Suite à la réforme du droit des biens: la législation sur les troubles de voisinages modifiée

Le législateur donne plusieurs critères pour apprécier le caractère excessif d’un trouble.  C’est sur base de ceux-ci que le juge tranche.
Le législateur donne plusieurs critères pour apprécier le caractère excessif d’un trouble. C’est sur base de ceux-ci que le juge tranche. - backup_studio - stock.adobe.com

L a théorie des troubles de voisinage, anciennement reprise à l’article 544 du Code Civil, était un produit de la jurisprudence. Cet article disposait que la propriété était le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Ce principe était complété par la jurisprudence de la théorie des troubles du voisinage, laquelle précise que le propriétaire d’un immeuble qui, sans commettre un fait fautif, rompt l’équilibre établi entre les propriétés voisines et impose au propriétaire voisin un trouble excédant la mesure des inconvénients ordinaires du voisinage, lui doit une juste et adéquate compensation rétablissant l’équilibre rompu.

Nouveau Code Civil

Depuis le 1er septembre cette création de la jurisprudence est finalement codifiée. Si dans le passé les cours et tribunaux étaient obligés de se baser sur la jurisprudence pour juger chaque cas, ils ont maintenant reçu un cadre législatif qui a fondé les principes.

C’est plus précisément l’article 3.101 du nouveau Code Civil qui règle maintenant les droits d’un propriétaire vis-à-vis à son voisin. Dans son premier paragraphe l’article 3.101 dispose que les propriétaires voisins ont chacun droit à l’usage et à la jouissance de leur bien immeuble. Dans l’exercice de l’usage et de la jouissance, chacun d’eux respecte l’équilibre établi en ne causant pas à son voisin un trouble qui excède la mesure des inconvénients normaux du voisinage et qui lui est imputable.

En bref, chacun peut jouir de sa propriété mais il est limité car il ne peut pas causer un trouble qui excède la mesure des inconvénients normaux du voisinage. Celui qui rompt l’équilibre précité est tenu de le rétablir.

Quand est-ce excessif ?

La question de ce qui est excessif se pose. Le législateur a donné plusieurs critères pour apprécier le caractère excessif du trouble. Selon l’article 3.101 § 1 deuxième partie, il est tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce, tels le moment, la fréquence et l’intensité du trouble, la préoccupation ou la destination publique du bien immeuble d’où le trouble causé provient.

Ces critères sont les principes jurisprudentiels et doctrinaux connus puisqu’ils étaient déjà utilisés dans le passé. Finalement, ça sera le juge qui tranchera sur base de ces critères si, dans les faits, il y a un trouble qui excède la mesure des inconvénients normaux du voisinage

La compensation

Si le juge estime qu’il y a un tel trouble de voisinage, il ordonne des mesures qui sont adéquates pour rétablir l’équilibre. Selon le second paragraphe de l’article 3.101, le juge a le choix entre une indemnité pécuniaire pour compenser le trouble excessif, ou une indemnité pour les coûts liés aux mesures compensatoires prises quant à l’immeuble troublé pour ramener le trouble à un niveau normal. Le juge peut aussi interdire le trouble. Mais une interdiction du trouble est seulement possible, pour autant que cela ne crée pas un nouveau déséquilibre et que l’usage et la jouissance normaux de l’immeuble ne soient pas ainsi exclus.

La loi ne prévoit donc pas une indemnisation totale mais des mesures pour ramener le trouble un niveau normal, ce qui est normal car chaque voisin est obligé d’accepter des inconvénients normaux du voisinage.

Nouveauté : l’action préventive

Une nouveauté dans la législation est l’action préventive inscrite dans l’article 3.102 du nouveau code civil. Cet article dispose que si un bien immeuble occasionne des risques graves et manifestes en matière de sécurité, de santé ou de pollution à l’égard d’un bien immeuble voisin, rompant ainsi l’équilibre entre les biens immeubles, le propriétaire ou l’occupant de ce bien immeuble voisin peut demander en justice que des mesures préventives soient prises afin d’empêcher que le risque se réalise.

Un propriétaire ou un locataire d’un terrain peut donc maintenant demander l’intervention du juge avant que la nuisance se produise. Cette nouvelle action peut être utilisée en référé et dans une procédure au fond.

Jan Opsommer

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