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L’écologie, oui, l’écologisme, bof!

Ayant lu le billet de AB dans la Voix de la terre du 22 juillet, j’ai écouté et réécouté deux fois (sur YouTube) la conférence de Jean-Marc Jancovici : « Il était une fois l’énergie, le climat et la relance post-covid ». Elle mérite vraiment le détour. Outre l’analyse très explicite qu’en fait AB, je voudrais approfondir trois points essentiels : le nucléaire, l’agriculture et la déforestation.

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Il faut d’abord rappeler la différence entre l’écologie qui est une science (la science des interactions entre les êtres vivants dans leur environnement) et l’écologisme, qui est un idéologisme (un mouvement d’idées, partant d’un idéal qui se transforme ensuite en préceptes politiques ou religieux).

Les agriculteurs pratiquent l’écologie au quotidien : choisir une variété en fonction de sa précocité, de sa tolérance aux parasitismes, décider de la date, de la densité et de la profondeur de semis selon l’humidité du sol et sa structure, faire des choix en fertilisation en tenant compte de réserves du sol, protéger la culture en cas d’agression, etc. Tout cela se raisonne en fonction de l’environnement dans lequel la plante va se développer. C’est de l’écologie appliquée au quotidien.

Quand l’écologisme est né, il y a une cinquantaine d’années, personne n’avait conscience du réchauffement climatique et des conséquences que les scientifiques (GIEC) pointent aujourd’hui. Le mouvement s’est constitué en surfant sur les craintes qu’inspirait alors le nucléaire. C’était la guerre froide. La fin de la seconde guerre mondiale était bien présente dans les esprits.

L’autre combat concernait l’agriculture. Il est vrai que l’intensification était maximale et méritait d’être réajustée. Chez nous, la peur de la faim s’est progressivement transformée en une autre peur : celle de la qualité de l’assiette.

Si le problème nº1 aujourd’hui concerne le CO2 (les gaz à effet de serre) que l’on résume en parlant de « Bilan Carbone », que celui-ci est en corrélation linéaire avec la consommation d’énergie, l’activité économique et le PIB, l’équation est simple : il faut réduire les émissions de CO2. Cela s’appelle la décroissance. Il faudrait, selon Jean-Marc Jancovici, additionner 10 fois l’effet Covid pour limiter les dégâts en atteignant l’objectif d’une augmentation des températures limitée à 2ºC en 2030. C’est inimaginable. Les politiques n’en ont cure : ils promettent la relance économique et la maîtrise du climat. « Leurs promesses n’engagent que ceux qui les croient. »

Dans l’attente d’une formule magique, il n’y a pas 36 solutions : le nucléaire qui fournit de l’énergie sans GES (les autres sources constituent des bonus aux quantités limitées), l’agriculture qui capte le CO2 par photosynthèse (on oublie toujours de raisonner en bilan : carbone fixé – carbone investi) et la reforestation pour fixer encore plus durablement le carbone dans les sols.

« Nucléaire, non merci » est un dogme que l’écologisme ne veut pas remettre en question. Difficile aussi de reconnaître que l’agriculture raisonnée offre un bel équilibre entre le potentiel de rendement et la garantie d’une réelle qualité sanitaire.

La météo de cette année rappelle que les conditions climatiques extrêmes ne font que commencer à s’amplifier. Elle rappelle aussi combien il est difficile de lutter contre des pathogènes quand cette météo leur est favorable. La maxime concernant les produits phytos prend tout son sens : « Aussi peu que possible, autant que nécessaire ». Ne pas protéger ses cultures, c’est de la « non-assistance à plantes en danger ». C’est même irrespectueux de la nature. Prendre sa perte n’est pas une solution pour le producteur. Quant au marché, il peut toujours compenser par de l’importation et nous mettons là le doigt sur un autre problème : la déforestation, responsable des gaz à effet de serre à hauteur de 10 %.

Chez nous, la forêt fut à son niveau le plus bas vers 1800. Depuis, le charbon (comme combustible) et la modernisation de l’agriculture (en augmentant le rendement/ha) l’ont sauvée. Elle a regagné 50 % des surfaces. Idéalement, il faudrait encore replanter et ce n’est pas en sous-produisant que l’on peut y arriver.

Nous savons que la déforestation se poursuit ailleurs. Le Brésil a augmenté de 40 % ses surfaces en canne à sucre et espère, via le Mercosur, rayer la betterave de la surface de la terre. Le soja ? On pourrait le cultiver chez nous, avec ou sans OGM selon le niveau de protection qu’offrent les frontières. Il y a des choix cornéliens à faire pour les écologistes : lutter contre la déforestation passe par la défense de notre agriculture.

Il serait temps que ceux-ci organisent un concile ou un grand congrès pour revoir les priorités et revisiter des positions dogmatiques datant du… XXè  siècle. L’avenir de la planète, l’écologie et les écologistes de bonne foi méritent mieux qu’un repli frileux sur des positions dogmatiques dépassées.

Si le réchauffement s’accélère au rythme prévu par les experts, c’est effectivement le sort des générations suivantes qui est en jeu et c’est probablement irréversible.

JMP

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