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Du CWATUPE au CoDT, ce qui change pour la zone agricole

Lors d’une journée d’étude à Herve sur le thème « Bâtiments bien pensés, travail facilité ! », Luc Van Der Vieren, du Service Public de Wallonie donnait quelques indications en matière d’urbanisme et d’environnement au niveau agricole et revenait sur les mesures phares et avantages du nouveau Code de Développement Territorial (CoDT) entré en vigueur ce 1er juin.

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L ’orateur commence par un bref rappel historique en matière urbanistique : « Tout commence par la loi organique de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme du 24 mars 1962. S’en est suivie la loi du 22 décembre 1970 qui a permis l’élaboration des plans de secteur », dit-il.

Loi organique de 1962

« À l’époque, la loi organique était la loi des Promoteurs pour les Promoteurs », ajoute-t-il. L’article 25 de cette loi accordait au propriétaire possédant en superficie la moitié d’un territoire, le droit d’être chargé de son aménagement avec bénéfice du droit d’expropriation (droit d’expropriation d’utilité privée). Elle permettait aussi, via l’article 55, au demandeur de permis non satisfait par la décision du fonctionnaire délégué, c’est-à-dire à l’époque l’État, d’introduire un recours auprès de la Députation permanente du Conseil provincial.

« Les effets de cette loi sur les campagnes sont rapidement apparus avec notamment la prolifération de lotissements, le grignotage de nombreuses zones d’intérêts paysager et la multiplication de zones d’habitats toujours plus éloignées des villes et entièrement dépendantes de l’automobile », précise-t-il.

Plus tard, la loi du 22 décembre 1970 a permis un ajustement de la loi organique. « Les modifications apportées avaient entre autres objectifs d’éviter que le travail d’élaboration des plans de secteurs soit affecté par des décisions d’octroi de permis allant à l’encontre des prévisions d’aménagements du territoire mais aussi de lutter contre la spéculation foncière résultant de la délivrance d’une multitude de permis de lotir et de lutter plus efficacement contre les infractions urbanistiques », explique Luc Van Der Vieren.

Cette loi de 1970 a finalement abouti à l’adoption des plans de secteurs. « Début 1970, les premiers projets de plan de secteur sont arrêtés provisoirement avec la même valeur réglementaire que les plans de secteur définitifs et c’est surtout entre 1973 et 1980 que la majorité des plans de secteur sont adoptés définitivement. Tout cela a eu des conséquences en Région wallonne. Des zones d’extension d’habitat furent notamment mises en œuvre et conduisirent à la réalisation d’extension « ruban », c’est-à-dire des constructions le long des routes avec une partie jardin débordant en zone agricole. Il est donc nécessaire de bien différencié ce qu’on appelle zone agricole au plan de secteur et la surface agricole utilisable car énormément de surfaces situées en zone agricole ne sont plus exploitées par les agriculteurs et utilisées en tant que jardins », précise l’agent.

La zone agricole selon le CWATUPE

Jusqu’il y a quelques jours, la zone agricole était définie par l’article 35 du Code Wallon de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, du patrimoine et de l’Énergie dit CWATUPE comme étant une zone destinée à l’agriculture au sens général du terme et contribuant au maintien ou à la formation du paysage.

L’article précise par ailleurs que cette zone ne peut comporter que les constructions indispensables à l’exploitation et au logement des exploitants dont l’agriculture constitue la profession. « On pense trop souvent, à tort, que, quand on est agriculteur, on a droit à un logement en zone agricole. Ce n’est pas toujours le cas ! Il y a des critères d’opportunités à respecter telle que la présence de bétail obligeant à vivre sur place par exemple », dit l’orateur.

Selon le Cwatupe, la zone agricole pouvait également supporter des installations d’accueil du tourisme à la ferme, pour autant que celles-ci fassent partie intégrante d’une exploitation agricole. Remarquons également que, selon le décret du 22 mai 2008 (art. 1er, al.1er), les modules de production d’électricité ou de chaleur, qui alimentent directement toute construction, installation ou tout bâtiment situé sur le même bien immobilier et dont la source est exclusivement solaire, étaient exceptionnellement admis pour autant qu’ils ne mettent pas en cause de manière irréversible la destination de la zone. Enfin, elle pouvait exceptionnellement être destinée aux activités récréatives de plein air (moto-cross, tir aux claies…) pour autant qu’elles ne mettent pas en cause de manière irréversible la destination de la zone. « Pour ces activités, l’autorisation n’était que temporaire sauf s’il s’agissait de transformer, agrandir ou reconstruire un bâtiment existant. Il est également à noter que, pour ses activités, l’accord de l’agriculteur ne suffisait pas et qu’une demande extérieure devait être faite au plus tard 30 jours avant la date de dérogation pour l’utilisation des parcelles agricoles à des fins non agricoles », ajoute-t-il encore.

« Ainsi, suivant les règles du CWATUPE., de nouvelles implantations agricoles ont pu s’établir en dehors des villages. Des activités para-agricoles non liées à la transformation telles que des pépinières ou des manèges ou également pu s’installer en zone agricole ainsi que des parcs éoliens ou encore des extensions d’aéroports », précise-t-il.

Codt : en vigueur depuis le 1er juin

Ce 1er juin le Code du développement territorial (CoDT) a succédé au CWATUPE et a introduit une nouvelle législation en matière d’aménagement du territoire.

Ce nouveau code a notamment pour objectif de répondre au défi démographique tout en luttant contre l’étalement urbain, par exemple en réaménageant des friches industrielles à l’horizon 2026 ; « On estime que 17.000 ha de territoire wallon seront nécessaires pour répondre aux besoins de l’habitat et de ses activités d’ici 2026, il s’agit donc d’un point important », dit Luc Van Der Vieren. Le Codt entend également soutenir le développement économique, durable et attractif de la Wallonie, et simplifier et accélérer les procédures au bénéfice des citoyens et des entreprises wallonnes.

Pour y parvenir, plusieurs mesures phares ont été développées dont le délai de rigueur permettant de mieux planifier son projet. Dans les faits, ce nouveau mécanisme dans le traitement des demandes de permis permet au fonctionnaire délégué (SPW) de remettre un avis si le Collège communal ne rend pas sa décision dans le délai imparti. « Le Collège perd sa compétence au profit du fonctionnaire délégué. Avant, si le Collège ne rendait pas de décision aucune réponse à la demande n’était notifié et le permis était refusé, maintenant il y aura toujours une réponse », dit l’agent du SPW.

Le CoDT est également censé contenir moins de règles contraignantes et plus d’orientation indiquant la voie à suivre. Un effort de simplification des permis d’urbanisme a également été fait par le biais de dispenses de permis élargies, de champs d’application du permis clarifiés ainsi qu’une répartition des compétences précise entre le Collège Communal, le Fonctionnaire délégué, le Gouvernement.

Il mise également sur un plan de secteur plus efficace grâce à la création de deux nouvelles zones stratégiques : Zone d’Enjeu Régional (ZER) et la Zone d’Enjeu Communal (ZEC). La procédure pour la révision du plan de secteur devrait aussi être accélérée.

Via sa dixième mesure, le Codt souhaite aussi augmenter la sécurité juridique des acheteurs de biens immobiliers. « Avant, lorsqu’on constatait une infraction lors de l’achat d’un bien, c’était le nouveau propriétaire qui payait la facture. Le nouveau CoDT voudrait éviter cela via la prévention des infractions urbanistiques, l’adaptation des sanctions en fonction de la gravité des infractions et en favorisant la mise en conformité des actes et travaux infractionnels », explique l’orateur.

Le CoDT et la zone agricole

D’un point de vue administratif l’article 35 du CWATUPE devient l’article 36 du CoDT. Les activités agricoles demeurent la vocation première de la zone agricole. Celles-ci doivent répondre obligatoirement à un double critère objectif : elles doivent concerner la production, l’élevage ou la culture de produits agricoles ou horticoles et doivent être indispensables à l’exploitation agricole. « Attention qu’un producteur de plants est reconnu comme horticulteurs mais pas un entrepreneur de parcs et jardins. Ces derniers ne peuvent donc pas s’installer en zone agricole », précise Luc Van Der Vieren.

Selon l’agent, le CoDT facilitera le développement d’activités de diversification complémentaires à l’activité agricole de l’exploitant telles que la transformation, la valorisation et la commercialisation des produits mais aussi le tourisme à la ferme en ce comprises les activités récréatives.

Il offre également de nouvelles dispenses de permis, en relation directe avec les attestations de conformité telles que :

– pour les silos de stockage en tout ou en partie enterrés ou l’établissent d’une dalle de fumière, à condition que les murs de soutènement n’excèdent pas 1,5m ;

– pour la pose de citernes de récolte ou de stockage d’eau ou d’effluents d’élevage en tout ou en partie enterrés ou le placement de poche à lisier ;

– pour le placement de serres-tunnels saisonnières ;

– pour le placement d’habitats légers de loisirs (dans un terrain de camping à la ferme) moyennant certaines conditions et pour maximum 6 unités.

Un autre point positif du code est l’autorisation en zone agricole d’activités non agricoles telles que l’installation de modules de production d’électricité ou de chaleur privée, d’une unité de biométhanisation par propriété, d’une éolienne domestique par propriété, de petits abris pour animaux dont la superficie au sol peut aller jusqu’à 60 m² (+ 15 m² pour le stockage de l’alimentation)…

Permis et procédures

Pour terminer, Luc Van Der Vieren, rappelle les procédures de demande de permis d’urbanisme, d’environnement et permis unique (groupant urbanisme et environnement).

Dans le cas du permis d’urbanisme, la demande doit être déposée auprès de l’Administration Communale qui est reconnue comme l’autorité compétente. Celle-ci se charge de recueillir les avis auprès des services concernés à savoir, la DGO3-DDRE qui n’a dans ce cas qu’un avis consultatif et non décisionnel, le DNF et le service régional des incendies. Le délai d’obtention pour ce type de permis est de 115 jours.

Le délai d’obtention d’un permis d’environnement d’une validité de maximum 20 ans est quant à lui de 90 jours. Celui-ci est demandé à l’Administration communale qui fait office de relais la transmet au fonctionnaire technique (DGOARENE-DPA). ce dernier aura pour mission de demander leurs avis aux différents services et de renvoyer la réponse à l’Administration communale dans un délai de 75 jours. Le permis unique est soumis à la même procédure.

Pour conclure, l’orateur rappelle qu’un bâtiment, en zone agricole ou non, doit aujourd’hui avant tout être envisagé dans le but d’améliorer le bien-être des animaux et/ou la sécurité de l’exploitant qui est souvent seul.

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