que la perte de 25 % de soutien du premier pilier peut mettre une exploitation en péril.

Dans la droite ligne du Pacte Vert

Pour Christiane Lambert, cette réforme épouse parfaitement les objectifs du Pacte Vert. Quelle autre politique européenne fait autant en matière d’environnement s’étonne-t-elle en réponse aux griefs faits à cette nouvelle mouture de la PAC.

Même M. Timmermans s’est montré surpris de la réaction des écologistes qui ne sont jamais contents, en veulent toujours plus et ne reconnaissent aucune avancée. Au parlement européen, le président de la commission Environnement, le français Pascal Canfin, a reconnu qu’il y avait de véritables engagements verts.

« Moi, quand ça va bien, je le dis » affirme la présidente du Copa en évoquant les nombreuses avancées de la réforme et ajoute dans la foulée que le mécontentement permanent ôte toute crédibilité à la position que l’on défend.

Si les ONG jouent leur rôle d’aiguillon, elles ne sont pas toujours responsables et ce qui est excessif est insignifiant.

Pas de renationalisation

D’aucuns ont longuement redouté une renationalisation de la PAC, leur crainte étant de se retrouver avec autant de politiques que de pays.

Christiane Lambert, qui a réaffirmé son combat pour maintenir le « C » à savoir « commune » de l’acronyme « PAC » se réjouit que les nouvelles règles de l’architecture verte s’appliquent à tous.

Un consensus a pu aboutir au niveau des éco-régimes obligatoires, ce qui constitue un élément de convergence. Ils seront applicables dans tous les États membres, limitant ainsi les risques de fortes distorsions, et si leur mise en œuvre sera laissée à la discrétion de chaque pays, le Conseil se réservera un droit de regard sur leur nature.

Conditionnalité sociale

En tant que chefs d’entreprise, les agriculteurs doivent respecter la législation européenne et le droit du travail.

Le respect des salariés et la capacité à les fidéliser au sein des exploitations participent de la lutte contre la précarité. L’UE a s’est parallèlement mobilisée contre le travail détaché.

On ne peut que s’en réjouir, développe Christiane Lambert en évoquant la toute récente condamnation de « Terra Fecundis », une entreprise espagnole jugée coupable d’avoir contourné les règles européennes du travail détaché pour envoyer des travailleurs, majoritairement équatoriens, dans les champs français.

Pour rappel, entre 2012 et 2015, elle avait fourni plus de 26.000 salariés sud-américains à diverses exploitations agricoles françaises.

Ils étaient largement privés du paiement de leurs heures supplémentaires, contraints de travailler jusqu’à 70 heures par semaine pour certains, et logés dans des conditions dans lesquelles on ne pourrait même pas héberger des animaux, avait cinglé le procureur en charge de l’affaire.

La crise sanitaire a mis au jour des fragilités du secteur agricole au niveau de l’emploi. Cela doit interpeller le citoyen à la recherche des produits toujours moins chers.

Un comportement qui pousse à la délocalisation des productions à faible coût de main-d’œuvre.

Cette nouvelle conditionnalité, se félicite la présidente du Copa, permettra d’harmoniser les politiques sociales qui sont actuellement à géométrie variable au sein des États membres.

Il sera néanmoins compliqué de mettre en œuvre les sanctions au niveau des aides économiques de la PAC, sachant, par exemple, que certaines productions n’en perçoivent pas.

Secteur du sucre

Si déception il y a au niveau de la réforme, c’est par rapport au secteur du sucre qui ne pourra bénéficier d’un filet de sécurité, lui qui est soumis à une concurrence internationale extrêmement forte, notamment avec les pays d’Amérique du sud.

Aides couplées dans certains États membres, aides totalement découplées dans d’autres, sa situation fluctue au sein même de l’UE.

Le secteur est en outre soumis à des difficultés liées à l’accès aux produits phytosanitaires, notamment les néonicotinoïdes qui ont été retirés dans un certain nombre de pays avant d’être réintroduits en urgence.

Christiane Lambert regrette le manque de réactivité de la commission « qui n’est pas au rendez-vous en cas d’aléas économiques et climatiques qui peuvent frapper les agriculteurs européens ».

Dimension commerciale

Reste que la présidente du Copa dégage plusieurs points forts de cette nouvelle PAC, à commencer par le rehaussement du budget, la préservation de la souveraineté alimentaire, les harmonisations entre États membres au niveau social et environnemental.

Mais seule la mise en cohérence de cette réforme avec les accords commerciaux permettra son succès.

On ne peut faire monter en gamme les agriculteurs européens avec autant d’exigences sociales et environnementales avec des frontières passoires laissant entrer des produits au mépris des normes imposées dans l’UE.

Dans l’épopée vers cette nouvelle PAC, Christiane Lambert distribue les bons points. Ils seront pour le pragmatisme de la présidence allemande qui aura été relayé par le dynamisme et la perpétuelle recherche de consensus de la ministre portugaise de l’Agriculture.

Il reste désormais un peu moins de 18 mois pour rédiger tous les règlements sans oublier le vote du parlement européen qui doit intervenir à l’automne.

Ce sera ensuite au tour de la France de prendre les rênes du Conseil. Nos voisins se concentreront sur la mise en lien entre la nouvelle PAC et la politique commerciale européenne, les clauses miroirs, l’harmonisation des signes de qualité.

L’avenir du secteur se joue tous les jours. L’agriculture est une activité de temps long hautement stratégique…

Marie-France Vienne

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