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WhatsApp, le réseau social favori des agriculteurs

Selon l’enquête Agrinautes, pas loin de la moitié des agriculteurs français utilisent la messagerie mobile WhatsApp, et sa popularité devrait même dépasser Facebook cette année. L’application mobile au logo vert serait en train de revitaliser l’agriculture de groupe.

Temps de lecture : 6 min

C ontrairement aux apparences, son usage n’est pas seulement privé, il est également professionnel et n’est pas réservé aux élus des grandes organisations professionnelles. Agriculteurs et conseillers interrogés sont unanimes : Whatsapp booste les échanges, améliore la veille, et permet de rompre l’isolement.

Avec 40,9 % d’ulisateurs chez les agriculteurs, l’application est en train de conquérir les téléphones mobiles de la « Ferme France » et talonne Facebook, utilisé par 44,7 % des sondés et distance déjà Twitter qui en rassemble 11 %.

Les atouts de WhatsApp pour l’agriculture de groupe

WhatsApp – et ses alternatives Telegram, Riot ou Landfiles – sont très répandus en agriculture de groupe, en particulier dans les petits collectifs d’innovation ou de partage de matériel.

C’est là qu’ils semblent avoir trouvé leur usage le plus pertinent en agriculture. Ils y facilitent l’échange – techniques, commerciaux, organisationnels – entre les conseillers et leurs groupes d’adhérents, et entre les agriculteurs eux-mêmes, de pair à pair.

Le phénomène concerne bien les chambres d’agriculture, mais pas seulement.

L’application américaine est également utilisée par des conseillers de Geda (Groupe de développement agricole), de Civam (Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural), ou de Gab (Groupement d’agriculteurs biologiques).

La messagerie connaît aussi un vrai succès dans le réseau des Cuma. Elle apparaît en revanche comme peu répandue dans les coopératives, à l’exception de leurs groupes d’innovation spécifiques.

Et ce n’est pas un hasard si ces messageries ont peu fait florès dans les coopératives. L’apparition et le succès d’un groupe Whatsapp sont très déterminés par l’effectif des groupes d’agriculteurs fédérés par un conseiller.

Une application qui favorise les échanges techniques

Un idéal semble être trouvé dans les petits groupes de développement de Geda ou Gab, qui ne dépassent généralement pas les 30 à 40 personnes et permettent un échange suivi, des discussions construites.

Tandis dans des réseaux classiques de techniciens de coopératives, qui dépassent souvent la centaine d’agriculteurs, la discussion collective devient difficilement envisageable.

Le niveau d’échange technique au sein des groupes d’agriculteurs est un autre facteur clef du développement de ces applications.

« Il est très utilisé dès lors qu’il y a expérimentation, de l’innovation », estime Nicolas Minary, fondateur de la start-up Landfiles, qui propose une application alternative à Whatsapp dédiée aux groupes d’agriculteurs.

On le retrouve beaucoup dans les groupes innovants comme les Giee (des collectifs d’agriculteurs reconnus par l’État qui s’engagent dans un projet pluriannuel de modification ou de consolidation de leurs pratiques en visant à la fois des objectifs économiques, environnementaux et sociaux) ou le dispositif des fermes Dephy (un réseau d’exploitations engagées dans la réduction des phytos).

En coopérative, on a moins besoin d’échanger sur les pratiques. Il y est très souvent question d’agronomie, en particulier d’agroécologie, mais aussi de zootechnie. Cela fonctionne très bien dans les groupes aux thématiques techniques affirmées, comme la gestion de l’herbe, ou l’agriculture de conservation.

Un relais lors du premier confinement

La majorité des personnes interrogées racontent souvent la même histoire. Il y a trois ou quatre ans, à la demande du conseiller ou d’un agriculteur, un groupe Whatsapp est créé, qui connaît un succès modeste au départ, mais dont l’activité décolle au bout de quelques mois, parfois plus.

Dans de nombreux cas, la crise de Covid-19 et le confinement du printemps 2020 ont été un tremplin.

L’effet du confinement est simple à expliquer. Avec la fin des réunions physiques, en salle ou au champ, il a fallu faire autrement.

« Nous nous sommes retrouvés à devoir animer les groupes un peu différemment, alors que l’on était en pleine phase de croissance végétative », retrace Sébastien Windsor, président du réseau des chambres d’agriculture, et de la chambre de Normandie.

« Au printemps, les agriculteurs se réunissent une fois par semaine, et les conseillers font des tours de plaine avec eux. Comme nous étions confinés, nous nous sommes mis à envoyer les photos aux conseillers. »

Dans sa chambre régionale, l’élu a même incité les animateurs à amorcer des groupes d’échanges, d’abord sur Whatsapp – plus tard il conseillera de migrer vers Telegram.

Pour ceux qui l’ont utilisé, l’apport de WhatsApp est indiscutable. Tous les conseillers témoignent d’une revitalisation de l’activité de leurs groupes.

 On a réinventé le fonctionnement de ces organisations collectives, ils nous ont permis de faire revivre cette agriculture de groupe, témoigne Sébastien Windsor.

On a trouvé un outil réactif, où l’on peut facilement échanger des photos, des avis. On voit des choses poussées par le conseiller, mais aussi des échanges plus spontanés entre agriculteurs, des réactions des agriculteurs. Il y a plus de dialogue que quand le conseiller parle. Ça amène plus de débats et de discussions. »

« Cela permet de sortir certains agriculteurs de l’isolement, cela favorise les échanges, souvent tous azimuts, à la fois techniques et commerciaux », témoigne une conseillère à la Maison de l’Agricultuire biologique de Charente.

Whatsapp favorise les échanges sur des cas concrets, de la vie de tous les jours, permet d’avoir l’avis des collègues plus rapidement, de se rassurer, de monter en compétence.

« Derrière ce phénomène, il y a le métier de conseiller qui devra, de plus en plus, être animateur de réseau, analyse Nicolas Minary, de Landfiles.

Avec l’arrivée des pratiques agroécologiques, il va devoir s’informer de plus en plus sur les avancées des fermes pionnières, et les partager. À ce titre, WhatsaApp offre un outil de veille collective très puissant.

Un outil plébiscité par les maraîchers

En maraîchage, on y voit un vrai levier pour de redynamisation des groupes, dont les membres sont souvent plus dispersés géographiquement que dans d’autres productions.

« Whatsapp va titiller la curiosité de certains maraîchers isolés, leur donner envie de participer aux visites de certaines fermes », explique une conseillère précisant qu’« en multipliant les échanges, c’est aussi un tremplin vers la structuration, par exemple pour un projet de groupement de producteurs que nous portons ».

Fluidification de l’usage du matériel en période de pointe

En Cuma, l’outil permet de fluidifier la réservation de matériel. « Avant quand on voulait un combiné tracteur-tonne à lisier, il fallait appeler deux personnes, chacune en charge d’un matériel.

« Maintenant on a un groupe Whatsapp dans lequel on peut poser la question à tout le monde », témoigne un président d’un Cuma de treize adhérents et quarante matériels en Alsace.

Et d’ajouter que « cela fluidifie fortement l’usage du matériel, notamment en période de pointe. »

Il y voit même un outil d’optimisation de ses usages et du fonctionnement de la Cuma : « Prenons l’exemple de la fin des moissons : certains vont vouloir une tonne à lisier. À la première réservation, l’annonce va être faite sur le groupe qu’elle sera accrochée au tracteur à telle date, mettons lundi. Eh bien ça peut me donner l’idée – ou à d’autres – de m’inscrire le mardi ».

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