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Renouvellement générationnel: la PAC ne suffit pas!

La relève générationnelle représente l’un des neuf objectifs de la PAC. Mais c’est surtout l’un des principaux enjeux pour l’avenir du secteur agricole sur le continent. C’est pour en débattre que le parlement a notamment fait sa rentrée sur cette thématique.

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La commission de l’agriculture a convié à cet effet une représentante de l’Exécutif à redéfinir les contours d’une récente étude et mettre en perspective les différentes pistes pour relever cet important défi.

Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2016, pour tout agriculteur âgé de moins de 40 ans, il y avait trois agriculteurs de plus de 65 ans, a indiqué la commission. Pire, la proportion de jeunes agriculteurs ne dépasse pas 5 % dans un nombre croissant d’États membres.

Une insuffisante relève générationnelle peut avoir de lourdes conséquences, non seulement au niveau agricole et particulièrement en matière de concentration des terres, mais aussi pour tous les citoyens européens.

Une problématique qui touche l’ensemble des citoyens

Une érosion du nombre d’exploitations est en effet synonyme de chute du nombre d’agriculteurs qui jouent un rôle essentiel au niveau de la durabilité de la production agricole et de la vitalité des régions rurales.

Dans une projection à moyen terme, la Commission prévoit une inexorable diminution du nombre d’agriculteurs en Europe.

Ainsi, l’UE pourrait ne recenser que 7,9 millions d’unités de travail annuel en 2030, soit une diminution d’environ 1 % par an. Là encore, certains États membres seraient plus impactés que d’autres, avec, par exemple, une baisse d’environ 4 % en Finlande et en Bulgarie.

Cette diminution de la main-d’œuvre devrait toutefois être en partie compensée par des gains de productivité, rendus possibles avec la mécanisation et une plus forte concentration des fermes.

Déclin de la force de travail

Pour l’heure, la main-d’œuvre en agriculture représentait 9,1 millions d’équivalents temps pleins en 2019 et le déclin de la force de travail représentait 1,25 % entre 2011 et 2019.

Au niveau de la PAC, le soutien aux jeunes représente quant à lui 1,3 % de l’enveloppe des paiements directs.

Parmi les ajustements compris dans la réforme, un nouveau minimum alloué aux jeunes agriculteurs devrait être mis en place.

Ainsi 3 % (contre 2 % dans la précédente programmation) des budgets nationaux de la PAC iront soutenir les exploitants de moins de 40 ans, à travers trois outils : le soutien complémentaire au revenu, le soutien à l’installation, à l’investissement.

D’importants freins à l’installation

La commission a en outre procédé à une large consultation sur les principaux freins à l’installation en agriculture.

Si 20 % des sondés évoquent la faible rentabilité du métier, c’est surtout le manque de disponibilité des terres et la difficulté d’accéder aux crédits qui sont pointés du doigt par les principaux intéressés.

Certes, la PAC peut apporter un soutien financier pour permettre l’achat ou la location de terres. Les paiements directs constituent une garantie très claire pour les banques mais la PAC montre ses limites dès lors qu’il s’agit d’un changement de propriété.

L’accès au crédit ne libère toutefois pas nécessairement la terre surtout quand on sait que seuls 8 % des terres arables sont mises en vente chaque année en Europe.

L’aide au renouvellement des générations fournit un financement pour aider les nouveaux agriculteurs au niveau des coûts généraux résultant de la mise en place de leur exploitation. Elle apporte aussi un soutien à l’investissement au cours des premières années.

Cette aide sera cependant souvent insuffisante à elle seule pour éliminer ces obstacles car la PAC ne peut résoudre certains des problèmes plus larges qui empêchent le fonctionnement efficace des marchés fonciers et du crédit.

Importance des besoins en capitaux

De plus, dans certaines régions, le soutien au revenu de la PAC peut ralentir le transfert intergénérationnel, les agriculteurs plus âgés pouvant préférer conserver ces paiements pour compenser la faiblesse de leurs pensions. Une réalité qui souligne le rôle potentiel des régimes nationaux de retraite pour encourager le renouvellement des générations.

Le premier pilier n’est toutefois qu’un facteur parmi d’autres expliquant un marché foncier inactif.

Faciliter l’accès à la terre et au capital peut également nécessiter des changements afin d’améliorer la cohérence des politiques nationales juridiques, sociales et budgétaires avec les objectifs de renouvellement des générations de la PAC.

Les agriculteurs âgés de 45 à 54 ans disposent en moyenne d’un capital de l’ordre de 200.000€ contre 50.000€ pour les jeunes de moins de 24 ans, ce qui montre toute l’importance des besoins en capitaux.

Le Parlement pointe du doigt l’immobilité du marché foncier, les écarts de revenus persistants entre le secteur primaire et les autres secteurs économiques et l’absence de dispositions appropriées pour gérer le processus de transfert dans le respect de l’ancienne génération.

Les eurodéputés à l’offensive

« On peut avoir la plus belle PAC du monde, elle ne servira à rien si l’Europe n’a pas de jeunes prêts à s’engager dans le secteur » a réagi un eurodéputé italien en regrettant que les agriculteurs ne bénéficient pas d’une reconnaissance positive de la part de leurs concitoyens.

Pour d’autres, la limite d’âge au titre des paiements du premier pilier ne constitue pas la solution pour enrayer la spirale négative.

Et de prôner plutôt des formes de co-entreprenariat et des services de conseils beaucoup plus offensifs pour les jeunes ainsi qu’une amélioration du revenu agricole.

Le député français centriste Jérémy Decerle a pour sa part rappelé que le parlement souhaitait un doublement de l’aide aux jeunes au niveau du premier pilier, une proposition retoquée par le conseil.

« Le renouvellement générationnel doit s’inscrire comme une priorité dans d’autres politiques européennes pour atteindre les objectifs environnementaux. Même si elle n’est pas assez ambitieuse, il faut voter cette nouvelle PAC » a insisté le représentant du Groupe Renew Europe.

« Agribashing » et métropolisation de l’habitat

La vigneronne et députée française Irène Tolleret a dénoncé un « agribashing » rampant et plaidé en faveur d’un meilleur revenu pour les agriculteurs. Une triste antienne s’il en est.

Cela commence, selon elle, par une protection du marché européen contre les importations de produits élaborés selon des normes différentes et qui mettent les jeunes qui s’installe dans certaines filières dans une impasse.

La représentante de Renew Europe a dénoncé par ailleurs une métropolisation de l’habitat et des villes qui grignotent des terres agricoles.

« On crée des conditions d’inaccessibilité pour les jeunes » a regretté la députée pour qui la commission doit créer des zones de protection pour que les jeunes puissent s’installer.

Il faut également une lisibilité sur les revenus agricoles et « c’est notamment pour cela qu’il faut voter cette PAC » a-t-elle ponctué.

Marie-France Vienne

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