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Le secrétaire d’Etat à l’Agriculture Tom Vilsack face aux eurodéputés: le quart d’heure américain

Même si elle avait lieu en visioconférence, son intervention était très attendue par les eurodéputés. Le parlement européen a tout récemment invité Tom Vilsack, le secrétaire d’État américain à l’Agriculture, à s’exprimer sur les relations transatlantiques en matière d’alimentation et d’agriculture. Un exercice parfaitement maîtrisé qui éclaire le secteur agricole américain d’un jour nouveau.

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Car la pandémie n’est pas le seul problème qui pèse sur l’agriculture américaine.

L’industrie est également aux prises avec un climat qui change rapidement, un pouvoir des entreprises incontrôlé, une offre excédentaire persistante, un racisme institutionnel, une population vieillissante et une infrastructure de transformation locale insuffisante.

Et c’est donc à un dialogue très important entre deux acteurs majeurs de l’agroalimentaire que Tom Vilsack a appelé de ses vœux à l’occasion de son laïus face aux eurodéputés.

De Trump à Biden

Un ton et une attitude très différentes de celles de l’administration Trump qui avait ouvertement critiqué le Pacte Vert, accusé, selon elle, d’engendrer des pertes de productivité de l’UE et de mettre à mal les relations commerciales entre les deux blocs.

Bien moins virulent que son prédécesseur Sonny Perdue par rapport à la nouvelle stratégie européenne, le représentant du Président Biden a néanmoins défendu un système américain basé sur un système volontaire axé sur le marché, la science et les incitants pour rencontrer une adhésion maximale des « farmers » aux pratiques nécessaires à la réduction des gaz à effet de serre.

Il a également demandé indirectement aux Européens de lâcher du lest sur leurs normes sanitaires et phytosanitaires afin de trouver un terrain d’entente sur un accord commercial.

Le bio à dose homéopathique

Les nouvelles pistes américaines portent sur des programmes de conservation, la transformation de déchets agricoles en produits biosourcés et énergies renouvelables, un mécanisme de compensation financière pour la séquestration de carbone.

Tom Vilsack était déjà venu à la rencontre des Institutions européennes en 2014.
Tom Vilsack était déjà venu à la rencontre des Institutions européennes en 2014.

Les États-Unis soutiennent la diversité des productions agricoles et si l’agriculture biologique y bénéficie d’un soutien, elle ne sera pas davantage favorisée que l’agriculture conventionnelle. Aucun modèle ne primera sur l’autre a d’ailleurs insisté le représentant américain.

Malgré une croissance considérable au cours de la dernière décennie, l’agriculture biologique représentait d’ailleurs, en 2019, toujours moins de 1 % de l’ensemble des terres agricoles aux États-Unis.

Le Vermont est l’État où le pourcentage de terres agricoles biologiques est le plus élevé, soit 11 %.

La Californie, le Maine et l’État de New York ont suivi en ce qui concerne la plus grande part de la superficie consacrée à l’agriculture biologique, chacun de ces États ayant enregistré une superficie de 4 % de la superficie totale cultivée biologique.

Vive les OGM

Nous poursuivons le même objectif a assuré M. Vilsack, en précisant que les États-Unis se sont désormais engagés dans la voie d’un système de production alimentaire durable visant à nourrir la population mondiale tout en respectant l’environnement.

Mais si le voyage est le même, les chemins pour rallier le but diffèrent.

Pour les États-Unis, et son représentant ne s’en est nullement caché, les OGM constituent, par exemple, une manière d’accroître la productivité et la rentabilité mais aussi, grâce l’édition génomique, de rendre les plantes plus gourmandes en dioxyde de carbone et surtout d’éviter le relargage de ce dernier dans l’atmosphère.

Une orientation, tout comme la problématique des hormones dans le bœuf, qui est susceptible de restreindre l’entrée de certains produits dans l’UE, si bien qu’il existe actuellement un important déficit commercial en matière de produits agricoles entre les États-Unis et l’Europe.

Tom Visack s’est engagé devant les parlementaires à chercher des solutions « créatives » à ces divergences.

Pas de bénéfices pour les « farmers »

Les États-Unis se sont concentrés, au cours des cinquante dernières années, sur le renforcement de la productivité, laissant sur le côté de nombreuses PME agricoles.

Les «farmers» font l’objet de toute l’attention de la nouvelle administration.
Les «farmers» font l’objet de toute l’attention de la nouvelle administration.

Une étude récemment menée par l’administration américaine montre d’ailleurs que 90 % des exploitations ne génèrent pas de revenus suffisants et ne survivent que grâce aux activités connexes des agriculteurs.

En 2019, soit juste avant la pandémie, près de 50 % des exploitations américaines ne dégageaient carrément aucun bénéfice de leurs activités. Une constatation qui a poussé l’administration à s’orienter vers de nouveaux marchés en soutenant des systèmes de production locaux afin de réduire les distances d’acheminement des produits alimentaires et donc l’empreinte carbone du secteur.

« Hubs alimentaires »

L’administration, a expliqué Tom Vilsack, est actuellement en pleine réflexion pour créer des « hubs alimentaires » permettant aux petits producteurs de s’organiser en circuits courts.

Cette même administration a d’autre part mis en place des programmes scolaires pour sensibiliser les jeunes à l’importance d’une production alimentaire locale.

Travail sur les sols

45 pratiques agricoles différentes sont en vigueur outre-Atlantique, telles que la jachère ou les rotations de cultures qui permettent de renforcer la capacité des sols au niveau de leur qualité et de leur productivité.

Les États-Unis se sont également engagés à préserver l’intégrité de 30 % des terres et des eaux fédérales d’ici 2030, afin d’enrayer la perte de la biodiversité.

Objectifs climatiques

Ils entendent jouer leur rôle dans la course à la réduction des gaz à effet de serre. Avec leur plan d’action en faveur du climat, ils s’engagent à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 via un programme spécifique impliquant le secteur agricole.

Les États-Unis visent déjà un objectif de réduction de 50 % à 52 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 par rapport aux niveaux de 2005.

Cet objectif double quasiment l’ancien engagement de Washington d’une diminution comprise entre 26 % et 28 % à l’horizon 2025.

Une orientation qui passera par la réduction et la valorisation des déchets alimentaires, une filière par ailleurs potentiellement créatrice d’emplois.

Échanges de bonnes pratiques et d’expériences

Les États-Unis, qui se concentrent actuellement sur un transfert de la recherche publique vers la sphère privée, espèrent unir leurs efforts à ceux de l’UE afin d’initier, à terme, des pratiques plus durables et de permettre aux agriculteurs d’accéder à de nouvelles technologies en faveur du climat et de l’eau.

Et Tom Vilsack de citer, parmi les nombreux objectifs à atteindre, la réduction et la conversion des émissions de méthane liées à l’élevage, tout en tenant compte des défis auquel son pays est confronté quant à la production de protéines animales.

Plus ouvert que son prédécesseur, il a assuré qu’il faudra approfondir le dialogue pour trouver des solutions, tout en précisant qu’elles permettraient de combler le déséquilibre existant entre les opportunités commerciales offertes par le marché américain aux produits agricoles européens et l’accès restreint du marché de l’UE aux produits américains.

Marie-France Vienne

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